» J’ÉTAIS PLUS FORT que De Bruyne »

Après Anderlecht et le Standard, c’est désormais à Mons qu’il faut aller pour admirer la patte gauche et la coupe de cheveux tendance d’Arnor Angeli. Rencontre avec un joueur bien décidé à s’imposer en Jupiler League.

Décembre dernier, Mons se déplace au Lierse. Peu avant la mi-temps, alors que le marquoir affiche déjà 0-1, l’Albert hérite d’un coup franc à 35 mètres du but lierrois. Arnor Angeli (22 ans) s’élance et balance une patate dans les cages de Matz Sels. Un but à la Ronald Koeman, son premier avec les Dragons.  » Ce n’est pas le fruit du hasard. Je travaille beaucoup les phases arrêtés même si j’aimerais pouvoir encore le faire plus. Mais il faut gérer avec les entraînements et les phases de repos pour ne pas risquer de se blesser « , estime le Bruxellois qui a déjà bien assez fréquenté l’infirmerie.

D’Anderlecht au Standard

Formé à Anderlecht en compagnie notamment de Grégory Mertens du Cercle, un de ses meilleurs potes, et de Ziguy Badibanga, c’est l’arrivée chez les Mauves de Geert Emmerechts, l’actuel T3, qui met fin à son aventure au Sporting.  » Il préférait les costauds et à l’époque j’étais plutôt petit et frêle.  » Après un court séjour au Brussels, direction le Standard pour Arnor. C’est là que survient l’accident :  » J’étais dans le groupe pro depuis 6 mois, à l’entraînement, Kristof Van Hout et ses 110 kilos me sont rentrés dedans. Ma jambe n’a évidemment pas tenu.  » Résultat : fracture du fémur, ménisque et ligaments atteints et une fin de saison foutue.  » C’est moche parce que Laszlo Bölöni m’appréciait et me faisait progresser. Le lendemain de l’opération, il est venu me rassurer dans ma chambre d’hôpital. Il m’a prouvé que c’était une grande personne en plus d’un grand coach.  »

Les choses avaient plutôt bien commencées pour Angeli. Lancé pour la première fois dans le grand bain de la D1 dans les arrêts de jeu d’un match à Courtrai, il ne lui faut pas deux minutes pour inscrire son premier but.  » Mon père était dans la tribune. Comme le match était presque fini et que je n’étais pas à l’échauffement, il est parti avant la fin. En allumant la radio dans la voiture, il entend que je suis monté au jeu et quelques secondes après je marque. Il s’en est voulu.  »

De retour sur les pelouses, il est barré dans l’entrejeu liégeois par Axel Witsel et Steven Defour.  » C’était dur. J’étais un petit jeune qui revenait de blessure et eux étaient au top.  » Il dispute quelques rencontres puis la saison suivante arrive José Riga.  » Directement, je ne le sens pas. En arrivant, avec Jelle Van Damme ou Mbaye Leye, c’était : – Bonjour, je suis content de travailler avec toi ! Moi je n’ai pas eu un mot. Dès le premier entraînement, il a séparé le noyau en deux groupes : les 14-15 titulaires potentiels et les autres. Il était temps d’aller voir ailleurs.  »

Et cet ailleurs, ce sera le Beerschot ou il est loué une saison.  » C’est là que j’ai vraiment goûté aux joies d’être titulaire, de ne plus avoir l’étiquette d’un jeune même si des séquelles de ma blessure ont perturbé ma saison.  » Le courant passe bien avec Jacky Mathijssen même si son côté lunatique déconcerte parfois :  » Un jour il rigole avec toi, le lendemain, il te crie dessus sans raison. Mais c’est un très bon coach.  » Au terme de la saison, les Anversois souhaitent lever l’option dont ils disposent mais les problèmes financiers l’en empêchent.  » Sportivement c’était très bien mais on était toujours payé en retard. Chaque mois, le président venait nous raconter des carabistouilles dans le vestiaire : vous allez être payé la moitié de votre salaire, vous allez être payé juste les primes… Je ne voulais pas rester.  »

Retour à la case Standard donc où Ron Jans est arrivé entretemps.  » Il était très bien mais manquait un peu de hargne. Je fais une bonne prépa mais je sens que je ne fais pas figure de priorité. J’ai donc discuté avec Jean-François De Sart qui a finalement accepté de me libérer. Quelques clubs belges et étrangers étaient intéressés. J’avais déjà discuté avec la direction montoise l’année d’avant, j’y suis retourné et le discours d’Enzo Scifo m’a plu. Il m’a dit qu’il voulait travailler avec moi, j’ai senti qu’il me voulait vraiment c’est important.  »

Milieu offensif ou défensif

Pourtant, lors de l’ouverture du championnat contre Louvain, Angeli prend place sur le banc.  » J’étais étonné car j’avais beaucoup joué durant la préparation. Scifo m’a testé sur les deux flancs, en milieu offensif et défensif, en soutien. Finalement, il m’explique qu’il doit trouver de l’équilibre dans l’équipe et qu’il va faire confiance aux joueurs qui étaient déjà là l’année précédente. J’étais très déçu parce que j’étais venu pour jouer mais le coach continuait à me parler à l’entraînement, à me dire de ne pas m’inquiéter, qu’il comptait sur moi. Je lui ai fait confiance donc j’ai continué à bosser à l’entraînement.  »

Titularisé une première fois contre le Club Bruges lors de la cinquième journée, Angeli doit ensuite patienter jusqu’à la mi-novembre pour commencer à nouveau un match.  » Je suis rentré dans l’équipe en tant que milieu défensif à côté de Flavien Le Postollec. Ce n’est pas mon poste de prédilection mais je m’y plie, je fais mon boulot défensif comme le coach me le demande. J’ai quand même marqué deux buts et donné trois assists. Je sais que je peux avoir un meilleur rendement mais pour cela il faudrait que je sois aligné plus haut. Au milieu offensif, ce serait le top, c’est ma meilleure place.  »

Passé par toutes les équipes nationales de jeunes, Arnor Angeli a notamment connu Jean-FrançoisRémy chez les Espoirs qui lui reprochait un manque de vitesse d’exécution.  » Je ne pense pas avoir vraiment ce défaut. C’était une période où j’étais en manque de confiance. Je suis un joueur qui aime la balle alors quand ça n’allait pas, je pensais trop à dribbler. Aujourd’hui, je sais que le foot, ce n’est pas ça. Il faut jouer simple et dribbler au bon moment. Je suis capable de jouer vite, de voir un coéquipier et de mettre un ballon dans le dos de la défense. Je pense être un joueur assez complet mais il y a encore plein de choses à améliorer. C’est comme à la Playstation : quand t’as 80 partout, tu essaies d’avoir 90.  »

Chez les jeunes, Arnor était un leader. Ça n’a pas vraiment changé :  » Sur le terrain, j’aime bien replacer, guider, dire un petit mot avant le match. Tout le monde l’accepte. C’est nécessaire des joueurs qui parlent, qui rassurent. Chez les jeunes, j’avais l’habitude de toujours gagner. Ici, on accepte parfois trop facilement la défaite. Moi je ne veux pas m’y habituer.  »

Chef d’entreprise

Une mentalité de gagnant qui s’accommode mal avec son statut de ces dernières semaines :  » Le coach me remet de nouveau sur le banc ces derniers temps. J’étais super déçu de ne pas commencer contre le Standard. Il m’a expliqué que pour l’équilibre de l’équipe, il voulait jouer avec deux milieux défensifs. Je sais que râler n’est pas la solution mais c’est dur parce que j’étais sur une bonne lancée. Pour la suite de la saison, j’espère jouer un maximum. Parfois je repense à l’équipe nationale chez les jeunes où on jouait avec deux milieux offensifs : KevinDeBruyne et moi. Lui a pris son envol et fait de grandes choses chez les Diables et au Werder Brême. Quand je vois ça, je me dis :- Arnor, t’étais plus fort que lui et tu ne t’es même pas encore vraiment imposé à Mons ! Ça trotte dans ma tête mais j’essaie de relativiser. Je dois être patient même si j’ai du mal à l’être. Je sais que je peux le faire, la mayonnaise doit prendre quelque part à un moment donné. Mais le bilan provisoire de ma saison est quand même bon : j’ai participé à presque tous les matches et je n’avais jamais autant joué en une saison. Malgré tout, il y a un goût de trop peu…  »

En dehors des terrains, Angeli est également très actif :  » Je n’aime pas trop le cliché du joueur qui va à l’entraînement, qui rentre, qui se met sur sa Playstation ou qui voit sa gonzesse et fait la fête le soir. Je suis plutôt du genre à m’occuper intellectuellement. Je suis une formation ‘chef d’entreprise’ en cours du soir. J’ai fini mes examens il y a deux semaines, j’aurai les résultats mi-mars. Je suis en Belgique, je ne vais pas m’envoler pour l’étranger l’année prochaine donc je peux me permettre de préparer quelque chose au niveau scolaire pour mon après-carrière. Je n’ai pas envie de me trouver à 35 ans avec rien dans les mains. Mes potes ne comprennent pas toujours pourquoi j’étudie encore mais c’est comme ça. Je veux anticiper.  »

D’origine italienne, Angeli suit également des cours d’italien mais pas forcément pour aboutir en Serie A :  » Non, même si ça ne me déplairait pas. C’est un beau pays, j’adore la langue, la culture. Mais dans le foot, tu peux avoir des propositions de n’importe où, tu ne choisis pas vraiment. Là, j’ai un peu lâché avec mes examens mais je vais reprendre tranquillement. On a un peu perdu ce côté italien dans la famille. Mon grand-père n’a pas appris la langue à mon père. Je trouve que c’est dommage, il ne faut pas négliger ses racines. J’ai envie que mes futurs enfants sachent qu’on a des origines italiennes, qu’ils le parlent, qu’on aille en Italie parce qu’on a encore de la famille là-bas. Je n’en veux pas à mes parents mais moi j’ai envie de faire un effort par rapport à ça.  »

PAR JULES MONNIER – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » En foot, c’est comme à la PlayStation : quand t’as 80 partout, tu essaies d’avoir 90.  »

 » Avec José Riga, j’ai directement senti que ça ne marcherait pas.  »

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