» J’ÉTAIS FIER DE REVENIR À ANDERLECHT EN CHAMPION « 

Gand a enlevé le titre et s’apprête à disputer la Ligue des Champions, ce qui n’est jamais arrivé. Sven Kums, capitaine et meneur de jeu, fait le point sur le passé et se projette dans l’avenir.  » Nous sommes plus que des collègues de travail « , dit-il.  » Et c’est probablement ça notre force.  »

Davantage encore que les autres, SvenKums ne pouvait rêver de meilleur scénario : être sacré champion à la Ghelamco Arena avant le dernier déplacement en PO1 à Anderlecht, le club de la capitale où il a fait ses classes mais où il n’a jamais eu sa chance. En a-t-il profité pour dire à ceux qu’il connaissait encore que, s’ils voulaient être champions, ils devaient le transférer ?

 » Non, certainement pas « , rigole-t-il.  » On ne devient pas champion grâce à un seul joueur, hein. C’est l’affaire de trente personnes. Et puis, je n’ai pas pour objectif de retourner à Anderlecht. Je suis heureux à Gand : un beau club, une belle ville, un beau stade et, bientôt, la Ligue des Champions. Qui laisserait tomber tout cela ?  »

Et plus tard, l’alcool aidant, n’a-t-il pas fait remarquer que le joueur qu’Anderlecht n’avait pas trouvé suffisamment bon il y a quelques années était désormais trop fort pour le Sporting ?  » Non, rien de tout cela. J’étais joyeux, certes, euphorique même et je suis allé me coucher plus tard que la nuit de mon mariage. Mais je n’ai pas fait allusion à Anderlecht.

J’étais fier, c’est sûr : c’était formidable de pouvoir revenir au Sporting en champion. Mais je ne suis pas rancunier. L’été dernier, j’avais d’ailleurs invité HermanVanHolsbeeckà mon mariage parce que ma femme connaît la sienne et parce que mon père a fait du scouting pour lui.  »

La saison s’est terminée en apothéose mais, avant cela, Kums avait été absent des terrains pendant trois mois en raison de problèmes au genou gauche qui l’ont ennuyé jusqu’à la fin des play-offs I. Une opération était même prévue à l’intersaison mais elle n’a pas encore eu lieu.

 » Il y a toujours de l’inflammation mais je fais chaque jour des exercices et ça va mieux « , explique-t-il.  » En concertation avec le médecin et le chirurgien, nous avons dès lors décidé d’annuler l’opération. En cours de préparation, j’ai pu prendre part à pratiquement tous les entraînements. Même lors du stage de teambuilding, qui était particulièrement lourd.

Jusqu’ici, dans ma carrière, j’ai toujours réussi à résoudre tous les problèmes par des exercices. A Courtrai, juste avant mon départ pour Heerenveen, on avait aussi évoqué une opération en raison d’une pubalgie et à Zulte Waregem, on m’avait dit que je devrais subir une intervention pour enlever un morceau d’os qui voyageait dans la cheville mais, à chaque fois, j’ai réussi à éviter le bistouri.

Avant chaque entraînement, je fais une heure d’exercices afin de renforcer la musculature de mes cuisses et de stabiliser le genou. Et après l’entraînement, je passe une demi-heure à travailler le haut du corps. J’aime cela. Pendant trois ans, j’ai suivi une cure protéinée intensive combinée avec des séances de musculation très dures de 45 minutes à une heure.

C’était à Courtrai. Je voulais jouer dans l’entrejeu mais Hein Vanhaezebrouck estimait que je n’étais pas suffisamment costaud pour cela et il m’alignait devant à droite. J’étais très maigre, je n’avais pas de muscles.  »

 » Nous sommes prêts  »

Dans quel état d’esprit entame-t-on une saison lorsque la précédente s’est terminée en fanfare ? Est-on très enthousiaste dès le premier jour ?

Oui, tout à fait. Je parle pour moi mais je crois que c’était pareil pour le reste du groupe. Nous sommes champions et nous voulons confirmer. Ce ne sera pas facile car tout le monde voudra nous battre. Nous l’avons déjà remarqué lors des matches de préparation. Nous devrons donc répondre présent.

Ça veut dire quoi, confirmer ? Reconduire votre titre ?

(il rit) Nous devons en tout cas nous qualifier pour les play-offs I. En principe, celui qui y parvient a encore une chance d’être champion mais plus on prend de points dans la phase classique, mieux c’est, évidemment. Nous savons que nous avons réussi quelque chose d’unique, d’inédit dans l’histoire du club. Pour y arriver à nouveau, nous devrons vraiment être très forts. Nous allons tout faire pour cela mais il est trop tôt pour prétendre que nous voulons être à nouveau champions. Je pense que tout le monde est bien conscient du fait que ce n’est pas parce que nous l’avons été la saison dernière que tout coulera désormais de source.

Pour des raisons commerciales, vous avez joué énormément de matches en période de préparation. Trop ?

Peut-être mais je comprends, même si je pense que nous aurions tout de même réussi à remplir le stade sans cela. Combien de personnes y avait-il en ville lorsque nous avons fêté le titre ? 125.000 ? En préparation, il faut aussi veiller à s’entraîner suffisamment. Ce n’est pas la période la plus amusante de la saison parce qu’on ne joue pas de matches à enjeu mais il est important d’être bien préparé physiquement et mentalement. Dans l’ensemble, je trouve que la préparation a été bonne et je pense que nous sommes prêts.

Michel Louwagie et Hein Vanhaezebrouck pensent que ce groupe peut encore progresser. Etes-vous d’accord ?

Oui. L’équipe est relativement jeune et il y a du talent. Je pense donc que nous pouvons viser plus haut encore. Mais avant tout, nous devons confirmer. Il est un fait que, l’an dernier, nous avions peu de joueurs expérimentés. Les seuls qui avaient disputé les play-offs I, c’étaient Brechtje (Dejaegere, ndlr) et moi. C’est peu. La pression était forte car, dès le départ, on avait dit que nous devions nous qualifier pour les play-offs I. Au début, nous encaissions trop de buts stupides et nous manquions parfois d’efficacité. Depuis, nous avons appris à gérer la pression. Nous l’avons très bien fait au cours des play-offs I. Mais le plus important, c’est l’homogénéité dont le groupe a fait preuve : nous allions au feu l’un pour l’autre et cela ne doit pas changer. Mais ce n’est pas évident.

 » Au milieu, nous sommes tous des 8  »

Un groupe aussi homogène ? Jamais, non ! Nous nous entendons tous bien, nous aimons être ensemble, nous nous sentons comme chez nous et nous aimons venir à l’entraînement. C’est rare… La saison dernière, lorsque nous inscrivions un but, c’est pratiquement tout le banc qui se levait et même les joueurs restés dans la tribune étaient contents. Nous sommes davantage que des collègues de travail. J’ai rarement vu un groupe aussi soudé. Et quand on se sent bien, ça se remarque sur le terrain. C’est peut-être même le plus important.

Et vous, vous avez encore une marge de progression ?

Certainement ! J’ai 27 ans. On dit que c’est la fleur de l’âge.

A quel point de vue pouvez-vous encore progresser ?

Je marque trop peu et je délivre peut-être même trop peu d’assists.

Comment est-ce possible ?

Cela dépend évidemment du poste auquel j’évolue et du rôle qui est le mien. Avant, lorsque j’étais plus maigre, je voulais jouer en 10. Aujourd’hui, je préfère évoluer devant la défense. A Heerenveen, je me cantonnais d’ailleurs dans ce rôle, avec deux médians offensifs devant moi. Ici, nous ne jouons pas vraiment avec un 6. Dans l’entrejeu, nous sommes tous des 8 : Neto, Hannes (Van der Bruggen, ndlr), moi…

Je dois un peu m’adapter aux joueurs qui m’entourent et je le fais volontiers. Neto et Hannes aiment surgir dans le rectangle tandis que j’essaye de distribuer le jeu et de faire jouer les autres. C’est ma tâche la plus importante. J’aime aussi surgir dans le rectangle mais si je le fais sans cesse, plus personne n’est disponible lorsque le ballon se trouve sur le flanc gauche ou sur le flanc droit. J’essaye donc avant tout d’être disponible et de permettre aux autres d’être décisifs.

Après le départ de Karim Belhocine, il semble que l’entraîneur veuille que vous repreniez le rôle de leader. Qu’attend-il de vous exactement ?

Que je tire l’équipe, sans doute.

Et comment voyez-vous cela ?

Je pense que je peux coacher davantage. Je ne suis pas un grand bavard, même si mon expérience aux Pays-Bas m’a aidé à progresser à ce niveau. Mais je parle davantage sur le terrain qu’en dehors. Belhocine, lui, parle beaucoup. De plus, comme il ne jouait pas beaucoup, il pouvait s’occuper davantage des gars qui souffraient un peu ou avaient besoin de discuter. Mais on ne peut pas faire ça avec trente joueurs.

 » Chaque soir, je brûlais un cierge et priais pour Greg  »

Serez-vous le seul leader ?

Non. Tout le monde a son mot à dire mais c’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup de leaders naturels dans ce groupe. Tout le monde peut venir me trouver mais je ne vois pas toujours où est le problème ou quand quelqu’un se sent mal. J’essaye mais ce n’est pas facile. Je pense qu’il serait bien qu’un joueur de chaque nationalité remplisse ce rôle. Et puis, il y a une psychologue.

Avez-vous déjà fait appel à ses services ?

J’ai discuté avec elle de ce qui est arrivé à mon cousin (GrégoryMertens, ndlr) et cela m’a fait du bien mais pour le reste, j’essaye de résoudre mes problèmes tout seul.

Quel regard portez-vous sur cette période ? Comment l’avez-vous vécue ?

J’étais à la maison lorsqu’un membre de la famille m’a prévenu. Je n’en croyais pas mes oreilles, je ne savais que faire et j’attendais anxieusement d’autres nouvelles. Mais ça n’arrivait pas. Et quand nous recevions des informations, c’était sans cesse changeant. A la veille de son décès, on nous avait dit qu’il n’y avait plus rien à faire mais, un peu plus tard, on nous assurait qu’il allait mieux, que son coeur avait recommencé à battre mais que ses organes ne fonctionnaient plus et qu’il allait falloir l’opérer. C’est pourquoi j’étais rassuré au moment de partir jouer contre Anderlecht mais quand je suis arrivé au club, le kiné m’a présenté ses condoléances. Quelques minutes plus tard, on m’appelait pour me dire que Gregoryétait décédé.

Comment avez-vous vécu cela ?

Je m’étais bien sûr préparé au pire mais je gardais l’espoir. Chaque soir, je brûlais un cierge à la maison et ma femme m’incitait à prier. Je n’aime pas parler de cela, je chasse mon chagrin autrement mais je pense que le fait que tout se passait bien au club à ce moment-là m’a aidé. Nous avions beaucoup de matches et, à chaque fois que j’arrivais à Gand, je ne voyais que des sourires autour de moi. Je me sentais soutenu. Avant le match contre Anderlecht, l’entraîneur a dit un mot au sujet de Gregory et j’ai fondu en larmes mais, pendant 90 minutes, j’ai réussi à faire le vide et à jouer pour lui. Après le match, je suis rentré directement à la maison. J’ai essayé d’en parler mais c’était difficile car je ne suis pas comme ça. Mais ma femme était là pour me consoler.

Lui avez-vous rendu visite ?

A l’hôpital, les visites étaient interdites. Même la famille proche n’a pas pu être à ses côtés autant qu’elle l’aurait voulu. Mais je suis allé lui faire un dernier adieu. Je n’étais pas sûr de vouloir y aller mais quand on m’a dit que son regard était paisible, j’y suis allé et je suis très heureux de l’avoir revu une dernière fois.

Qu’est-ce que ça vous a fait de voir son corps sans vie ?

Je n’y croyais pas, je ne pouvais pas comprendre comment on pouvait jouer au football puis mourir d’une minute à l’autre. Je n’admettais pas non plus que des types qui roulent bourrés s’en sortent et lui pas alors qu’il exerçait son sport favori et qu’il faisait tout pour rester en bonne santé.

 » Je suis persuadé qu’il y a une vie après la mort  »

Qu’est-ce que cette expérience vous a apporté ?

J’ai compris qu’il faut profiter de la vie au maximum car tout peut basculer très vite. On ne peut pas savoir combien de temps il nous reste à vivre.

Quel regard portez-vous sur la mort ?

Je suis convaincu qu’il y a une vie après la mort.

Pourquoi ?

Parce qu’il arrive souvent que je voie des choses à certains endroits alors que je n’y suis jamais allé auparavant. Je suis certain que ce sont des choses que j’ai vécues dans une autre vie et qui me reviennent par flashes.

Chaque année, des sportifs, y compris des footballeurs, meurent de crises cardiaques. Ils subissent pourtant une batterie de tests et sont déclarés aptes au sport de haut niveau. Ce qui est arrivé à Gregory Mertens vous inquiète-t-il ?

Je ne peux pas penser à cela. On pourrait sans doute réaliser des tests plus précis mais cela prendrait plus de temps et coûterait trop cher. De toute façon, je pense qu’on ne pourra jamais avoir de garantie. On sait que cela peut toujours arriver et, quand c’est le cas, on y pense. Dans le cas de Gregory, ce qui me fait le plus mal, c’est que c’est arrivé sur le terrain. Parce que j’y suis tous les jours. Mais d’un autre côté, nous avons la chance de faire chaque jour ce que nous aimons le mieux et nous nous donnons à 100 % pour cela.

Etes-vous du genre à chercher à savoir ce qui s’est passé exactement ?

Non, justement : moins j’en sais, mieux je me porte. Si je dois subir une opération, je préfère ne pas savoir ce qu’on va me faire. Je suis même incapable de vous dire ce qui provoque l’inflammation dans mon genou.

Pourtant, vous avez entamé des études de psychologie et de kinésithérapie. Vous avez même une formation de masseur. N’est-ce pas un signe que vous vous intéressez au fonctionnement du corps ?

Non. Si j’ai fait ces choix, c’est un peu par hasard. (il rit).

Et à présent, il paraît que vous avez entamé des études d’agent immobilier ?

Oui.

C’est un secteur impitoyable. Est-ce un signe de votre évolution ?

Je ne pense pas. Là aussi, c’est un peu le hasard. Je trouve cela intéressant mais je ne pense pas que je me lancerai dans ce métier plus tard.

 » Je suis plus dur qu’avant. En actes et paroles  »

La saison dernière, vous avez été exclu. Etes-vous devenu plus brutal ?

Oui. C’est quelque chose que j’ai appris aux Pays-Bas. Ici, à l’entraînement, on est parfois à la limite mais là, c’est dix fois pire.

Vous arrive-t-il de donner des coups ?

Des coups, non mais je mets le pied et il peut m’arriver de toucher quelqu’un. Je pense que je suis plus dur qu’avant, en paroles aussi.

On nous a même dit que vous vous en preniez parfois aux journalistes.

Ça m’arrive, oui. Je supporte moins facilement qu’on critique l’équipe que moi-même, surtout lorsque nous jouons bien, comme la saison dernière. Si j’estime que des journalistes qui sont présents chaque jour doivent faire preuve de davantage de respect à l’égard de nos prestations, je le leur dis. J’estime qu’en tant que capitaine, il m’appartient de défendre mon équipe.

La saison dernière, vous étiez la meilleure équipe mais ce sont les joueurs d’autres clubs qui ont récolté les trophées individuels. Lequel d’entre vous pourrait se mettre en évidence cette saison ?

Simon ? Ou Benito, peut-être. Mais je pense que notre force réside davantage dans le collectif que dans les individualités. J’espère surtout que chacun pourra conserver le niveau qui était le sien la saison dernière, voire évoluer d’un cran. Et surtout, j’espère que nous continuerons à former un tout. J’en attends beaucoup de chacun à cet égard.

Quelles sont vos ambitions personnelles pour cette saison ?

Etre moins souvent blessé, livrer un bon championnat et faire en sorte que l’équipe tourne bien.

Votre soeur est toujours la seule internationale de la famille. Ne rêvez-vous pas des Diables Rouges et de l’Euro 2016 ?

Non mais si ça arrive, tant mieux ! Je ne me focalise pas sur les Diables Rouges mais sur mon club. Je veux donner le meilleur de moi-même ici et on verra quelles conséquences cela aura.

Lors du team building en Ardennes, il y avait des jokers à gagner. Ils donnaient droit à des jours de congé au lendemain des matches. Combien en avez-vous obtenu ?

Trois. C’était le maximum.

Quand les utiliserez-vous ?

En hiver ! (il rit).

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE – PHOTOS KOEN BAUTERS

 » Je n’ai jamais connu un groupe aussi homogène.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire