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 » J’étais en avance sur mon temps « 

Ce mercredi 23 septembre, Georg Kessler fête ses 88 ans. Il s’est depuis longtemps retiré du milieu et mène une vie paisible.

On l’aimait ou on le détestait, mais Georg Kessler ne laissait personne indifférent. Où qu’il aille, il plaçait son sceau sur le club. Sa quête d’une forme presque extrême d’organisation a été le fil rouge de sa carrière et a relégué dans l’ombre ses autres qualités. Georg Kessler a toujours dépeint avec élégance son apport dans les clubs qu’il entraînait : il organisait et stimulait, il modelait et corrigeait. D’une manière très directe.

Nous avons interviewé Kessler à de multiples reprises, très souvent dans un bon restaurant. Kessler prenait toujours son temps pour faire passer son message. Il vous recevait toujours avec classe. Nous nous rappelons d’un reportage à la fin de sa carrière, en novembre 1991, quand le Germano-Néerlandais venait de se lier au Fortuna Sittard. Une équipe en-dessous de son niveau, il en était conscient, car il possédait un sacré CV. Il avait été sélectionneur des Pays-Bas, coach du Sparta Rotterdam, d’Anderlecht, du PEC Zwolle, du Wacker Innsbruck, de l’AZ, du Club Bruges, de l’Olympiacos, du FC Cologne, de l’Antwerp et du Standard. Et il se retrouvait au Fortuna Sittard. C’était une décision émotionnelle, prise par un homme pourtant très rationnel. Car Kessler était né à Sittard et y avait passé sa jeunesse. Il avait donc accepté de visiter les installations du club. Il s’y était promené avec majesté, s’arrêtant ici et là pour contempler les photos du passé accrochées aux murs. Comme pour mettre ses connaissances en valeur, il s’était fait un devoir d’appeler joueurs et dirigeants par leur nom. Il s’était ensuite rendu au centre de la ville. Revêtu d’un costume bleu foncé, d’une chemise lilas et d’une cravate soigneusement assortie.

Nous aimions bien Georg Kessler. Il était passionnant d’écouter cet entraîneur choisissant soigneusement ses mots. Son besoin de reconnaissance et d’appréciation était frappant, comme son amour-propre, qui choquait certains. Mais il fallait passer outre. Kessler est parvenu à intéresser les gens pendant plus de trente ans. Sélectionneur, il est entré en conflit avec Johan Cruijff, a eu des problèmes avec Paul Van Himst à Anderlecht, le trouvant trop peu conquérant. Il s’est disputé avec le manager du Standard, Roger Henrotay, au Club Bruges, il a fait main basse sur le bureau du puissant Michel Van Maele et la liste est encore longue. Ainsi, au FC Cologne, le président avait demandé de pouvoir se rendre au stade avec le bus de l’équipe, depuis l’hôtel. Il avait marqué son accord. Malheureusement, l’homme était arrivé avec une minute de retard. Il était à la porte de l’hôtel et avait dévalé les escaliers. En vain. Tant pis pour lui : il était en retard et Kessler avait ordonné au chauffeur :  » Abfahren.  » Démarrer.

Ce jour-là, à Sittard, il avait parlé pendant des heures de sa carrière, qui était à son automne. Kessler savait pertinemment qu’on l’avait plutôt engagé pour ses qualités d’organisateur que celles d’entraîneur, mais ça ne paraissait pas le déranger. Il avait formé beaucoup d’entraîneurs, avait-il dit. En théorie et en pratique. Et, avait-il insisté, il était nettement en avance sur son temps. Kessler aimait se dépeindre comme un entraîneur qui jouait avec les exercices, qui les imaginait, qui formait méthodiquement ses joueurs, sans qu’ils remarquent cette formulation. Il avait notamment évoqué son passage à l’AZ. Il avait aligné deux avants et doublé les flancs, ce qui était inhabituel à l’époque. Mais, avait ajouté Kessler, il n’avait jamais ressenti le besoin d’étaler ses connaissances.

Georg Kessler se décrivait comme un coach amoureux de la beauté du jeu. Il ne voulait pas seulement gagner, il voulait s’imposer avec un beau football. Les actions de l’AZ étaient si belles qu’il sautait souvent de son banc pour les applaudir. L’AZ disputait des matches très rythmés. Im vollem Umfang, à fond.

En fait, précisait Kessler, il était toujours resté simple. Il avait été élevé ainsi. Il avait toujours voulu aider les autres. C’est pour cette raison qu’il aimait tant son métier, car entraîner, au fond, c’est aider.

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