» J’étais déçu à Zagreb « 

Le médian des Mauves fait le point entre une bonne fin de saison et le match de Sofia.

Il y a deux ans, Walter Baseggio avait été élu Footballeur Pro de l’année, au terme de la magnifique campagne européenne d’Anderlecht. Cette saison, il ne faisait pas partie des nominés… Son moteur a connu des ratés et a eu du mal à démarrer mais il a terminé le championnat en trombe.

Il nous explique, dans ce qui est peut-être une interview d’adieu, pourquoi lui-même et son équipe ont montré deux visages cette saison. Il évoque également ce qui a mal tourné en Croatie et pourquoi il aimerait tant évoluer en Italie dès l’été prochain.  » Je me sens bien ici et j’y reviendrai mais au bout de 16 ans, j’ai envie de connaître autre chose « . Mais d’abord les Diables Rouges !

Vous ne comptez que 19 sélections nationales. De blessures vous ont privé de l’EURO et du Mondial. C’est une déception ?

Walter Baseggio : Oui. Je me suis blessé aux pires moments. Cette saison a été meilleure, avec un point négatif : un match difficile contre la Bulgarie et le banc pendant une heure contre la Croatie. Je suis entré à 2-0 et je n’ai rien pu changer. C’était trop demander. J’ai été déçu de ne pouvoir entamer le match à Zagreb, mais c’était un choix tactique. Il ne me restait qu’à faire de mon mieux au moment où j’allais recevoir ma chance.

A Zagreb, Anthuenis a-t-il commis la même erreur que Broos en championnat, soit aligner trop d’éléments offensifs ou privilégier les noms à l’occupation ?

Ça peut jouer, oui. Buffel, Emile Mpenza, Sonck, Goor même, un flanc droit libre… Obtenir un bon équilibre n’était pas facile. Il ne s’agit pas des noms mais de l’occupation de terrain. Les Croates pratiquaient un 4-4-2 très classique. Ils nous ont tué par les flancs.

Donc, si ça dépend de vous, pas de triangle magique à Sofia ?

Je ne suis qu’un joueur, adressez-vous à l’UB.

 » Comme avec Dockx  »

Quel bilan effectuez-vous de cette saison mauve ?

Nous n’avons pas mal commencé avant de connaître un passage à vide. Nous nous sommes retrouvés en novembre mais un épouvantable mois de janvier et notre irrégularité nous ont coûté le titre. Je conserve de très mauvais souvenirs de notre match à Bruges. Regardez le classement final : ces points auraient fait une fameuse différence. Bruges aurait été davantage sous pression, aurait peut-être commis des faux-pas alors qu’ainsi, il a pu contrôler la situation. Nous terminons toutefois sur une note positive, dans la mesure où nous avons réduit notre retard à des proportions plus acceptables et où nous nous sommes qualifiés pour la Ligue des Champions. Cette saison me rappelle celle durant laquelle Jean Dockx a repris l’équipe : après un mauvais départ, nous avons joué d’excellents matches, sans presque encaisser de buts tout en en marquant facilement.

Hugo Broos a partiellement plaidé coupable, en admettant avoir prêté plus d’attention aux noms qu’au système, contrairement à son habitude.

Quand vous êtes nouveau dans un club, il n’est pas facile de faire fi des noms. Je comprends sa méthode de travail. D’un autre côté… Jouer avec quatre attaquants n’était pas l’idéal. Souvent, Yves Vanderhaeghe et moi, nous regardions le ballon nous passer au-dessus de la tête et nous étions fréquemment surpris par des adversaires en constante supériorité numérique. J’avais alors le sentiment de ne servir à rien. Je ne cessais de courir mais je ne voyais jamais le ballon. Après notre défaite contre Mouscron, l’entraîneur a changé son fusil d’épaule. Nous avons joué de manière à couvrir toutes les zones.

De combien votre rendement s’est-il amélioré ?

De plus de 30 %, au moins. Quand nous récupérons un ballon, je le reçois immédiatement et je peux l’envoyer aux attaquants. Ça fonctionne parfaitement.

Jestrovic et Dindane ont récolté tous les honneurs mais l’entraîneur a souligné votre résurrection.

Oui, oui. Ils ont marqué et se sont donc distingués. Ce n’est pas l’essentiel à mes yeux. Je veux avant tout me sentir bien sur le terrain, ce qui a été le cas ces derniers temps. J’ai pu jouer en un temps ou en deux, réussir quelques gestes techniques, c’est chouette. Il ne faut pas viser l’entraîneur seul. Les joueurs sont responsables aussi, certainement en janvier.

Comment était l’ambiance, cette saison ?

Comme les résultats, parfois mauvaise, parfois plus chaleureuse. Quand on perd, chacun pointe les autres du doigt. C’est un peu normal. Depuis que ça va mieux, tout le monde est complimenté. J’ai eu ma ration de critiques mais je n’y réagis plus depuis des années.

N’était-elle pas justifiée ?

Si, j’ai connu une mauvaise période, je l’admets, mais qui n’en a pas au cours d’une saison ? Les bons moments et les moins bons se succèdent. Etre numéro dix à Anderlecht implique beaucoup de responsabilités et de pression. Je suis blindé. J’en suis à ma septième saison dans le noyau A, ne l’oubliez pas.

 » Aruna déterminant  »

Avant le Nouvel An, n’avez-vous pas eu l’impression de ne pouvoir tenir ce rôle, que l’entraîneur vous en demandait trop ?

Je ne sais pas si c’était vraiment dû à moi. Il y avait trop d’éléments offensifs sur le terrain et il était difficile de combler les brèches qu’ils laissaient. Moi à gauche, Yves à droite, c’était courir sans arrêt pour arriver trop tard. Anderlecht a longtemps laissé trop de trous. Au début, ça allait encore car Kolar était dans l’équipe et courait comme un damné mais au bout d’un mois, il était vidé. Seol ne pouvait cacher qu’il pensait en attaquant. Il n’y avait pas de mouvement en profondeur. Ça a changé. Le rôle libre qu’a obtenu Aruna a constitué un tournant. Sur le flanc droit, il était limité, il dribblait jusqu’à se retrouver bloqué et ça nuisait à l’équilibre général. Il m’était aussi difficile de choisir. Si j’accompagnais l’attaque, comme l’entraîneur me le demandait, je n’étais pas bien placé en perte de balle. Si je restais à ma place, on fustigeait à juste titre le fait que nous ne remontions pas assez.

Pourquoi le système a-t-il fonctionné en Coupe d’Europe ?

Il a été corrigé, avec l’appoint d’un élément défensif. Chaque zone était couverte. Après Mouscron, nous avons évolué comme ça en championnat aussi. C’est le meilleur système pour une formation telle qu’Anderlecht, je trouve. Ainsi, il y a toujours quelqu’un dans les parages pour rattraper l’erreur d’un partenaire. J’en veux pour preuve qu’on disait que notre défense était une passoire alors qu’elle est devenue la meilleure du pays. Pour moi, ce n’est pas grave si elle est un peu moins bonne à la relance. Le temps de Beckenbauer est révolu. Notre défense est solide dans les duels et elle sait passer le ballon, à l’entrejeu, qui recèle suffisamment de techniciens. Un défenseur doit avant tout savoir défendre. Olivier Doll ne correspond peut-être pas à la définition du parfait arrière droit mais il y a eu de la présence.

Quels ont été vos rapports avec l’entraîneur ?

Bons. Au début, il n’était pas facile de répondre à ses attentes. Nous avons eu quelques discussions. Ensuite, tout s’est bien passé.

Vous vous êtes publiquement plaint qu’il parle de vous dans la presse mais qu’il ne dialogue pas avec vous.

Oui. Dans les moments difficiles, je n’ai rien entendu alors que dans les journaux, il m’a démoli. Je me suis posé des questions. Je suis allé le trouver et nous avons discuté. Nous nous comprenons sur les points essentiels, ce qui se remarque sur le terrain.

Une chose est claire : vous n’êtes pas un joueur proche des avants. Broos voulait que vous évoluiez dans ce registre mais Franky Vercauteren, qui vous connaît depuis longtemps, doutait de la sagacité de cette attente et a obtenu raison.

Je préfère en effet un rôle un rien moins offensif qu’au début. Je reprends en fait le rôle qui m’était dévolu dans la bonne équipe que nous avons eue avec Aimé Anthuenis. Dockx me faisait jouer encore plus défensivement.

 » Ah, le nouveau style mauve  »

La mission assignée par Broos était-elle ingrate ?

Il serait exagéré de dire qu’elle était impossible mais elle n’était certainement pas facile à accomplir. Mais vous vous fixez trop sur moi. Je pense que tout le monde se sent mieux dans notre nouveau style de jeu. Nous jouons deux ou trois fois mieux. Anderlecht s’est trop longtemps appuyé sur des actions individuelles. Bruges avait un meilleur jeu collectif, et peut-être plus de chance. A la fin, je pense qu’Anderlecht était meilleur que le Club. Mais sur l’ensemble de la saison, Bruges a été plus régulier et plus réaliste. Il mérite donc le titre.

Vous avez marqué huit buts. Est-ce suffisant ?

Je me fixe chaque année un objectif de dix buts et dix assists. Je suis à nouveau dans la norme. Avant, je convertissais des penalties. L’essentiel, c’est que je n’ai guère eu de problèmes physiques et que j’ai joué tout le temps. J’ai l’impression qu’en équipe nationale aussi, ça commence à marcher, donc en fin de compte, ma saison a été bonne. N’oubliez pas que les jeunes qui ont éclos cette saison l’ont fait dans l’entrejeu. Il a donc fallu continuellement s’adapter.

Vous avez été capitaine, en l’absence de De Boeck et de Crasson, et vous avez été meilleur dans ces matches.

Ça m’a fait du bien. Etre capitaine d’Anderlecht à 24 ans… Peu de joueurs peuvent en dire autant. Je suis au Sporting depuis 16 ans. J’ai été capitaine en catégories d’âge, maintenant en équipe fanion, et comme numéro dix, encore bien. J’attache beaucoup d’importance à ce numéro.

Maradona !

D’accord, j’admire ce joueur mais gamin, je préférais de loin Gianfranco Zola. Je raffole de son style. Zola n’est pas un dribbleur comme Maradona, mais il sait bien jouer en un temps et a un superbe coup franc. J’ai toujours voulu lui ressembler.

Broos n’a pas voulu vous mouler dans le rôle de Zola !

Peut-être mais je parle de son style, pas de sa position. Je n’ai pas son accélération non plus. Je ne suis ni rapide ni lent mais je n’ai pas d’explosivité, malheureusement. C’est pour ça que j’essaie de jouer le plus vite possible. Avant d’avoir le ballon, je sais à qui je vais le donner, où il y a des espaces, et mon bagage technique me permet d’exécuter mes plans. Ce sont mes points forts, je pense.

On dit que vous stagnez. Vous êtes d’accord ?

Cette année, j’ai connu des hauts et des bas, comme l’équipe. Le Baseggio de la Ligue des Champions était magnifique, l’autre a eu une forme capricieuse, comme tout le monde cette saison. Il s’agit aussi d’une tout autre équipe, qui a longtemps attaqué à outrance au lieu de mettre le verrou derrière.

Toujours trop soft ?

Mais progressez-vous ? N’êtes-vous pas trop indulgent à votre propre égard ?

Cette critique ne me dérange pas.

Si vous êtes vite content, c’est parce que l’école des jeunes d’Anderlecht ne retire pas le maximum de ses joueurs.

Ça peut jouer un rôle, je l’admets. Souvent, c’était très facile. D’un autre côté, on m’a fait travailler individuellement. Beaucoup. Si j’ai atteint ce niveau, c’est parce qu’on a fait du bon boulot à Neerpede, avec des entraîneurs compétents.

Pourquoi vos coups francs ne sont-ils plus aussi redoutables ?

Je n’ai pas eu souvent l’occasion de tirer du coin droit. Si je m’exerce ? Non. Si je le fais une ou deux fois par semaine, c’est beaucoup. Peut-être devrais-je m’y mettre.

Etes-vous assez bon pour évincer Zetterberg ? Il voudra peut-être récupérer son numéro dix.

Intégrer Zetterberg, un excellent médian lui aussi, ne sera pas facile pour l’entraîneur. Je n’aimerais pas être à sa place. Avec Dockx, j’ai évolué dans l’entrejeu avec Scifo et Zetterberg, dans le rôle le plus défensif du trio. Il m’importe peu de devoir jouer plus offensivement ou non, pour autant que je puisse appliquer mon jeu.

Etes-vous suffisamment discipliné pour casser le jeu ?

J’en ai la puissance et mon jeu de tête est bon. L’entraîneur doit prendre en compte ces considérations. Pär et moi avons évolué trois ou quatre ans ensemble dans l’entrejeu. Pas de problème de mon côté. J’espère simplement qu’il ne faudra pas à nouveau six mois pour que ça marche. Ce serait triste.

D’un autre côté, il est possible que vous partiez cet été.

( Il hésite) Je rêve toujours d’évoluer en Italie mais mon manager m’a dit qu’Anderlecht voulait me conserver, sauf si je recevais une proposition très conséquente. Dans les semaines à venir, mon manager va continuer à sonder le marché italien. On verra. Ce n’est pas encore trop tard. Je n’ai que 24 ans et mon contrat court deux ans encore. Le club et moi avons le temps.

Sonck veut partir. Vous aussi ?

Si c’est possible, oui. Après 16 ans à Anderlecht, je vise plus haut. Non qu’Anderlecht ne soit pas un grand club mais je veux repousser mes limites. Je ne suis pas maître de mon sort. Je dépends du club et du travail de mon manager. Ça ne me cause pas de problème.

L’Italie, c’est la roulette, d’après Paul Courant.

Je le comprends mais ce ne sera pas le cas cette année. Là aussi, le marché est fermé. Il y aura peut-être quelques jours de mouvements et le tout sera d’en être à ce moment. Je sais aussi que je n’y recevrai pas de cadeau, malgré mes origines, mais je ne redoute pas ce défi. Je suis un homme ambitieux.

Peter T’Kint

 » Pas facile

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