J’en perds mon foutebol !

C’est le 1er avril, vous en faites donc ce que vous voulez, vous prenez ce qui suit au sérieux ou comme une vaste blague. Mais si vous aimez briller parfois dans les coquetels, pourquoi pas disposer de quelques tuyaux pour y prouver que les fêlés du ballon rond sont à la page, quant aux recommandations orthographiques récemment rappelées par notre Conseil de la langue française ? Y’a pas qu’au foot que, question règlement, tout est permis et son contraire : en 1990, la nouvelle orthographe entendait simplifier les choses, les rendre plus cohérentes mais sans rien imposer. Une stratégie peace and love qui, quasi deux décennies plus tard, a fait passer au vert le feu du tout est permis, déprimant au passage ceux qui gardaient plaisir et fierté à écrire sans fautes, et même sans faute : signe des temps, les profs de 2009 ne savent plus ou donner du bic rouge ! Au point qu’aujourd’hui, les chefs du français chez nous se sentent obligés d’en remettre une couche dans les médias, suppliant presque le peuple d’appliquer enfin les recommandations de 1990…

Concentrons-nous dès lors sur l’orthographe footeuse.

Règle n°1, ne plus s’emberlifi-coter avec des accents circonflexes sur le i et le u. Désormais, les entraineurs ne portent plus le chapeau ! Tout le monde peut entrainer même quand le torchon brule, et l’attaquant peut, à visière découverte, être à l’affut puis bruler la politesse à son défenseur. Mais restez couverts pour le a et le o, que vous défendiez crânement vos chances ou que vous soyez à côté de vos pompes. Ah oui, y’a une exception : si vous êtes une valeur sûre, vous devez quand même circonflexer : parce qu’une valeur sure laisse dans la bouche un gout bizarre…

Règle n°2, nous jouerons désormais le contre différemment : en tirant un trait définitif sur l’usage du tiret ! Nous pratiquerons le contrepied, le contrappel, la contrattaque et même la contreperformance, il ne s’agit pas de s’en contrefoutre ! Nous pratiquerons aussi le entre, que ce soit dans l’entrejeu ou pour un entredeux, et l’ auto comme dans autobut.

Règle n°3, faut aussi souder les mots d’origine étrangère : là, nous qui franglicisons à foison, nous voilà servis : hattrick, goalkeeper, offside, holdup, fightingspirit, giantkiller, extratime, fairplay, turnover, hurrahfootball, boxtobox, winninggoal, dreamteam,… notre vie va changer, et celle des hockeyeurs encore plus (penaltycorner) !

Règle n°4, tous ces mots allochtones sont à mettre au pluriel comme s’ils étaient de chez nous : des matchs, des derbys, des penaltys, des clubmans, des coachs, des linesmans, des maximums pour les caïds, des minimums pour les lanternes rouges, des mercatos pour les paumés, des macaronis s’ils sont au moins deux…

Règle n°5, celle-là va drôlement nous faciliter la prose : faut pas tout souder, des tas de mots composés gardent leur trait d’union, et seul leur second élément se met alors au pluriel ! des avant-centres, des centre-bananes, des garde-chiourmes, des pare-chocs, des essuie-glaces, et j’oserais même dire des score-fleuves…

Règle n°6, ne vous tracassez pas avec les verbes en -otter, qui s’écrivent dorénavant -oter (balloter, greloter, frisoter). Les chefs du français ont fait une exception pour les joueurs de foot, qui continueront à botter des deux t !

Règle n°7, quelques anomalies sont supprimées : si vous effectuez un relai avec un partenaire, ce sera désormais comme pour le balai, faudra en faire deux pour pouvoir écrire relais. Et même si vous êtes le roi des feignants, vous pouvez désormais mettre 2 t à combattif et combattivité… A noter que l’ognon perd son i et l’imbécilité un de ses deux l, mais nous n’avons guère usage de ces deux vocables douteux dans ce football où tout est propre…

Règle n°8, il est recommandé d’appliquer la graphie française aux sonorités des mots venus d’ailleurs. Là, même si footballeur est passé dans les m£urs, ce serait beaucoup demander à nos sensibilités s’il fallait écrire leadeur, supporteur, jokeur, outsideur… Et pénalty avec l’accent ! Et corneur ou cornaire ?

Voilà le topo et vous voilà ferrés, la dictée du Balfroid vous ouvre les bras, gagnez-la l’an prochain avec les gamins de votre club, et Fadila Laanan vous décorera pour avoir pu fusionner foot et culture. Ne me remerciez pas, c’est moi qui vous remercie : temps-quille-houx-verre-riz-mouche !

par bernard jeunejean

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire