« J’en avais assez. C’est Scifo qui m’a sauvé »

Devenu il y a peu le Montois ayant disputé le plus grand nombre de matches officiels de ces 15 dernières années, Cédric Berthelin revient sur son parcours avant d’aborder la dernière ligne droite de la saison.

D1, D2, titulaire, sur le banc et même au chômage : le portier français a tout connu dans sa carrière avec, comme fil rouge, le RAEC Mons. Après des intermèdes à Dender et à Mouscron, il a entamé en 2010, le second chapitre de son aventure dans la capitale hennuyère.

Comment êtes-vous arrivé à Mons ?

CédricBerthelin : Pur hasard. J’ai fait toute ma formation à Lens et après quelques saisons sur le banc, j’ai décidé d’aller trouver du temps de jeu ailleurs. J’ai d’abord été prêté à l’ASOA Valence puis j’ai tenté ma chance en Angleterre : à Luton Town puis Crystal Palace. Une belle expérience puisqu’on a décroché notre ticket pour la Premier League. Forcément, Crystal Palace a transféré des gardiens plus renommés et je cherchais donc un nouveau club. Je m’entraînais avec Lens et j’ai dit à un ami que je tenterais bien le coup en Belgique. Il m’a donné le numéro d’un agent qui m’a mis en contact avec Mons. J’ai passé un test avec Michel Iannacone, qui entraînait les gardiens à l’époque, et j’ai signé mon premier contrat pour Mons dans la foulée.

Vous débarquez à un très mauvais moment.

Oui, c’était l’après-Sergio Brio. Jos Daerden était notre coach. Au mercato d’hiver, une douzaine de joueurs font leur apparition, dont moi-même. Au premier tour, l’équipe n’avait pris que 6 points. On avait déjà énormément de retard sur le premier non-relégable. Malgré ça, on a fait une super deuxième partie de saison et on n’échoue finalement qu’à deux points du sauvetage.

Le club bascule en D2 et pourtant, vous restez ?

Oui, j’avais des propositions pour être doublure dans des clubs du top belge et d’autres pour jouer en D1 mais j’avais donné ma parole au président Dominique Leone que je discuterais d’abord avec Mons. Je marche beaucoup à l’affectif. J’avais retrouvé ici un club familial où je me sentais vraiment très bien, où je faisais des bonnes performances et où j’avais un bon sentiment. Le président m’a demandé mes exigences. Je voulais un contrat de 5 ans et je l’ai eu.

La D2 ne vous faisait pas peur ?

Si le président m’avait dit qu’on était à la ramasse financièrement et que ce n’était pas possible de remonter tout de suite, même avec toute l’affection que j’avais pour le club, je serais parti. Mais là, il y avait un projet. José Riga est arrivé, on avait des joueurs d’expérience comme Daré Nibombé, Eric Rabesandratana, Roberto Mirri et aussi de bons jeunes comme Sandro Cordaro. Finalement j’ai eu raison, on a été champion et sur notre lancée, on a vécu une magnifique saison de D1 où on termine neuvièmes avec 44 points.

 » Vous me faites chier ! Prenez Herpoel et moi j’irai voir ailleurs  »

Pourtant, en cours de saison suivante, le club recrute Frédéric Herpoel.

Je venais de perdre mon père en très peu de temps d’un cancer. C’était un choc, j’étais vraiment proche de lui et il me suivait partout dans le foot. J’étais à deux doigts de tout plaquer. J’avais beaucoup de mal à trouver du plaisir dans le foot. A l’époque, dès que je faisais trois ou quatre mauvais matches, tous les journaux parlaient de Fred Herpoel. A un moment, je me suis dit :  » Vous me faites chier ! Prenez-le et moi j’irai voir ailleurs « . C’est ce qui a fini par arriver. Mais je n’ai jamais eu de problème avec Fred. On est partis en stage ensemble en Espagne, ça s’est super bien passé. Mons m’autorisait à mettre les voiles si je trouvais un club avant le 31 janvier et Dender a fait appel à mes services. Je pense que c’est une des meilleures choses qui me soient arrivées parce qu’il fallait que j’aille voir ailleurs. J’avais trop de souvenirs douloureux et surtout besoin de changement, d’un nouveau challenge.

Vous jouez alors un an et demi à Dender, suivi de quelques mois à Mouscron avant la faillite.

A Dender, j’ai eu l’impression de débarquer dans un club de Provinciale. On travaillait sur des terrains pas possibles mais la mentalité était géniale et puis il y avait Johan Boskamp. C’est un personnage, un mec fantastique. Le groupe était chouette avec Eric Deflandre et plein de bons gars. Il y avait une bonne alchimie entre les Flamands, les Wallons, les Français. On s’est sauvés la première année puis la saison suivante, on est malheureusement descendus à l’issue du tour final. Je me suis retrouvé quelques mois sans club avant de signer à Mouscron. Là aussi, je suis tombé dans un super groupe avec Alex Teklak, Daan Van Gijseghem, Jérémy Sapina, Chemcedine El Araïchi, Gonzague Van Dooren. T’es vite mis à l’aise avec des gars comme ça. Quand je signe, je ne m’attends pas à vivre une aventure pareille. On me dit que le club a l’argent, qu’il y a des projets, etc. Mais la deuxième fiche de paye, elle n’arrive pas. Ça s’est mal terminé mais c’était vraiment une bonne expérience.

 » A mon retour à Mons, je gagnais moins que comme chômeur en France  »

Vous vous retrouvez une nouvelle fois sans club. Vous avez douté ?

C’est clair, je me suis dit qu’il allait falloir faire autre chose, que c’était pas possible. Que j’avais la poisse. Mouscron ça a été un grand traumatisme pour tout le monde : les joueurs, les supporters, les gens qui travaillaient là. Une fois de plus, je suis donc retourné m’entraîner à Lens avec la réserve, parfois avec les pros quand ils en avaient besoin. Ils ont toujours été nickel avec moi, je peux vraiment les remercier. J’ai même failli signer à nouveau là-bas. Vedran Runje qui était le titulaire de l’époque s’est blessé début avril et les deux autres gardiens étaient aussi sur la touche. Malheureusement, j’aurais dû m’engager avant le 31 mars pour que le transfert soit validé et ça ne s’est donc pas fait. Entretemps, je suis venu voir quelques matches à Mons. J’ai discuté avec Mario Leone, le frère du président. Il voyait bien que j’étais tenté par un retour mais Tristan Peersman était entre les perches à ce moment-là. Finalement, il n’est pas resté la saison d’après et j’ai donc fait mon retour à l’Albert. Avec un tout petit contrat : je gagnais moins que si j’étais resté au chômage en France mais c’était une nouvelle aventure qui commençait. On a vécu une chouette saison : plein de suspens, de rebondissements. Celle-là, je m’en souviendrai à jamais. Le match de barrage à Tubize, ça reste dans les mémoires collectives.

De retour en D1, le club transfère Olivier Werner, un sérieux concurrent. Comment vous le prenez ?

A partir du moment où tu montes en D1, t’es obligé d’avoir deux gardiens d’expérience. Oli était déjà là en 2004-2005, tout jeune, prêté par le Standard. On s’entendait très bien. On a continué à se voir quand je jouais à Dender et lui au Brussels. J’étais content que ce soit Oli qui arrive parce que je savais qu’avec lui il n’y aurait pas de coups bas. Après, j’étais quand même inquiet parce que je savais très bien que c’est un gardien de qualité. Il restait sur une grosse saison à Eupen. Finalement, le coach décide de me faire confiance pour le début de championnat. Tout allait bien.

 » Trop vieux pour jouer sur un terrain synthétique ? C’était n’importe quoi  »

Puis vient le match à Saint-Trond où Dennis Van Wijk décide de titulariser Werner en justifiant son choix par le terrain synthétique trudonnaire.

Je pense que le coach a été maladroit plutôt que malhonnête. J’aurais préféré qu’il me dise qu’il trouvait qu’Oli était meilleur que moi ou qu’il me trouvait moins performant plutôt que de me sortir que je suis trop vieux pour jouer sur un terrain synthétique. Il a perdu toute ma considération. Il est passé pour un clown aux yeux de beaucoup de monde autour du club. S’il m’avait dit clairement les choses au lieu de me trouver des excuses pareilles, j’aurais beaucoup plus facilement accepté.

C’est le début des problèmes entre le groupe et Van Wijk ?

Avec Van Wijk, tous les joueurs ne se sentaient pas concernés. Il avait son onze de base plus un ou deux joueurs. Quand un mec du onze de base se blessait, il préférait faire jouer un milieu def arrière droit plutôt que de mettre la doublure du titulaire blessé à sa place. Au fur et à mesure de la saison, il a perdu quasiment la moitié du groupe à cause de ça.

Vous restez sur le banc jusqu’au bout de la saison. Vous avez songé à un transfert ?

Non, je voulais arrêter. Je savais que Philippe Vande Walle était en fin de contrat. J’avais dit au directeur sportif, Dimitri M’Buyu, que s’il ne prolongeait pas, j’étais intéressé par le poste d’entraîneur des gardiens. Finalement, la direction m’a expliqué qu’ils voulaient reformer le staff de Mouscron et faire venir Franky Vandendriessche qui était à Courtrai. Il est arrivé à deux jours de la reprise. Là-dessus, je reçois une proposition de Courtrai pour reprendre le poste de Franky. J’étais très intéressé, c’était une belle opportunité de finir ma carrière et de me lancer directement dans le coaching. Malheureusement, Mons avait payé pour faire venir Vandendriessche, du coup quand ils ont appris que c’était Courtrai qui me voulait, ils étaient prêt à me laisser partir à condition qu’ils laissent tomber le montant du transfert de Franky, ce qu’ils ont refusé.

 » Enzo Scifo m’a piqué où il fallait  »

Comment vous réagissez ?

J’ai traîné ma déception pendant deux mois. J’avais pris du poids, je ne faisais pas attention, je n’étais plus très concerné. Enzo Scifo m’a alors dit de me reprendre, qu’il comptait sur moi. Il m’a piqué là où il fallait. Il m’a fait jouer le match contre Ciney en Coupe. On gagne 3-0 et trois jours après contre le GBA, je suis titulaire. J’ai eu le bonheur de saisir ma chance et pour l’instant ça me sourit. Maintenant, j’ai assez d’expérience pour savoir que c’est difficile d’aller en haut mais c’est très facile de redescendre.

On a beaucoup parlé de la défaite contre Charleroi. Il a été dit que certains joueurs (Werner, Nicaise, Franquart) auraient soi-disant balancé le match. Comment vous avez vécu les choses, vous ?

J’ai joué dans beaucoup de championnats et des choses comme ça, je n’en ai jamais vues. Il faut vraiment être fort pour réussir à balancer un match. Il faut être un bon comédien. Moi je suis persuadé à 100 % qu’il ne s’est rien passé. Il faut aussi voir qui a balancé cette  » info « . C’est Stéphane Pauwels. Je l’aime bien Stef, je le connais bien, on a toujours bien parlé ensemble mais je pense que là, il y a des choses à ne pas dire, surtout quand t’as aucune preuve. Pour moi c’est une énorme connerie et c’est malheureux que les gens s’arrêtent à ça. Je connais les gars et je les vois tout simplement incapables de faire ça.

Vous avez pris une carte rouge contre Anderlecht, vous avez craint pour votre place ?

Forcément que j’ai eu peur, c’est obligé. Si Oli fait un super match contre Bruges quand je suis suspendu, qu’on gagne là-bas, qu’il arrête un penalty et qu’il sort toutes les frappes, je ne crois pas que le coach m’aurait remis en place et ça aurait été logique. Ce sont ses choix et tout le monde les respecte. Si demain, je sens que je suis moins bien et que l’entraîneur me sort, je ne vais pas aller pleurer en demandant pourquoi.

 » Les PO1 ? Ça peut aller très vite !  »

Quels sont les objectifs de la fin de saison ?

On n’a pas grand-chose à perdre. Les PO1 ne sont pas hors d’atteinte (ndlr, interview réalisée avant la défaite face à Malines) mais en football, tout peut aller très vite dans un sens comme dans l’autre. Il faut seulement continuer, travailler de la même façon qu’au premier tour pour ne pas gâcher tout le travail qui a été fait.

Si vous jetez un coup d’oeil dans le rétro, vous êtes satisfait de votre carrière ? Vous avez des regrets ?

En général je suis satisfait. Mon seul regret, c’est de ne pas avoir percé à Lens. J’ai commencé là-bas à 12 ans. J’y ai vécu des choses extraordinaires. La première année où j’arrive dans le groupe pro, on termine champion de France et on atteint la finale de la Coupe. L’année suivante, on gagne la Coupe de la Ligue puis je me retrouve en 1/2 finale de l’UEFA sur le banc contre Arsenal. Quand je vois les jeunes de maintenant, je pense qu’à l’époque j’avais même trop de respect pour les joueurs qui étaient en place. Pas assez de hargne et pas assez envie de bouffer l’autre dans le bon sens du terme. Une satisfaction que j’ai c’est que partout où je suis passé j’ai laissé un bon souvenir. Je préfère qu’on garde de moi l’image d’un bon mec plutôt que d’un bon footballeur.

Et votre futur proche, comment vous le voyez ?

Je suis en fin de contrat en juin, je vais voir ce que le club envisage pour moi. Je sais qu’à 36 ans je ne représente pas l’avenir de Mons mais malgré mon âge, il y a déjà d’autres clubs qui se montrent intéressés. Tout peut arriver mais une chose est sûre, j’ai envie de prolonger l’aventure en tant que joueur.

PAR JULES MONNIER – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Balancer un match ? Il faut être fort !  »

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