« J’avoue, je rêve du Ballon d’Or »

Notre enquête l’a révélé : tous les pros de D1 estiment que c’est largement le Belge du LOSC qui a le plus de chances de percer au plus haut niveau.

Eden Hazard n’a que 18 ans mais le football continental le considère comme une des étoiles de demain. Cette saison a été celle de son éclosion en équipe fanion du LOSC, cinquième de la Ligue 1. Hazard a même été élu Espoir de l’année en France. Zinédine Zidane en personne n’a pas tari d’éloges à l’égard du talent belge pendant le gala.  » Je le transférerais à Madrid les yeux fermés « , a déclaré Zidane, nommé le lendemain conseiller sportif du Real par le président Florentino Perez.

Regardez un seul des nombreux petits films présents sur You Tube et vous comprendrez pourquoi la moitié de l’Europe (de l’Inter à Chelsea, de Barcelone au Real) courtise le petit Belge (1,70 mètre).

Zidane s’est-il manifesté depuis ?

Eden Hazard : Non, j’attends toujours un coup de fil ( il rit). Tout occupé à recevoir mon prix, je n’ai pas prêté attention à ses propos. Je n’ai entendu sa déclaration qu’après-coup, à la télévision. Zidane a toujours été mon exemple. Il est le meilleur numéro dix de la dernière décennie.

Les spéculations entourant votre avenir commencent à vous ennuyer, dites-vous. Vous restez donc un an de plus à Lille ?

En effet. Je dois d’abord devenir un titulaire incontesté quelque part. Si je veux poursuivre ma progression, je ne peux sauter d’étape. Rejoindre un grand club ne rime à rien si c’est pour y faire banquette. J’ai encore beaucoup à apprendre et je le dis à tout le monde.

Pensez-vous que vous ne joueriez pas encore dans un grand club ?

Je ne sais pas mais je n’ai que 18 ans. Vous me voyez tout seul à Milan ? Il faut aussi tenir compte de l’aspect extra-sportif.

Passons la revue : Chelsea, Barcelone, Arsenal, le Real, Milan et l’Inter. Tous auraient pris des renseignements sur vous. Sont-ce des rumeurs ou y a-t-il eu des offres concrètes ?

Certaines le sont mais je n’ai discuté avec aucun représentant de ces clubs. Je dépends depuis deux ans d’un bureau de management parisien qui s’occupe de tout. Il est spécialisé dans l’accompagnement des jeunes talents. Il sera important pour mon avenir. Parfois, je demande ce qui se passe mais je préfère ne pas être au courant des rumeurs.

La saison prochaine, Lille aura un nouvel entraîneur, Paul Le Guen très vraisemblablement. Cela aura-t-il une influence sur votre décision ?

Le Guen a un profil comparable à celui de Claude Puel, l’entraîneur d’il y a deux ans. Mais je n’ai pas à me plaindre de Rudi Garcia, puisqu’il m’a offert sa confiance, et j’espère que le suivant fera de même.

Comment évaluez-vous la saison écoulée ?

Je suis particulièrement content de sa dernière partie : j’ai été titularisé neuf matches d’affilée et j’ai gagné en expérience.

Votre moment de gloire a eu lieu en Coupe contre Lyon. Avec deux assists et un but, vous avez assuré la victoire de Lille.

Contre Lyon ! Ce n’est pas Montpellier ou un club de ce niveau… Je n’oublierai jamais ce match.

Avant de marquer, vous vous êtes magistralement défait de votre adversaire direct. Etait-ce instinctif ou pensé ?

C’était l’impulsion du moment. Le ballon arrivait, je savais le défenseur dans mon dos. J’ai donc pivoté. On ne peut marquer de tels buts que quand on maîtrise l’action quasi à la perfection.

Avez-vous reçu beaucoup de compliments ensuite ?

Mes coéquipiers m’ont surtout charrié : Hazard, le petit Belge qui avait marqué !

Garcia a déclaré que vous aviez beaucoup de progrès à effectuer sur le plan défensif et en volume de jeu. Est-ce exact ?

Absolument. Mais si vous lui posez la question maintenant, il vous confirmera que j’ai déjà progressé. Parfois, je suis tenté de briller cinq minutes puis de disparaître. Il m’arrive d’être nonchalant, d’oublier ce qui a été convenu, comme l’heure de l’entraînement… Ce n’est pas volontaire. C’est pour ça que je dis que j’ai beaucoup à apprendre.

D’après le staff technique des -19 ans belges, vous avez gagné en force, en explosivité et vous conservez mieux le ballon. Etes-vous d’accord ?

Oui. Ce n’est possible qu’en travaillant dur à Lille. Avant, je ne voyais pas toujours l’utilité de me donner à 100 % à chaque entraînement. J’ai changé. Les entraînements sont essentiels dans la préparation d’un match. Il y a aussi une énorme différence entre les séances des jeunes et celles des professionnels. Ces derniers m’ont vraiment poussé à progresser.

Pour peaufiner votre dribble, vous vous appuyiez souvent sur les films de You Tube. Quels étaient vos modèles ?

Je cherchais les films de Ronaldinho… mais j’ai surtout acquis mon bagage technique en jouant au football contre mes frères, dans le jardin. Thorgan a deux ans de moins que moi mais possède aussi une bonne technique. Kyllyan est très doué. Il joue toujours à Tubize mais on peut comparer sa technique à celle de Thorgan et à la mienne. Malheureusement, je ne vois plus souvent mes frères. Il paraît que Thorgan se débrouille bien à Lens. Nous rêvons de nous affronter un jour en Ligue 1.

Votre père a joué en D2 avec La Louvière. Est-ce grâce à lui que vous êtes tous les trois de bons footballeurs ?

Cela joue certainement un rôle. Il n’a jamais fait de différence entre nous, essayant toujours de nous consacrer la même attention.

Vous a-t-il inculqué le football au berceau ?

Il ne nous a jamais poussés, au contraire. Nous avons encore un petit frère de six ans, Ethan. Il n’a pas encore touché un ballon de football, je pense.

Le talent est-il inné ou vient-il du travail ?

Sans doute reçoit-on un don mais on ne peut l’exploiter qu’en travaillant beaucoup. Je vous l’ai dit : c’est à force de jouer contre mes frères que j’ai affûté ma technique et cela vaut pour eux aussi.

Indépendant

A Lille, habitez-vous toujours au centre de formation de Luchin ?

Oui, mais dans quelques semaines, j’emménage dans un appartement que j’ai acheté en janvier, un rien en-dehors de Lille. Ce sera un grand changement. Je devrai conserver la même discipline de vie. D’autre part, Lille n’est pas très loin de Tubize, où habite ma famille. Je peux toujours demander à mon père de m’aider.

Vous pouviez signer à Anderlecht, qui vous suivait depuis vos huit ans, mais vous avez préféré Lille. Pourquoi ?

Il ne faut pas s’occuper du seul aspect sportif mais aussi de ce qu’on propose pour les études. Anderlecht n’avait rien. J’aurais dû faire la navette tous les jours, alors que Lille avait un projet complet. Mon père et moi n’avons pas hésité une seconde.

La formation des jeunes en France – et spécialement à Lille – est réputée mais votre père a fait une remarque : le foyer des jeunes ressemblait trop à une prison. Vous craigniez aussi de ne plus avoir d’amis qu’en football, suite à cet isolement. Qu’en est-il ?

Nous formons une chouette bande, qui comporte quelques Belges ; donc ça va. Nous vivons isolés, de fait, mais ainsi, on ne fait pas de bêtises.

La rédaction du site du club vous a consacré un reportage. On y voit votre espace de vie. Vous aviez une petite chambre mais le reste ressemblait furieusement à une clinique.

Je ne dirai rien contre cette académie car elle est une des meilleures d’Europe, mais après quatre ans passés là, j’aspirais effectivement à disposer de plus d’espace.

Vous arrivez à un moment charnière de votre carrière, celui où le jeune prometteur doit devenir adulte. Certains talents de seize ans disparaissent dans l’anonymat après l’année de leur éclosion.

Je sais. Je dois confirmer cette belle saison à Lille, devenir titulaire à part entière, me débrouiller dans mon appartement… Je dois relever beaucoup de défis. Il m’appartient de faire mes preuves.

Saviez-vous que Franck Ribéry était passé par votre centre de formation ?

Oui et il a été renvoyé. Je ne sais pas pourquoi.

Pour mauvais caractère.

Il est un peu fou, hein ! Mais un des meilleurs joueurs du monde. Il n’est pas très grand non plus. Je regarde souvent ses matches.

Qu’est-ce qui vous frappe ?

Le plaisir qu’il éprouve à jouer. Il faut essayer des trucs. Cela ne marche pas toujours, mais il faut persévérer. Le football est synonyme de plaisir. C’est l’essentiel.

Les entraîneurs soulignent précisément votre joie de jouer. Vous aimez tout simplement le football.

Evidemment. Je sais ce dont je suis capable, en quoi je suis bon. Le reste coule de source et le public s’amuse aussi.

L’équipe nationale française ?

Pourquoi avez-vous joué avec les -19 ans belges la semaine dernière ? N’eût-il pas mieux valu vous reposer pour être frais à l’entame de la saison ?

Nous formons une bande de copains. Nous avons déjà joué un EURO et un Mondial, cela tisse des liens. Pourquoi ne les aiderais-je pas à se qualifier pour un nouvel EURO ? ( NDLRL’interview a été réalisée avant le match décisif contre la Suisse. La Belgique ne s’est pas qualifiée, alors qu’elle n’a perdu aucun match. Hazard a marqué lors des trois matches).

Vous avez effectué vos débuts avec les Diables contre le Luxembourg, un match amical qui n’était même pas retransmis. N’était-ce pas un début en mode mineur ?

Non. Je rêve de porter le maillot des Diables Rouges depuis que je suis gamin. J’étais tout simplement heureux. D’ailleurs, ensuite j’ai participé au match contre la Bosnie, qui était retransmis.

Lancer un jeune inexpérimenté dans un match aussi important et tumultueux ne constituait pas un cadeau ?

Non. J’aurais préféré entamer le match, mais bon, cette génération est forte et les places sont chères.

Les Belges n’ont plus participé à un grand tournoi depuis le Mondial 2002. Vous aviez onze ans. Conservez-vous des souvenirs de cet événement ?

Je me souviens du match contre le Brésil, injustement perdu 2-0. Mais vous avez raison, c’est un laps de temps considérable. La génération actuelle recèle suffisamment de talent pour se qualifier pour un des prochains tournois.

Il paraît que la fédération française a proposé de vous naturaliser pour que vous puissiez jouer pour elle. Est-ce exact ?

Oui, c’était l’année dernière. Je n’y ai pas réfléchi un seul instant, je suis belge.

Jouer pour la France vous aurait pourtant permis de réaliser votre rêve suprême : remporter le Ballon d’Or de France Football… En rêvez-vous toujours ?

Pourquoi pas ? Il faut oser être ambitieux. Cela peut paraître arrogant mais je suis certain que presque tous les jeunes joueurs en rêvent. J’ai confiance en moi-même et en mon entourage. Ensemble, nous pouvons aller loin mais je devrai travailler d’arrache-pied.

par matthias stockmans – photos: reporters

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