» J’avais envie de tout arrêter « 

Une prise de conscience récente, un come-back en équipe nationale et un physique retrouvé : le jeune Bruxellois explique les raisons de son retour en forme.

Anthony Vanden Borre reste un personnage énigmatique du football belge. Médiatiquement, sa présence est quasi nulle, ce qui laisse place aux fantasmes les plus ridicules. Depuis ses débuts à 16 ans à Anderlecht, VDB traîne derrière lui une image de mauvais garçon sans pour autant que des faits concrets ne viennent la justifier. Vanden Borre, c’est aussi un parcours chahuté : un départ très jeune pour l’Italie, un statut de réserviste, des passages épisodiques chez les Diables, et un retour en Belgique fait de hauts et de bas.

Depuis plusieurs semaines, la régularité accompagne des prestations convaincantes qui ont même connu une répercussion en équipe nationale. L’homme dit avoir mûri. En exclusivité pour Sport/Foot Magazine, VDB explique pourquoi ça a toujours été un peu compliqué pour lui… Entretien.

Depuis plusieurs semaines, tu évolues à un bon niveau. Comment l’expliques-tu alors que tu étais dans le trou en début de saison ?

Anthony Vanden Borre : Ma prise de conscience coïncide avec l’arrivée de mon nouveau coach, Mario Been, avec qui j’ai eu une discussion constructive. On a parlé de ma carrière, de mes problèmes privés, on a tout mis à plat. Et pourtant, au début, on ne s’entendait pas.

Tes problèmes privés étaient de quel ordre ?

Des  » problèmes privés  » c’est peut-être un peu exagéré. Mais c’est vrai que je ne me concentrais pas à 100 % pour le foot. Je vivais une sorte de ras-le-bol. Malgré mon jeune âge, j’ai déjà un certain vécu, j’ai connu l’étranger, je suis revenu…

Avais-tu le sentiment de ne plus progresser depuis ton retour en Belgique après quatre saisons à l’étranger ?

On avait beau être champion, je n’étais pas heureux du niveau que j’avais atteint. J’étais évidemment le premier fautif. Je m’étais mis trop de pression dès mon retour, ce qui n’est jamais bon pour un joueur pro.

Et pourtant tes débuts avec Genk sont bons !

Oui… Mais ça se dégrade rapidement. A ma décharge, je n’avais pas joué pendant six mois, je n’avais pas eu de préparation. Et puis, surtout je n’ai pas tout fait pour atteindre le top.

Tu ne vivais pas comme un pro ?

Oui. Je le reconnais. Difficile d’expliquer pourquoi.

Tu étais revenu à Genk en grande partie parce que Vercauteren y était coach. Est-ce que son départ fut un gros coup du pour toi ?

Bizarrement, c’est ce qui a tout changé. Depuis qu’il n’est pas là ça va mieux, je retrouve le rythme, je me sens mieux. Peut-être qu’on se connaissait trop et peut-être qu’il me voyait encore comme le jeune qu’il avait connu à Anderlecht.

Dès qu’il est parti, j’ai réfléchi à mon futur, à ce qu’il n’allait pas. Tu te retrouves devant peu de possibilités : soit tu craques et tu laisses tout tomber, soit tu relèves la tête.

Tu as pensé à tout laisser tomber ?

Tout laisser tomber ça voulait dire partir dans un championnat d’un pays du Golfe où on allait me laisser tranquille, où ce que l’on me demanderait c’est simplement taper dans un ballon. Mes amis et ma famille m’ont fait comprendre que ce serait bête de tout abandonner.

Vu ton talent, tes capacités athlétiques, comment expliques-tu que tu aies autant peiné depuis tes débuts pros ?

Je dois admettre que partir d’Anderlecht pour l’Italie, c’était pas le meilleur choix pour un jeune. J’ai souffert, surtout au niveau défensif. En Angleterre, c’était différent, il y a une période où tout tournait bien même si ça n’a pas duré longtemps puisque Portsmouth a connu des ennuis financiers. S’il n’y avait pas eu ces problèmes extra-sportifs, j’y serais bien resté car j’aimais le jeu. Avant de me retrouver à Genk, j’ai à nouveau reçu des propositions d’Italie que j’ai refusées. La Belgique c’était dans mon esprit : revenir pour mieux rebondir. Mais après quelque temps, tu te rends compte que ca va être plus compliqué que tu ne le pensais. Repartir de zéro c’est jamais évident, d’autant que la presse ne m’a jamais loupé.

Tu en veux aux médias belges ?

Pour être honnête, je ne les calcule même pas. Depuis mes 16 ans, les médias sont sur mon dos. Ça n’a pas toujours été évident pour moi. A Genk, je ne donne jamais d’interviews par exemple. Mais je n’en veux pas pour autant aux journalistes, je les laisse raconter ce qu’ils veulent raconter.

Ce qui est dit sur toi ne te blesse pas ?

La presse parle beaucoup de ce qu’elle ne connaît pas et raconte des trucs qui n’ont rien à voir avec le foot. Aujourd’hui, j’ai le sentiment d’être dans une bonne période et, pourtant, il y en a encore qui vont chercher la petite bête. Exemple : face à la Roumanie, je fais un bon match mais certains ont préféré pointer mes erreurs. J’ai l’impression de devoir prouver toujours un peu plus que les autres. Pourquoi ? Je ne sais pas… Si je m’exprime si peu, c’est aussi parce que j’ai le sentiment que mes propos vont être déformés.

 » Face à Haïfa, je me demandais ce que je faisais sur le terrain « 

Lors du match le plus important de la saison de Genk face au Maccabi Haïfa, tu effectues une montée catastrophique lors des prolongations qui aurait pu vous éliminer. Après coup, comment analyses-tu cette absence de motivation ?

Ce match face à Haïfa correspond à la période la plus difficile pour moi. Avec l’entraîneur intérimaire, Pierre Denier, ça n’allait pas trop. J’étais perdu, c’était la première fois de ma carrière que ça m’arrivait, que j’avais envie de tout arrêter. Face à Haïfa, je me demandais ce que je faisais sur le terrain, pour être honnête je ne pensais même pas à l’enjeu de ce match.

Tu es conscient que ce soir-là tu renvoies une très mauvaise image ?

Il aurait mieux valu me laisser à la maison, ne pas me reprendre dans le groupe comme ça avait été le cas en championnat. Finalement, je suis repris, je monte et… ça se passe mal. Heureusement pour moi, on finit quand même par se qualifier. J’ai pu par après montrer un autre visage en Coupe d’Europe.

Avec Been, les débuts ont aussi été compliqués non ?

Oui, on s’est un peu embrouillé au départ. Il voyait clairement que je ne faisais pas les efforts nécessaires. Et il ne comprenait pas pourquoi. Il m’a parlé de sa période comme joueur, du fait qu’il était considéré comme un grand talent mais qu’il a déconné et qu’il n’a pas connu la carrière qu’il aurait pu avoir. Cette discussion a été très constructive.

Vous parlez quelle langue entre vous ?

Plusieurs ( il rit). Français, anglais, italien, un mélange des trois.

Au niveau du jeu, qu’est-ce que tu penses de lui ?

Il voit le foot comme je l’aime, il nous demande d’aller de l’avant et nous laisse une certaine liberté. C’est le contraire de Vercauteren qui était toujours derrière notre dos. Frankie avait trop tendance à nous considérer comme des enfants alors que pour la majorité on ne l’est plus. Je pense que j’avais besoin de cette liberté, qu’on me laisse un peu tranquille. A 24 ans, tu es normalement censé savoir ce que tu as à faire…

Et pourtant la méthode Vercauteren fonctionnait très bien l’an dernier !

Oui parce les joueurs ont suivi sa ligne de conduite à la lettre. Mais ça ne peut pas toujours être le cas. Sa méthode, elle fonctionne une saison, pas deux. Même si je peux me tromper, je pense que s’il était resté à Genk, on aurait connu une saison difficile. L’autorité ça fonctionne à court terme mais à partir d’un certain temps on craque. Et c’est comme ça dans tous les clubs. Le seul qui y arrive sur la durée, c’est José Mourinho parce qu’il est très fort d’un point de vue relationnel. Frankie c’est moins le cas. D’un point sportif par contre, il est l’un des meilleurs coaches en Belgique, si pas le meilleur. Il connaît le foot dans ses moindres détails.

 » Je suis un bon garçon « 

Comment expliques-tu ta mauvaise image dans l’opinion publique ?

J’ai une façon de m’exprimer qui n’est pas la même que Monsieur Tout le Monde. Mes habits peuvent parfois déranger. Mais intérieurement, je sais que je suis un bon garçon. Je respecte tout le monde. Dans tous les clubs où je suis passé, je n’ai jamais eu de problèmes avec un coéquipier et je n’en aurai jamais.

Aujourd’hui tu vis comme un pro ?

Oui, j’en ai le sentiment. A l’entraînement je travaille davantage : la muscu et l’endurance notamment. Il m’arrive encore de sortir, c’est normal. Un joueur de foot a souvent des jours de repos. Il faut savoir quand on peut sortir. Je pense que si j’exagérais, je serais incapable de multiplier les allers-retours pendant un match. Lors du match face à Haïfa fin août, je n’y arrivais pas. Mentalement j’étais pas bien ; physiquement aussi, je me sentais lourd, dépassé.

Tu réfléchissais à un transfert vers l’étranger cet été ?

J’avais toujours 1 % de moi qui me disait de jouer au foot sérieusement. Quand je vois mes potes qui gagnent 1.000-1.200 euros par mois et que de mon côté je suis très bien payé pour taper dans un ballon, je me devais de relever la tête.

T’as eu de honte de toi ?

Bien sûr. Par rapport à mes potes, par rapport à ma famille. Quand tu vois tes amis qui galèrent, tu ne peux pas craquer. Même si footballeur, c’est pas toujours facile. On m’avait prévenu que ça allait être difficile de rebondir en Belgique car on m’attendait au tournant. Je ne sais pas si j’avais plus envie de revenir en Belgique pour le foot ou pour mon entourage. Après quatre ans à l’étranger, les revoir quasi au quotidien ça fait du bien mais tu oublies aussi certaines priorités que ton métier t’impose.

Le fait qu’on te repositionne au back droit a une incidence sur tes performances ?

Been, quand il me titularise back droit, c’est par défaut car Anele est suspendu. Mais maintenant que j’y suis, je veux y rester car c’est une place qui me convient. J’adore partir de derrière, faire parler ma puissance. Je sais que je peux apporter un plus offensivement même si je dois travailler défensivement. Je sais aussi qu’il y a une place à prendre en équipe nationale à ce poste et je veux tout faire pour m’y imposer.

 » Je suis fier de jouer pour l’équipe nationale « 

Tu étais stressé lors du match face à la Roumanie ?

Non pas du tout. On m’a dit que certains supporters m’avaient sifflé au début du match, je ne m’en suis même pas rendu compte. Et je trouvais l’ambiance plutôt bonne.

Le fait de ne pas jouer contre la France, ça t’a déçu ?

Bien sûr que non. J’étais déjà très content d’avoir été repris. Leekens m’a dit qu’il voulait me redonner une nouvelle chance et qu’il avait confiance en mes qualités.

Et le groupe, comment il t’a accueilli ?

Très bien mais ils me connaissaient tous ou pratiquement. C’est un groupe assez jeune qui tire dans la même direction. L’ambiance est super. Même les deux anciens, Timmy Simons et Daniel Van Buyten, se sont adaptés à nous.

Quel est ton regard sur le niveau des Diables ?

Quand je suis arrivé à l’entraînement des Diables, je pensais que je serais très loin du niveau des joueurs qui évoluent à l’étranger. Et puis finalement, je me suis rendu compte que je n’en étais pas si loin. Jouer en équipe nationale, c’est aussi plus facile que de jouer à Genk. Tout le monde a une grosse qualité technique, et sait ce qu’il doit faire sur le terrain.

Comment expliques-tu cette évolution technique par rapport à il y a quelques années ?

On a aujourd’hui une équipe nationale métissée avec des jeunes qui ont grandi dans les quartiers, qui ont joué dans les petits espaces. En Hollande, en France, ce type de joueur est arrivé plus tôt. Mais il faut garder le bon équilibre. Et donc posséder dans l’effectif des joueurs comme Simons-Van Buyten, qui nous encadrent, qui sont bourrés d’expérience. Van Buyten-Simons, eux, ils savent comment gagner un match. Et ils n’hésitent pas à nous rappeler que le talent ça ne suffit pas. Marc Wilmots apporte aussi énormément de caractère. Lors des petits matches, on peut se demander si ce n’est pas lui qui va jouer quelques jours après tant il est motivé.

Il y a trois ans, tu jouais un match incroyable face à l’Espagne à domicile avant de petit à petit disparaître de la circulation. Tu ne crains pas de reproduire le même schéma ?

Non pas du tout. Maintenant, je ne peux plus lâcher, je suis fier de jouer pour l’équipe nationale.

Quand vous avez fêté le titre l’an dernier avec Genk, c’est pourtant le maillot du Congo que tu portais…

Je suis né au Congo, ma mère était congolaise, je ne vais quand même pas renier mes racines. Si ça choque que je porte le maillot du Congo un soir de fête, là il y a un problème. Quand j’ai joué contre la Roumanie, je ne jouais pas avec le maillot congolais…

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: IMAGEGLOBE/ HAMERS

 » Depuis que Vercauteren n’est pas là ça va mieux, je retrouve le rythme, je me sens mieux. Peut-être qu’on se connaissait trop. « 

 » Repartir à zéro c’est jamais évident, d’autant que la presse ne m’a jamais loupé. « 

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