» J’ATTRAPE L’ACCENT LIÉGEOIS ? MERCI POUR LE COMPLIMENT… « 

Un Limbourgeois DG au Standard : comment, pourquoi ? C’est d’abord l’histoire d’une passion. A ne pas confondre avec une simple émotion… Vous ne comprenez pas tout ? Il explique !

Il est plus jeune que Jelle Van Damme, à peine plus âgé que Jorge Teixeira, Ricardo Faty ou Jonathan Legear, et Slavo Muslin pourrait facilement être son père ! Le Limbourgeois Bob Claes a 30 balais (seulement) et est (déjà) Directeur général du Standard. Chemise neige, blazer bien mis, sourire généreux, compétences XXL (avec notamment une facilité déconcertante pour passer d’une langue à l’autre), il se dévoile. Son côté polyglotte, parlons-en… Dès qu’il se met à manier le français, on distingue une pointe d’accent… liégeois. Quelques syllabes qui traînent en fins de phrases, comme là-bas.  » On me l’a déjà fait remarquer et je prends ça pour un compliment.  » Découverte.

Vous devenez directeur général après avoir été directeur commercial pendant quatre ans, ça change complètement la vie ?

BOBCLAES : Ce qui change, c’est que j’ai maintenant la responsabilité finale, avec Bruno Venanzi, dans des domaines aussi importants que le budget, le personnel, la politique générale du Standard.

Vous étiez impatient de grimper à ce poste ?

CLAES : Non, et je ne m’y attendais pas. Quand le nouveau président m’a fait la proposition, je lui ai posé des questions sur le projet, la stratégie. Je suis supporter du Standard depuis très longtemps, j’ai aussi une formation en économie. Je suis persuadé que les deux peuvent aller ensemble mais je voulais en savoir plus sur la vision de Bruno Venanzi.

RATIONNEL OU ÉMOTIONNEL ?

Depuis que vous êtes ici, vous restez discret. Un directeur low profile ! On vous voit peu dans les médias et vous ne faites jamais de déclarations qui déménagent ! Un choix conscient ?

CLAES : Dans mon rôle de directeur commercial, les déclarations fortes, ce n’était pas à l’ordre du jour. Ce n’est pas un poste qui permet de sortir. Maintenant, c’est différent. S’il faut y aller fort dans la communication, j’irai fort ! Mais ce n’est pas du tout le but au départ. Chercher la polémique pour la polémique, ce n’est pas pour moi. Je vise simplement une communication correcte, directe et ouverte.

Vous confirmez une image d’introverti ?

CLAES : Non ! On m’a déjà posé la question, mais si on se fait cette image, elle est fausse. Demandez aux gens qui travaillent avec moi si je suis introverti. Simplement, je ne danse pas sur les tables quand ça va très bien. Et je ne communique pas simplement pour pouvoir dire que je communique.

Vous avez un peu travaillé avec Pierre François à votre arrivée au Standard, il était directeur, qu’est-ce qu’il vous a appris ?

CLAES : J’ai rarement vu quelqu’un d’aussi communicatif devant un groupe. Il avait sa manière de fonctionner avec les agents, avec les joueurs, c’était sa ligne, il la suivait et elle forçait le respect. Il y avait d’un côté Roland Duchâtelet, un homme très rationnel. Et de l’autre Pierre François, plus émotionnel. J’ai essayé de prendre des deux, le meilleur de mon président et de mon directeur ! Mais sans essayer de les copier. Je veux conserver un style qui est le mien.

Et c’est quoi, votre style ?

CLAES : Etre direct. Je préfère une bonne discussion dès qu’un souci apparaît plutôt que de laisser traîner les choses.

PAS TOUJOURS D’ACCORD AVEC DUCHÂTELET

Vous étiez toujours d’accord avec les idées de Roland Duchâtelet ?

CLAES : Quand il disait noir et que j’étais persuadé que c’était blanc, j’essayais de le convaincre que ce n’était effectivement pas noir ! Parfois, ça a marché. D’autres fois, ça n’a pas fonctionné…

Il y a eu de la frustration chez vous ?

CLAES : Disons que c’était parfois embêtant de ne pas pouvoir communiquer certains de mes points de vue. Mais Roland Duchâtelet détenait 99,9 % des actions du Standard, il avait donc bien le droit de faire ce qu’il voulait, il n’y avait qu’un patron, c’était lui. Et moi, je devais rester correct, toujours défendre le club même si je n’étais pas d’office d’accord avec ses idées.

Vous pouvez citer un point sur lequel vous avez réussi à le faire changer d’avis ?

CLAES : La politique de prix de nos tickets. J’estimais qu’il fallait tenir compte de la conjoncture économique et de l’ADN du Standard, il fallait une politique sociale. On est le club le moins cher de Belgique, après Ostende. Avec tout mon respect pour Ostende, mais on ne parle pas de la même chose. Le Standard est un club du top. Pour les play-offs de la saison avec Guy Luzon, on a mis les billets à 5 euros pour les enfants de moins de 12 ans. Avec 25 euros, ils pouvaient assister à tous les matches à domicile en PO ! Alors que le Standard était en tête, alors que tout le monde le voyait champion. Donc, ça aurait semblé plus logique d’augmenter les prix plutôt que de les baisser, vu que la demande était très forte. On a refait le coup la saison dernière. Tout ça nous a permis d’attirer plus de 2.000 gamins dans notre stade. Et les jeunes d’aujourd’hui sont les supporters de demain. Cet été, on a mis les places à 5, 10 et 15 euros pour nos matches de tours préliminaires d’Europa League. Je paie parfois plus cher quand je vais voir un match en 2e Provinciale. Et je me suis aussi battu pour que nos supporters paient moins cher en déplacement. Avant, ça pouvait être 40, même 45 euros. Le Standard est parvenu, via la Pro League, à abaisser ça à 20, 25 euros. Il y a une vraie interaction avec nos supporters, on sent que ça vit. De plus en plus, ces derniers temps.

PLUS PARTIE D’UN RÉSEAU

Vous étiez considéré comme l’homme de Roland Duchâtelet, ça n’a pas dû être simple de renouer le contact avec les supporters, avec la Famille des Rouches notamment…

CLAES : Je n’ai jamais été l’homme de Duchâtelet !

Avoir été vous-même supporter du Standard avant d’y travailler, ça aide ?

CLAES : Ça, j’en suis persuadé ! Dans le monde du foot, c’est essentiel de pouvoir comprendre l’émotion. Et la grande différence au Standard, c’est qu’il y a aussi la passion.

C’est quoi, la différence entre l’émotion et la passion ?

CLAES : Ça tient en un mot… Standard !

C’est facile de prendre des décisions rationnelles quand on est émotionnel ? Parfois, vous devez faire du business une heure après une grande victoire ou une grosse déception.

CLAES : Il faut être assez intelligent pour bien se connaître. Ne pas prendre des décisions importantes quand on est encore en plein dans l’émotion. Si je suis totalement rationnel, je n’ai pas ma place au Standard. De l’autre côté, si je suis purement émotionnel, c’est dangereux. On ne peut pas faire un transfert à x millions d’euros cinq minutes après un match. Il faut être rationnel dans l’irrationalité… Et toujours avoir en tête que c’est un club de foot, pas une entreprise classique. Si tu achètes une machine censée produire x pièces par jour, tu sais qu’elle va les produire. Si tu prends un joueur censé mettre 20 buts par saison… pas sûr qu’il les mettra.

Vous avez parfois discuté de ça avec votre ancien président ?

CLAES : Sur ce point-là aussi, parfois j’ai su le convaincre, d’autres fois je n’y suis pas arrivé…

Pendant les années Duchâtelet, le Standard a été une espèce de supermarché de joueurs. Ça va changer ?

CLAES : La grande différence, c’est que ce club ne fait plus partie d’un réseau. Maintenant, toute l’attention de la direction est portée sur le Standard. Donc, oui, c’est un gros changement.

DÉSTOCKAGE MASSIF

Tous les agents sont maintenant acceptés ?

CLAES : On a dit qu’on repartait d’une page blanche. Tout le monde mérite sa chance. Mais pour l’agent qui ne sera pas correct, on aura vite tiré nos conclusions.

Comment avez-vous fait pour vous débarrasser d’une grosse vingtaine de joueurs en quelques semaines ?

CLAES : Quand Bruno Venanzi est devenu président, on a regardé sur quels points on allait devoir se concentrer d’urgence, en priorité. Notre conclusion, c’était qu’il y avait beaucoup trop de joueurs sous contrat, près de 45. Ces ventes ont été le premier fait d’armes de la nouvelle direction.

Mais il y a beaucoup de clubs qui voudraient faire partir leurs joueurs sans utilité et qui n’y arrivent pas !

CLAES : Je ne vais pas entrer dans les détails mais Bruno Venanzi et Axel Lawarée ont quand même pas mal de contacts, c’est d’abord ça qui nous a permis de trouver rapidement des solutions. On a aussi su convaincre ces joueurs que ce n’était pas intéressant pour eux de rester à partir du moment où l’entraîneur ne comptait pas sur eux. On n’a éjecté personne de force, tout s’est fait en concertation.

Et puis, il y a eu le feuilleton Geoffrey Mujangi Bia… En l’écartant du groupe, Slavo Muslin a montré qu’il était le seul patron sportif ?

CLAES : Tout s’est fait en concertation, c’est une décision du coach et de la direction. Le joueur a eu un comportement qui ne collait pas avec les valeurs du Standard.

Mais dans une situation pareille, tout le monde est perdant : le joueur, l’entraîneur, la direction…

CLAES : OK mais c’est une décision logique à partir du moment où le comportement du joueur a un impact négatif sur le fonctionnement du groupe.

Bruno Venanzi dit qu’il veut un trophée tous les deux ans. Des trophées possibles, pour le Standard, il n’y en a que deux, le championnat et la coupe… Si ça échoue cette saison, tout le monde dira dans un an qu’il faut absolument gagner quelque chose. Il met une grosse pression sur le staff et le noyau !

CLAES : Vu son histoire, un club comme le Standard est obligé de jouer en permanence pour un trophée. Oui, je sais que ça met de la pression à tout le monde… Mais l’ambition, ce n’est pas un mot honteux, hein !

ÉRIC GERETS

Vous rapatriez des légendes du club à chaque match : Robert Waseige, Léon Semmeling, Christian Piot, Daniel Van Buyten. Aussi Eric Gerets… Vous deviez vous douter qu’il y aurait directement des rumeurs de retour !

CLAES : Ce qui est important, c’est d’avoir du respect pour ces gens-là, pour ce qu’ils ont fait au Standard. Si ce club est une marque, régionale, nationale, internationale, c’est grâce à eux. Donc, on aime bien les faire revenir. L’ADN du club, c’est chez eux qu’on le trouve.

Oui, mais Gerets et les rumeurs…

CLAES : C’est logique que les gens tirent des conclusions, on a réagi aux rumeurs.

Donc, il n’y aura jamais de suite ?

CLAES : Il ne faut jamais dire jamais. Mais ce n’est pas à l’ordre du jour.

Vous l’aviez rencontré avant d’engager Slavo Muslin. Pression sur lui…

CLAES : Ce n’est pas le but.

Vous pourriez faire ce boulot pour un autre club ?

CLAES : J’ai répondu à la même question quand Roland Duchâtelet m’a engagé et rien n’a changé entre-temps. C’est non. Non ! Si vous êtes CEO de Samsung, c’est logique de passer un jour chez Nokia. Si vous êtes patron de BMW, c’est logique d’aller chez Mercedes ou chez Audi. C’est un raisonnement purement économique. Et dans l’économie, il n’y a pas beaucoup d’émotion. J’en reviens à la passion qu’il y a dans un club comme le Standard. Je ne pourrais pas avoir l’amour pour un blason aujourd’hui et l’amour pour un concurrent demain. Si Chelsea ou Manchester United m’appelle, là c’est différent. Mais aller dans une autre équipe belge, pas question. La vie m’a appris qu’il ne fallait jamais dire jamais, mais sur ce point-là, je peux vous le dire : jamais ! Tous les sacrifices que je fais pour le Standard, je serais incapable de les faire pour un autre club belge parce qu’il n’y aurait pas la même passion.

Vous passez combien d’heures par semaine au club ?

CLAES : Mauvaise question. Mais le fait que j’attrape l’accent liégeois, ça y répond déjà un peu, non ? (Il rigole). Je pense que ça doit tourner autour de 70 heures. Je suis devenu liégeois à plus de 50 %.

PAR PIERRE DANVOYE ET GEERT FOUTRÉ – PHOTOS BELGAIMAGE – LAURIE DIEFFEMBACQ

 » Entre la mentalité d’un Limbourgeois et la façon de penser d’un Liégeois, il y a pas mal de points communs.  » – BOB CLAES

 » Je ne pourrais pas travailler dans un autre club belge que le Standard.  » – BOB CLAES

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire