» J’assume mes choix… « 

Le coach néerlandais n’a pas reçu de cadeau des joueurs pour ses 54 ans : une quatrième défaite consécutive plonge le Standard dans le néant avant le Clasico.

« Je ne suis pas du style à jeter l’éponge : pour moi, cet objet doit rester dans la salle de bains  » : Ron Jans a été plus amusant que ses joueurs au stade des Eperons d’Or. A 11 contre 10 durant plus d’une mi-temps, suite à l’exclusion d’Ervin Zukanovic, ils ont été incapables de poser leur jeu, d’inquiéter valablement le gardien adverse, d’empêcher Pablo Chavarria de marquer le but de la victoire sous le regard incrédule mais amusé de John van den Brom et de Besnik Hasi d’Anderlecht, en mission d’observation avant leur prochain voyage à Sclessin.

Le changement de style, avec retour au 4-4-2 et au power football, n’a servi à rien. La vérité du classement est implacable : quatrième défaite consécutive (sur 5), douzième au classement général, 10 points sur 27, un retard de 10 unités par rapport à Anderlecht : c’est la cote d’alerte.

A l’Académie Robert Louis-Dreyfus, un poster de Philippe Gilbert trône dans le bureau des entraîneurs. Il a été punaisé par Peter Balette, pourtant grand supporter de Tom Boonen. Au bout du dernier arc-en-ciel de cyclisme sur route, Gilbert a redressé la barre après une saison faite de désillusions. Mais dans le vestiaire du Standard, tout le monde n’a pas le mental et la classe de Phil…

Quelles leçons tirez-vous du match à Courtrai ?

Ron Jans : Je prends la défaite sur moi. En deuxième mi-temps, j’ai opté pour une défense à trois. L’intention était d’écarter le jeu. Sur le but de Chavarria, le trio défensif était mal placé. En tant que coach, je suis responsable des conceptions tactiques, des changements. Je suis là pour trouver des solutions, j’assume mes choix, je n’abandonne pas, je ferai tout pour trouver des solutions…

Vous ne craignez pas une nouvelle défaite et la fin de votre aventure au Standard ?

J’accepte cette éventualité : si les résultats sont médiocres dans un club de haut niveau, un coach peut être en difficulté. Quand un constat est fait, et que le coach est le souci, ou ne trouve plus de solutions, il faut oser regarder les choses en face. Je crois que je peux résoudre la situation. Je ne suis pas le problème au Standard. Ici, je vois des opportunités de progrès. Quoi qu’il puisse arriver, je vis de nouvelles expériences que je ne regretterai jamais.

Standard – Anderlecht, c’est déjà pour dimanche : qu’est-ce que les Mauves ont de plus que vous ?

Des points, un autre budget, les recettes supplémentaires de la Ligue des Champions. Mais je ne veux pas encenser Anderlecht. Un coach qui gagne un tel match est dans le bon. Au Club Bruges, le Standard avait bien man£uvré tout en faisant preuve de fébrilité. C’est l’efficacité brugeoise qui avait fait la différence.

 » Les agents de joueurs ont une grande influence en Belgique « 

Coache-t-on différemment un club en Belgique et aux Pays-Bas ?

Oui, quand même. Les joueurs sont heureux quand, comme cela se fait aux Pays-Bas, ils s’entraînent plus qu’avant avec ballon, ce qui me semble plus intéressant. Ici, ils sont habitués à beaucoup courir durant les campagnes de préparation. Et les coaches néerlandais communiquent plus que cela se fait généralement avec les joueurs en Belgique. Durant la période des transferts, j’ai senti une plus grande influence des agents de joueurs en Belgique qu’aux Pays-Bas. Pour moi, un conseiller doit éclairer son protégé dans le domaine contractuel et financier, entre autres, mais il ne devrait pas décider de la destination de ses joueurs. Là, c’est le choix du concerné numéro 1 : le footballeur qui doit prendre et assumer ses responsabilités. Quand je suis arrivé à Sclessin, j’ai eu l’impression que tous les joueurs voulaient quitter le club. Le cas de Gohi Bi Cyriac est vraiment étrange. Il était blessé, avait prolongé son contrat, était heureux au Standard mais a subitement changé de club. Un footballeur doit être son propre patron. Quand un joueur n’est pas retenu pour un match, ce qui peut arriver dans l’exercice de ce métier, on note rapidement la sortie d’un article dans la presse. Ce papier n’est pas consacré qu’au joueur éliminé mais parfois à son agent. Cela ne crée que l’incertitude. Je crois qu’un gars écarté doit être capable de réagir et de se battre pour retrouver sa place.

Au début, les intentions de transferts constituaient-elles une preuve de méfiance à votre égard ?

Non, pas du tout. Nous avons restauré un esprit positif en jouant bien au football, en revenant à des entraînements ouverts au public. Après une excellente campagne de préparation et de bons matches, seuls les résultats en championnat n’ont pas répondu à notre attente. J’ajoute tout de suite que le Standard est un club formidable qui peut compter sur de fabuleux supporters.

Vit-on le football de la même façon aux Pays-Bas ?

Non, pas tout à fait : tout est plus fanatique en Belgique même s’il y a plus de monde dans les stades néerlandais. Les installations sont plus modernes aux Pays-Bas. Je ne me plains pas mais je découvre parfois des vestiaires qui pourraient être améliorés. A Heerenveen et à Groningen, ou j’ai travaillé précédemment dans des stades bien remplis, c’était intéressant, mais le Standard, c’est plus grand, plus imposant. Tous les matins, chez le libraire de mon village, Plainevaux, je constate que le quotidien régional, La Meuse, consacre deux pages au Standard. Et la veille d’un match, une douzaine de journalistes assistent au point presse. A Groningen, il y en avait quatre ou cinq. Groningen et Heerenveen étaient des clubs moyens. Le Standard, c’est le top avec le stress, la pression des médias, etc. Je trouve tout cela très beau.

N’est-ce pas oppressant ?

Non. Je travaille avec beaucoup de plaisir et je me suis bien préparé pour relever ce défi dans un grand club. Je mesure toutefois les dangers que cela comporte car les attentes sont élevées. Au début, certains se sont demandé qui était Ron Jans. On me connaît maintenant. Je m’exprime en français : cela a été apprécié, tout comme les entraînements ouverts au public. Je ne fais pas cela pour plaire aux supporters mais parce que c’est tout à fait normal. On joue au football pour soi et parce que c’est amusant, mais aussi pour les supporters. Au Standard, la motivation est plus importante que tout.

En été, Aad de Mos a estimé que la mentalité liégeoise vous poserait des problèmes…

Les propos d’Aad de Mos sont logiques quand on sait à quel point ce club est explosif. La direction du Standard a souvent éprouvé de la peine à maintenir le calme et la sérénité. Je ne vis pas seulement pour répéter ce que j’ai déjà réalisé. Non, j’aime les nouveaux défis, c’est beaucoup plus agréable. Seulement, vous savez ce que vous risquez si cela tourne mal. Il est important de garder son calme et son cap : en football, la différence entre le ciel et l’enfer est terriblement petite. Nous avons signé de bons matches, mais sans récolter ce qui nous revenait. Au Beerschot, par exemple, nous avons contrôlé la circulation dans le camp adverse, certainement après le repos. A un rythme plus rapide que l’adversaire, il faut terminer le match, le verrouiller : nous y arrivons difficilement.

 » Je veux d’abord gagner « 

Verrouiller un match, est-ce votre style ?

Mieux vaut évidemment marquer un but, car on bénéficie alors de plus d’espace pour développer son jeu contre un adversaire forcé à changer ses batteries. Nous n’en sommes apparemment pas encore là. Contre Malines, le Standard a mené 3-0 avant de permettre à l’adversaire de revenir à 3-2. Et on a eu droit au même genre de scénario au Beerschot. Par conséquent, nous avons changé notre fusil d’épaule. Le Standard ne doit pas jouer à la belge mais l’organisation et le travail défensif sont à améliorer. Pas question de camper dans notre camp. En possession du ballon, il faut se reconvertir rapidement, trouver les liaisons offensives. Je ne prône pas que le beau jeu. Je veux d’abord gagner. Si un joueur est trop avancé et qu’il n’y en a plus que trois pour assurer le travail défensif, c’est peu. William Vainqueur assume le rôle le plus important. Il peut participer à l’élaboration du jeu mais il doit d’abord s’assurer que tout est en place, même si nous ne possédons pas le ballon.

Avez-vous assez de joueurs intelligents ?

Votre question est formulée de façon extrême, trop crue. Mais on peut affirmer que nous devons apprendre à mieux lire nos matches. Je trouve que beaucoup de nos joueurs ont intégré cette évidence mais tous ne sont pas aussi rapides, n’en sont pas encore là pour le moment.

Votre direction a tout de suite dit que votre ambition passait par le Top 3 : bonjour la pression ? Est-ce que ce ne fut pas d’entrée de jeu un fardeau ?

Non, parce que je pense aussi que le Standard est un club taillé pour cette ambition.

Même avec les joueurs de cet effectif ?

Je pense que oui. Les écarts ne sont malgré tout pas insurmontables, toutes les équipes se tiennent de près. Sans malchance, nous aurions pu battre Gand et le Beerschot, ce qui nous aurait propulsés à la… deuxième place avant le déplacement à Courtrai, c’est tout dire. Si nous arrivons dans le Top 6, nous pouvons finir dans les trois premiers. Mais je ne pense pas que nous lutterons pour le titre. Non, si nous finissons dans le Top 3, nous aurons eu un très beau parcours.

L’ancien tennisman Filip Dewulf, grand supporter du Standard, a récemment cité votre président qui a dit : – Je suis satisfait de nos transferts. Mais Dewulf a ajouté : – Satisfait tant qu’ils ne jouent pas. Qu’en pensez-vous ?

Aux Pays-Bas, je connaissais tous les joueurs. Ici, en ce qui concerne les nouveaux, je ne connaissais qu’Astrit Ajdarevic. Je suis satisfait de cet effectif. Un entraîneur ne doit jamais se plaindre de ses joueurs. Il doit avoir confiance. Mais il est un fait que, contre Gand, Eiji Kawashima était notre seul nouveau venu sur le terrain. Cela signifie que les nouveaux arrivants n’ont pas encore assez apporté. Leur plus gros problème est qu’ils ont besoin de temps pour trouver leurs marques. Tous les nouveaux joueurs, à l’exception de Kawashima, étaient physiquement trop courts à leur arrivée à Liège. Dudu Biton n’avait plus joué depuis des mois au Wisla Cracovie. Marvin Ogunjimi était dans le même cas. Dans cette situation, un joueur a besoin de sept semaines de préparation : quatre, c’est insuffisant. Yohan Tavares a été opéré avant de se joindre au groupe et être utilisable. Ajdarevic a encore besoin de temps aussi. Je n’aime pas attendre dans la salle d’attente d’un dentiste, d’un médecin ou à un feu rouge ; mais avec les gens, j’ai beaucoup de patience.

 » Si des gens veulent vraiment partir, qu’ils s’en aillent « 

Quid d’Ogunjimi ? Pas en forme à son arrivée, à court de compétition, mais deux semaines plus tard, il est cité au Celtic : que peut penser le T1 dans un moment pareil ?

On m’a demandé s’il fallait le laisser aller là-bas pour discuter. Je me suis dit : – C’est la Ligue des Champions, le Celtic, etc. Si quelqu’un est prêt à relever un défi, il doit y aller. On sait ce qui est arrivé : il est resté chez nous et, mentalement ou physiquement, il est beaucoup plus fort qu’avant.

Mais pour vous, il pouvait partir, n’est-ce pas ?

Si des gens veulent vraiment partir, qu’ils s’en aillent, pas de problème pour moi. Je préfère travailler avec des joueurs qui entendent s’exprimer ici. Je pense que la motivation et la mentalité constituent des atouts de base. Ogunjimi a retrouvé tout cela. Kanu a aussi exprimé le désir de changer d’air. Son transfert est tombé à l’eau. Je me suis dit : – On reverra tout cela quand ce joueur sera opérationnel pour nous. C’est presque le cas.

Sébastien Pocognoli a aussi rêvé d’un transfert…

Il s’est beaucoup préoccupé de cela. Si vous sentez que le Top 3 sera difficile à atteindre, en tant que leader, qui songe à un départ, il faut tourner le bouton. Il y arrive mais ce ne fut pas facile pour lui. Je lui ai parlé, la semaine passée encore. Pocognoli est un gagnant. Il a écopé de dix cartes la saison passée et cela a ruiné toute sa préparation. Si vous êtes autant averti, surtout pour rouspétances, cela signifie que vous ne contrôlez pas vos émotions.

A propos d’Ogunjimi, Jacky Mathijssen a déclaré que son transfert était une bourde car il ne convient pas du tout à votre système : votre avis à ce propos ?

Dans tout ce que raconte Jacky Mathijssen, je ressens beaucoup d’amertume. Je suis désolé qu’il n’ait pas de travail, mais dans tout ce qu’il lance, pas seulement à mon propos, sa ranc£ur est éclatante. Ron Jans n’a pas de système auquel les joueurs doivent s’adapter. Ron Jans veut bâtir une équipe qui permet à tous les éléments d’occuper une position pour bien exploiter leurs qualités. Jusqu’à présent, le choix a varié devant et dans l’axe de la défense car beaucoup de joueurs n’étaient pas prêts ou pas en forme. Ogunjimi n’a pas été détruit par le système et deux matches. Non, il n’était pas prêt, c’est tout. Quand un attaquant de pointe se cherche, cela pose des problèmes à tout le reste de l’équipe. Conclure que l’attaquant du Standard est isolé, ce n’est pas juste. Nous aurions peut-être dû effectuer d’autres choix, c’est différent.

Quand vous êtes arrivé, vous avez dit : – J’aime jouer avec des ailiers, s’il y en a, ou deux attaquants si j’en ai… .

Sur mes huit saisons à Groningen, j’ai joué cinq ans avec deux attaquants. Il faut tenir compte des potentialités de son effectif. Le système peut parfois changer si certains ne sont pas en forme. Quand je suis arrivé ici, nous avons conclu ensemble que le 4-4-2 conviendrait le mieux à nos atouts. Mais le groupe a tellement changé depuis… donc nous avons opté pour un 4-3-3 lors des matches amicaux, sauf à Hasselt où nous avons joué en 4-4-2. Cela a bien tourné. A Mouscron et à Courtrai, le Standard a opté pour le 4-4-2.

 » Il faut plusieurs leaders « 

Comment avez-vous convaincu Jelle Van Damme d’évoluer au centre de la défense avant Mouscron et Courtrai ?

Je lui ai dit à ce moment-là que nous n’avions pas d’autres options. S’il pouvait rester un an ou deux à ce poste, il deviendrait un très bon défenseur central. Il a commis des erreurs et doit aussi apprendre. Si quelqu’un d’autre prend cette place et si Van Damme rejoue tout le temps dans la ligne médiane, pas de problème, c’est bien aussi. Quelle que soit sa position, il doit être un leader, comme il l’a été à Mouscron.

Le Standard a-t-il assez de Van Damme sur le terrain ?

Je ne crois pas à un chef mais bien dans la nécessité d’avoir plusieurs leaders qui ont du vécu, savent préserver le calme ou, au contraire, réveiller tout le monde quand c’est nécessaire. Si les joueurs sont trop préoccupés par eux-mêmes, ils songent généralement moins à leur environnement. C’est pourquoi j’étais si heureux qu’ils aient déterré la hache de guerre, dans le bon sens du terme, à Mouscron.

Qu’avez-vous pensé de la réaction de Van Damme au micro de Benjamin Deceuninck à Mouscron ? Il a pris votre défense… à sa façon ?

C’est bien même si sa dernière phrase n’était pas nécessaire… Mais les journalistes n’ont pas à se plaindre. Les joueurs doivent accepter la critique et les remarques : les journalistes aussi. J’ai trouvé la question trop directe, mais je suis resté poli.

Aux Pays-Bas, vous auriez certainement répondu à une telle question…

Sûrement pas. Oui si elle avait été formulée autrement. Cette question a été préparée à l’avance pour me provoquer.

A part cela, vous êtes généralement bien traité par la presse belge ?

Oui. Je ne pense pas être injustement jugé. Marc Degryse a critiqué plusieurs fois Van Damme dans sa position d’arrière central. Il devrait mieux comprendre les raisons de nos choix. J’accepte tous les avis, je suis ouvert au dialogue avec la presse mais pas quand elle vise l’homme.

Avant le match contre Gand, pourquoi avez-vous déclaré : – Je suis content d’être le coach du Standard et pas celui de Gand ?

Si on communique les uns avec les autres dans un club via les médias, c’est une très mauvaise chose. Les Gantois ont tout simplement lavé leur linge sale en public. S’ils avaient perdu, ils auraient peut-être démis Trond Sollied. Au Standard, le président n’est jamais nerveux. Il n’épie personne. Je le vois de temps en temps et nous nous téléphonons mais c’est Jean-François de Sart qui s’occupe de la gestion sportive quotidienne.

De Sart est-il satisfait de votre niveau de jeu ?

Bien sûr que non. Il analyse parfaitement ce qui ne va pas bien, mais il ne faut pas seulement regarder les choses qui ne sont pas bonnes. Cela engendre la crainte de commettre des erreurs. Il est facile de noter ce qui ne va pas. Il est plus difficile de changer les choses pour que tout fonctionne correctement. Je suis plus irritable que jamais, mais quand cela ne va pas, je vais prendre un café à Plainevaux.

Le football est-il une loterie pour un entraîneur ?

On n’a jamais le contrôle à 100 % des événements de la vie d’un match. On peut essayer mais c’est impossible. Si on veut avoir de l’influence sur tout, cela rend fou. J’essaye de me concentrer sur ce que je peux orienter : mon équipe.

PAR PIERRE BILIC ET GEERT FOUTRÉ – PHOTOS : KOEN BAUTERS

 » Je ne suis pas le problème au Standard. « 

 » Je ne veux pas encenser Anderlecht. « 

 » J’essaye de me concentrer sur ce que je peux orienter : mon équipe. « 

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