« J’aimerais travailler dans UN CLUB FLAMAND « 

Au printemps 2011, plus personne ne semblait croire en ses qualités d’entraîneur. Aujourd’hui, seuls cinq coaches de D1 sont en activité dans le même club depuis plus longtemps que lui. Alors le coach de Mons est-il vraiment celui que la presse néerlandophone a souvent décrit ? Explications.

Depuis le début du championnat, les Dragons sont bien calfeutrés dans le ventre mou du classement. Leur avance sur les équipes de bas de tableau est aussi importante que leur retard sur le leader. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne se passe rien au sein du club possédant le plus petit budget de l’élite. Lorsque Mons joue, le préposé au marquoir est toujours des plus sollicités. Dans un sens comme dans l’autre car si l’Albert a une attaque digne des play-offs 1, sa défense, elle, peut prétendre aux play-offs 3.

Humilité

Vous comptez en vos rangs avec Perbet, Nong et Jarju trois des quinze meilleurs buteurs du championnat, ce qui est unique pour un club comme Mons. Faut-il voir dans ce football offensif la marque de fabrique d’Enzo Scifo ?

Enzo Scifo : Quand on possède des joueurs comme ceux-là, on est obligé d’attaquer. Mons ne s’adapte jamais au jeu de l’adversaire. Nous essayons toujours de former un bloc assez haut et de prendre le jeu à notre compte. Que ce soit à Anderlecht ou chez nous contre le dernier, je ne change pas mon équipe. Avec un gars comme Perbet, on ne pourrait de toute façon pas jouer la contre-attaque car il n’a pas les qualités pour cela. Je me sens bien à la tête de ce groupe parce qu’il offre énormément de possibilités offensives. S’il n’en avait pas…. (il souffle)

Vous avez perdu Ibou l’été passé. Son début de saison avec l’OHL vous a-t-il surpris ?

Pas du tout. Ce n’est pas un finisseur pur comme Perbet mais je savais de quoi il était capable. Il l’avait d’ailleurs démontré la saison dernière peu après mon arrivée. Nous aurions voulu le conserver mais il ne nous était pas possible de payer la somme réclamée pour son transfert, plus son salaire. Je le regrette encore aujourd’hui.

Vous avez récemment transféré Thomas Chatelle, qui était libre, mais il a dû faire quinze jours de tests. N’est-ce pas dénigrant envers un joueur qui possède un tel CV ?

Thomas m’avait déjà demandé cet été si j’avais besoin de quelqu’un. Ce n’était pas le cas à l’époque mais, avec la blessure de Tim Matthys, les choses ont changé. Il est évident que Chatelle n’a plus grand-chose à prouver mais je devais pouvoir justifier son transfert à l’égard de la direction. Je voulais donc voir s’il était prêt mentalement et physiquement et je lui ai donc demandé de s’entraîner pendant quinze jours avec nous. Il a accepté avec beaucoup d’humilité, ce qui plaide en sa faveur.

L’humilité, c’est ce qui a manqué cet été à Jérémy Perbet ? Il voulait être transféré à tout prix et ne répondait même plus au téléphone lorsque vous l’appeliez ?

A mes yeux, c’était un manque de respect, en effet. Pas seulement envers moi mais aussi envers le club et ses équipiers. Nous en avons parlé et l’affaire est aplanie. Le problème, c’est que l’incertitude a duré trop longtemps : partira, partira pas ? Mais un professionnel qui prend des engagements doit pouvoir les tenir. Et celui qui ne le fait pas manque d’humilité, c’est clair.

On a souvent dit que vous étiez trop mou pour être entraîneur. Ce n’est manifestement plus le cas car vous avez bien fait sentir à Perbet que vous n’étiez pas content : vous ne lui avez pas adressé la parole pendant trois semaines et vous ne lui avez accordé du temps de jeu qu’au compte-gouttes. C’était risqué car, si les résultats n’avaient pas suivi, cela se serait retourné contre vous ?

Je ne raisonne pas de la sorte. Si je ne lui ai pas parlé pendant trois semaines, ce n’est pas parce que nous avions eu un problème mais parce qu’il n’y avait plus rien à dire. J’ai été très clair en cours de préparation, je lui ai dit qu’il s’était mal comporté et que c’était à lui de montrer qu’il avait sa place dans l’équipe. C’est surtout son entourage (son agent, Yuri Selak, ndlr) qui a commis des erreurs car Perbet est un brave type. Mais je ne lui pardonnerai pas deux fois.

Avec les Flamands, geen probleem

Mons est, après Charleroi, Tubize et Mouscron, le quatrième employeur de Scifo en tant qu’entraîneur. Mons est d’ailleurs un peu un second Mouscron puisque son staff technique est quasi le même : Geert Broeckaert était déjà à Mons et vous êtes allé chercher Francky Vandendriessche à Courtrai.

J’ai vécu de très bons moments à Mouscron, sur tous les plans. C’est là que, pour la première fois, je me suis senti à l’aise dans ce rôle d’entraîneur et que j’ai su que c’était ce que je voulais faire. Je le devais en bonne partie à mon staff et j’avais donc envie de collaborer à nouveau avec les mêmes personnes.

Votre adjoint a beaucoup à dire.. .

(il coupe) Mais c’est moi qui prends toutes les décisions. C’était déjà le cas à Mouscron mais je peux compter sur des gens très compétents qui mangent, boivent et dorment football alors, il serait stupide de juste leur demander de porter des cônes.

Quand on prend tous les entraîneurs de D1, on trouve un tas de Hollandais et de Flamands, un Bruxellois, un Espagnol, un Roumain et un seul Wallon : vous.

J’espère qu’on me considère avant tout comme un Européen, pas comme un Wallon. Et je refuse de croire que je ne pourrais pas entraîner un club flamand. Si cette idée existe, je veux la combattre de toutes mes forces. Pourquoi ne le pourrais-je pas ? Question de langue ? Je peux accepter la remarque mais que dire alors des étrangers qui ne maîtrisent aucune de nos deux langues nationales. Peut-être qu’on a douté de moi, qu’on a estimé que je manquais d’expérience. J’espère que les choses changent. Hormis Preud’homme, peu de coaches wallons ont travaillé en Flandre mais je suis prêt à constituer une exception.

Vous vous voyez à Courtrai ou à Lokeren ?

(Très décidé) Mais bien sûr ! Je suis bien à Mons mais je ne demanderais pas mieux que de travailler pour un club flamand. Rien que par principe, j’espère que cela arrivera un jour. Cette distinction entre Flamands et Wallons me dérange toujours profondément. C’était déjà le cas chez les Diables Rouges alors que je m’entendais très bien avec les joueurs des deux communautés. Dans la presse, on ne parlait que de clans et je me demandais lesquels. Tout le monde s’entendait bien avec tout le monde. Avec les Flamands, geen probleem (il rit).

Vous avez envie de franchir le pas rapidement ?

Je ne vais pas cacher que je suis ambitieux et que j’espère que la chance de travailler ailleurs se présentera un jour mais nous n’en sommes pas encore là. Je suis reconnaissant à Mons de m’avoir fait confiance alors que plus personne ne croyait en moi. Mon contrat prend fin en juin prochain mais nous avons déjà parlé de reconduction et je ne vois pas pourquoi nous arrêterions. Il y a encore beaucoup de travail à effectuer ici et le club veut progresser pas à pas. Mais la chose la plus précieuse ici, c’est la stabilité. Ça, dans un club belge, c’est rare.

Jamais pensé à devenir entraîneur

Après Mouscron, vous avez disparu du monde du football pendant deux ans et demi. Que ressentez-vous désormais chaque matin en vous levant ?

Chaque jour, je remercie le Bon Dieu. Après Mouscron, j’ai été déçu de ne pas recevoir immédiatement une autre proposition. Je me sentais prêt à retravailler immédiatement mais j’ai dû faire preuve de patience. Aujourd’hui, j’ai la chance d’être où je me sens le mieux : sur le terrain. Car le football, c’est toujours toute ma vie.

A 17 ans, vous jouiez déjà en équipe première d’Anderlecht. Lorsque vous avez arrêté, à 35 ans, n’aviez-vous pas l’impression que vos plus belles années étaient derrière vous ? Ne vous êtes-vous pas demandé ce que vous alliez faire du reste de votre vie ?

Au terme de ma carrière, je n’ai pas immédiatement pensé à devenir entraîneur mais à un moment donné, je me suis demandé ce que j’allais faire de ma vie. J’ai tout essayé : les affaires, un hôtel, un restaurant… Mais en dehors du football, rien ne m’intéressait. Je voulais me sentir utile, faire quelque chose pour la société. Je n’étais pas fait pour rester à la maison mais je n’obtenais pas satisfaction. Le football, c’est la passion. On ne peut pas faire ce job sans être passionné car il est très exigeant. Mais quand on aime, on ne compte pas ses heures.

Vous veniez de mettre fin à votre carrière lorsque vous avez entraîné Charleroi. Un mauvais choix ?

Je suis devenu entraîneur du jour au lendemain et je n’y étais peut-être pas préparé. De plus, j’avais plusieurs casquettes et cela ne me facilitait pas la tâche. C’était manifestement trop tôt. Je l’ai ressenti également et je ne peux que donner raison aux gens qui me critiquaient. Mais depuis, j’ai évolué.

Si c’était à refaire, vous recommenceriez à Charleroi ?

Il n’y a pas meilleure école (il rit). Chapeau à Yannick Ferreras’il s’en sort !

On a dit que votre caractère méditerranéen vous jouait des tours, que vous pouviez difficilement vous contenir.

En début de carrière, peut-être. Mais j’ai beaucoup mûri sur ce plan. Avant, j’étais impulsif. Maintenant, je prends de la distance. Plus je sens que je domine mon métier, plus je réagis sereinement à certaines situations. Je reste mauvais perdant et il ne faut pas venir me parler dans les premières heures qui suivent une défaite mais je m’en remets plus facilement en pensant au groupe, en me demandant comment remotiver mes joueurs pour le prochain match.

Il y en a un que vous n’avez jamais réussi à remettre d’aplomb : Alin Stoica. A Mouscron, il n’a jamais retrouvé son niveau de jeu d’antan.

C’est une grosse déception. Un joueur doté d’un tel talent n’aurait jamais dû mettre un terme à sa carrière de cette façon. (Il soupire). J’y ai pourtant mis beaucoup d’énergie mais son mental ne suivait manifestement plus.

Savez-vous qu’il sera votre concurrent à l’avenir ? Il rêve d’entraîner Anderlecht.

Ah non, je ne savais pas (avec un large sourire). Je lui souhaite bonne chance.

PAR JENS D’HONDT – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Pour débuter dans le métier, il n’y a pas meilleure école que Charleroi.  »

 » J’ai tout essayé mais en dehors du football, rien ne me passionnait.  »

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