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« J’aimerais être un artiste « 

Est-il gardien de but ou cuisinier ? Philosophe ou amateur de musique ? Frank Boeckx est un peu tout ça. Et c’est ce qui fait sa personnalité.

Le thermomètre baisse et les premiers flocons de l’année ont recouvert Gand d’un petit manteau blanc, lorsque Frank Boeckx (31 ans) pénètre dans la Brasserie Midi. Il serre la main du propriétaire et prend place derrière le comptoir.

Cela lui arrive souvent. Les jours de semaine, lorsque tout le monde est encore au travail et qu’il peut rejoindre la ville juste avant l’heure de pointe.  » Ma petite amie habite tout près d’ici. Je gare alors ma voiture chez elle et je viens à pied. Je lis un journal et je ressors par le magasin. Lorsqu’elle va courir, je prépare à dîner. Tout est prêt lorsqu’elle rentre.  »

Boeckx lui-même habite à Gijzenzele. Il y a acheté une maison à l’époque où il jouait à Gand. Depuis qu’il a fait la connaissance de Julie, l’année passé, il vit chez elle. Ou elle vit chez lui, si le frère Boeckx ne peut pas s’occuper de son chien Jules. L’épagneul a six ans.

 » Il a la taille d’un labrador, mais l’apparence d’un chien de chasse. C’est une brave bête. Je l’adore. Dommage que Julie ne l’aime pas autant… Il continue à grogner sur elle. Peut-être parce que je suis souvent auprès d’elle – et donc pas auprès de lui -. Il est sans doute jaloux…  »

Il éclate de rire. Comme souvent. Boeckx est le genre d’homme qui respire la bonne humeur. Le gardien de but est connu pour croquer la vie à pleines dents. Et ça ne changera pas : il est comme ça. On le retrouve souvent à la brasserie, ou dans le café d’à côté. Les deux établissements ont le même propriétaire. Mais il ne les fréquente que lorsque son agenda footballistique le lui permet.

 » Je suis un bon client pour la presse  »

 » Je vis comme je l’entends, je ne prête pas attention à l’image que l’on pourrait avoir de moi. Je m’en fous. Je ne me cache pas. Les gens diront de toute façon ce qu’ils veulent. Je n’hésite pas à aller au café avec mes copains. C’est sans doute pour ça qu’on me retrouve sur certains groupes WhatsApp. Je le constate souvent.

Les gens prennent des photos et les postent. Je n’aime pas ça. Je ne fais rien de mal. Je sais ce que je fais, les sacrifices que je dois consentir pour être footballeur professionnel. Ce n’est pas aux autres à me juger. Il suffit de quelques photos de ce type pour être considéré comme un alcoolique qui passe son temps au café.

Et si je sors avec une fille qui est peut-être simplement une amie, c’est comme si je trompais ma copine. Et je ne parle pas de cette histoire qui circule sur la manière dont je serais entré en contact avec Anderlecht…  »

Il fronce les sourcils.  » Il paraît que je serais allé discuter avec le coach en sandales et en chemisette. C’est paru 50 fois dans la presse. Repris sans vérification. Tout est faux dans cette histoire. Il y avait 35 degrés, et dans un club sportif, on n’est pas obligé de porter le costume-cravate. Ce n’était pas une présentation. C’était une simple discussion informelle.

Oui, j’étais en short, mais avec un T-shirt tout à fait convenable et des chaussures. J’étais habillé comme tout le monde dans le club, ce jour-là. Mais les rumeurs circulent vite : il revient de la plage, il est sans doute encore en vacances ? Les chaussures sont vite devenues des sandales…  »

Il hausse les épaules.  » Je le sais : je suis un bon client pour la presse. Mais je ne m’en préoccupe pas. Je n’accorde aucune attention à ça. Je ne dois pas avoir honte de ce que je fais.  »

Boeckx se fâche davantage lorsque des rumeurs parviennent aux oreilles de ses parents, de ses amis ou de sa copine.  » Là, ça me touche. Lorsque c’est moi, je peux me défendre. Mais lorsqu’on dit du mal de moi et que ça parvient à mes proches, je ne peux rien faire. C’est de cette manière qu’un footballeur en arrive à haïr la presse écrite.

Elle peut vous mettre sur un piédestal ou vous détruire. C’est pour ça que, lorsqu’on interviewe un footballeur, on entend aussi souvent des clichés : l’objectif est de parler le plus possible sans rien dire. Et que dit-on, alors, de ce footballeur ?  » Il est con, comme les autres.  » En fait, on est obligé d’agir ainsi.  »

 » J’aimerais apprendre à jouer de la guitare  »

Mais il en faut plus pour perturber Boeckx. Il a toujours eu sa propre personnalité et ne changera pas. Ses choix ne sont pas courants. Et lorsqu’il parle, il n’emploie jamais la langue de bois.

À 18 ans, il a choisi de suivre une formation de chef-coq. Simplement, parce qu’il a voulu avoir une deuxième corde à son arc à côté du football, lorsque ses études en éducation physique étaient devenues difficilement compatibles avec son statut de footballeur professionnel.

 » Je ne suis pas directement devenu un grand cuisinier, mais je me débrouillais mieux que certains de mes condisciples. Au contraire de mes amis, je ne vivais pas en kot. Ils peuvent remercier Dr. Oetker. Je connaissais la base, j’étais capable de cuir un oeuf ou des pâtes. Mais je vivais seul et la cuisine m’intéressait. C’est sans doute ancré dans les gênes. Ma mère et mon père sont de bons cuisiniers. Je m’entraînais deux fois en journée et j’allais à l’école le soir.

 » J’ai une formation de sous-chef. Mais je ne pense pas que je me retrouverai derrière les fourneaux après ma carrière. Je me vois plutôt comme entraîneur des gardiens, ou comme team-manager. Aujourd’hui, si je devais faire quelque chose en dehors du football, ce serait avec mes mains.

Je songe à acheter une guitare. J’aimerais apprendre à en jouer. J’admire la virtuosité de certaines personnes… J’ai un ami menuisier. Mais apprendre la menuiserie, ce ne serait pas très malin lorsqu’on est gardien de but. Si l’on se coupe un doigt, ce n’est pas très pratique pour prendre place dans les buts. Je fais très attention lorsque je cuisine. Lorsque je manie le couteau, je coupe à cinq centimètres de mes mains.  »

Il les regarde. Ses ongles sont coupés courts, très courts.  » Mon ex me disait que je me rongeais même les ongles pendant la nuit.  » Sur le côté intérieur de son annulaire gauche, il a fait tatouer un 8. On le remarque à peine. Lorsqu’on l’interroge à ce sujet, le regard devient plus sombre, le sourire disparaît.

 » Ce 8 est tatoué là pour une ancienne petite amie qui n’est même jamais devenue ma copine. Elle avait une relation avec un autre homme, qui avait des problèmes, et parfois elle se confiait à moi. Personnellement, je traversais une période difficile comme footballeur. J’étais à l’Antwerp et j’attendais la fin de saison avec impatience. J’avais l’intention d’arrêter le football et d’entreprendre un grand voyage. On traversait tous les deux des moments difficiles, et ce 8 était un cryptogramme, un signe qui nous rapprochait : celui de l’infini.  »

 » Mon ex reste pour toujours dans mon coeur  »

 » Finalement, son copain s’est suicidé. La saison dernière, lorsqu’on a remporté le titre, il y avait très précisément un an qu’il avait mis fin à ses jours. Moi, je vivais le moment que j’avais si longtemps attendu, j’étais l’homme le plus heureux du monde, et elle était à la maison, complètement dépitée. J’étais tenaillé entre le bonheur et la douleur.

J’aurais aimé être à ses côtés, pour la soutenir, mais parfois ce n’est pas possible. On n’avait plus eu de contacts depuis un certain temps. On a emprunté des chemins différents. Elle était entrée dans un processus de deuil. Elle a entrepris le voyage autour du monde que j’avais moi-même envisagé. Et j’ai fait la connaissance de ma copine. J’ai trouvé le bonheur. Mais elle reste dans mon coeur. Pour toujours. Si elle a des problèmes, elle peut m’appeler, je serai toujours là pour elle.

Cette histoire a aussi été le premier sujet de discussion avec ma copine. De temps en temps, on en parle encore : un tatouage pour un être cher. Loin des yeux ne signifie pas toujours loin du coeur. Mais c’est très bien ainsi. L’ouverture d’esprit, c’est important. Il faut pouvoir se dire les choses franchement. C’est l’un de mes côtés sérieux dont on parle très peu, mais qui existe. Dans la vie, il n’y a pas que rigoler et se faire plaisir.  »

Un oncle de Boeckx s’est lui-même suicidé.  » Une dépression… Oui, je peux le comprendre. Parfois, on est désespéré et on a envie de quitter ce monde. De nombreuses questions restent sans réponse. Face à ça, le football apparaît bien dérisoire, vous ne trouvez pas ?

Non, je ne crois pas qu’il existe une vie après la mort. Je crois dans les gens. Et je suis un penseur. Oui, un philosophe… Je pourrais philosopher pendant des heures à propos de ce gâteau « . Et il pose la petite pâtisserie placée à côté de la tasse, sur la table.

Le sourire revient sur ses lèvres.  » Je réfléchis à tout. Et je pense que c’est un avantage. Un penseur a déjà réfléchi à tout, a déjà tout vu. Il a déjà tout joué dans sa tête. Et c’est pourquoi, un penseur est toujours plus fort s’il lui arrive quelque chose à laquelle il a déjà pensé. Mais un penseur n’est rien, sans quelqu’un d’autre.

Prenez ce petit gâteau, ici… Vous le regardez d’un certain angle, mais vous essayez aussi de le regarder d’un autre angle. Et ça, c’est de l’empathie. C’est la raison pour laquelle il est intéressant de parler de ce gâteau à deux. Je pourrais philosopher aussi longtemps que je le voudrais à propos de ce gâteau, mais à quoi bon si je suis seul ?  »

 » Philosopher, il n’y a rien de plus beau  »

 » Lorsque l’on discute de ce gâteau avec d’autres personnes, on échange des points de vue. Je vois ce gâteau gris, vous le voyez bleu, et un troisième le voit rose. Et pourquoi le voyez-vous bleu ou rose ? Vous voyez la même chose et pourtant vous le décrivez différemment. Ou alors, vous décrivez la même chose mais vous la voyez différemment. C’est pourquoi le langage est aussi beau…

Vous pouvez décrire quelque chose que je vois différemment. Et, avec vos mots, je peux tout de même voir la même chose. Le langage et la philosophie vont toujours de pair. Le langage est si vaste. Lorsque vous le ressentez, vous devriez aussi pouvoir le décrire. Mais l’amour ? Essayez de le décrire par des mots… C’est difficile, n’est-ce pas ?

Fantasmer sur les plus petites choses, c’est le plus beau qui soit. Dans le vestiaire, on ne le fait pas. On n’y trouve que des gens réalistes qui ne s’intéressent qu’aux mêmes choses. Mais ce ne sont que des contacts à court terme, vous savez. Je préfère philosopher avec des gens que je côtoierai toute ma vie. C’est la valeur du temps. Mais que vaut le temps ? Le temps que l’on passe doit avoir de la valeur. C’est aussi une sensation. Une plus-value. C’est ce à quoi on aspire. Je le pense vraiment…

Il n’y a rien de plus beau que de s’attabler dans un café, une chope à la main, et de philosopher. Les artistes peuvent vivre de cette manière. Je ne suis pas un artiste, mais j’aimerais en être un. Un musicien, quelque chose de ce genre. C’est le plus beau qui soit, à mes yeux. Comme j’ai dit, j’ai l’intention d’acheter une guitare. Mais je ne suis toujours pas capable de lire une note. Rien, nada. Lorsque je suis à la maison, je recherche un nouveau défi. Mais je n’ai pas de talent. Je le sais déjà. Peu importe. C’est le défi qui compte.  »

La musique, c’est son principal hobby.  » J’écoute beaucoup de musique des années 70 ou 80 : Pink Floyd, Tom Waits, Neil Young. Attendez…  » Boeckx prend son téléphone, fait glisser son pouce sur l’écran et montre une photo de sa nouvelle acquisition : un tourne-disque.

 » On me l’a livré aujourd’hui. Mon ex était accro au juke-box. Aujourd’hui je peux écouter sans fil, avec un système surround. Ma salle de séjour est envahie par la musique. Des vinyles… On peut les toucher… Je suis super fan de Spotify, c’est divin. On apprend à connaître beaucoup de musique. Mais si je veux écouter de la bonne musique, j’achète en vinyle. Et de préférence, des disques qui ont séjourné pendant 20 ans dans un carton et qui arrivent ensuite sur les marchés. C’est un vrai hobby. Mais je le pratique trop peu. Je vais trop rarement sur les marchés.  »

 » Tous mes disques ont une histoire  »

 » C’est agréable, de se promener au milieu des échoppes, avec un copain, en regardant tous ces objets qui ont une histoire. Et puis subitement : oui, ils sont là. Dans des caisses à bananes. Là, regarde ! La boîte est encore fermée. Il y a peut-être un trésor à l’intérieur.  » Allez, ouvre ! «  Et puis, zut !  » Pas de disques…  » Mais s’il y en a… C’est du pur bonheur. À attraper la chair de poule…

Ma plus belle trouvaille, c’est un disque des Pixies. Il appartenait à quelqu’un qui a dû s’en séparer et qui l’a amené sur le marché aux puces.  » Ah ! Les Pixies ! Du grand art !  » À en attraper la chair de poule…  » Vous en demandez combien ? « 

 » 50 centimes. « 

 » 50 centimes ? ! Vous êtes fou, ou quoi ? Vous ne savez pas tout ce que cela représente pour moi ! « 

 » Ce sont les plus beaux disques. Les gens ne se rendent pas compte de leur valeur et les revendent pour une bouchée de pain. Je refuse de me rendre simplement chez un disquaire et d’y acheter de nouveaux disques. Je veux acheter de la qualité de cette manière. Je veux me donner du mal. Le disque doit avoir une histoire. C’est le cas de mon Fleetwood Mac, de mon Pink Floyd, de mon Pixies… Ce sont des histoires que je n’oublie pas. Les disques ont une histoire.

Mon disque préféré, c’est celui de Pink Floyd, Wish You Were Here. Tout ce qui touche à l’amour, me revient. On produit de moins en moins ce genre de disque. Les XX, Coldplay et Damien Rice ! J’ai vu Damien Rice à Werchter. C’était à l’époque où je n’étais pas très bien dans ma peau. Mon neveu m’a emmené avec lui.

Je connaissais Damien Rice, mais surtout ses morceaux les plus connus. 9 Crimes, par exemple. Mais ce morceau est représentatif de son oeuvre. Je l’ai regardé, je l’ai écouté. Et j’ai adoré ! Mon neveu m’a agrippé et m’a dit :  » Hé, mon vieux, je te l’avais dit, que c’était bien ! «  Très sombre, aussi. Il va de dépression en dépression. C’est presque Kurt Cobain quand il sombrait dans la drogue.

Le club des 27 ? J’y ai souvent pensé.James Dean, Amy Winehouse, Kurt Cobain, James Morrisson. J’avais aussi 27 ans lorsque j’ai traversé mes moments les plus difficiles.  »

 » J’ai reçu plus que je n’aurais pu espérer  »

Il évoque sa période durant laquelle il a voulu mettre un terme à sa carrière de footballeur. Il avait 27 ans et venait de vivre une saison dramatique avec l’Antwerp (voir encadré).  » J’avais mis ma maison en vente et mon sac à dos était prêt. Je voulais me couper du monde, jusqu’à ce que je retrouve mes esprits. À mon retour, je serais allé jouer en Provinciale avec des amis, là où l’on gagne aussi un peu d’argent, et je serais allé travailler.

J’ai une tête pour réfléchir, j’ai deux mains. Je peux compter là-dessus. Lorsque je vois mon ami Jelle Cherlet (ancien joueur de Saint-Trond, ndlr) à Mariakerke… Il prend beaucoup de plaisir, en 3e Provinciale. Il s’amuse comme un fou. Et, à côté, il est devenu agent de police. Il mène une vie fantastique. Parfois, je l’envie. Il a du plaisir dans ce qu’il fait !  »

Sa destination aurait été l’Amérique du Sud. Pour un an.  » J’aurais acheté une petite voiture, et je serais allé là où le vent m’aurait emmené. J’aurais peut-être cherché du travail. J’ai toujours ce désir en moi. En fait, c’est peut-être une occasion ratée. Mais je n’ai pas tout perdu : je suis devenu le gardien d’Anderlecht et j’ai une petite amie. Je ne pense pas que ma femme serait d’accord, de partir pour un an.

Elle a longtemps étudié pour devenir ce qu’elle est. Pour elle, la vie ne fait que commencer, alors que la mienne était presque terminée à l’époque. Mais aujourd’hui, tout a changé. En fait, ce voyage était une fuite. Finalement, j’ai reçu bien plus que je n’aurais pu l’espérer. Donc, je peux accepter le fait que ce voyage ne se réalisera peut-être jamais.  »

 » Le monde du foot, c’est un grand cinéma « 

 » Je peux remercier mes parents d’avoir accepté que je me lance dans le football « , affirme Frank Boeckx.  » Ma mère donnait des cours de coiffure et avait son propre salon. Mon père tenait un commerce qui vendait des vêtements masculins et des habits de chasse. Il se rendait sur les marchés avec mon oncle. Mais ils veillaient toujours à ce que quelqu’un puisse les accompagner en voiture. Sans eux, je ne serais pas là où je suis actuellement, je m’en rends parfaitement compte. J’en ai connu d’autres, des garçons à qui l’on offrait une chance dans le football et dont les parents ont refusé.  »

Boeckx avait 14 ans lorsque son père et sa mère se sont séparés.  » C’était difficile. Oui, vraiment. Mes parents n’avaient plus aucun contact entre eux. C’était toujours :  » Dis ça à maman…  » et  » Dis ça à papa… « . Mon frère et moi, on jouait les messagers, alors qu’on était trop jeune pour se mêler d’histoires qui ne concernent que les adultes. Ça a duré dix ans. Jusqu’à ce que j’atterrisse à l’hôpital avec une commotion cérébrale. Subitement, ils se sont retrouvés à mon chevet et sont entrés par la même porte. Mon frère et moi n’avons pas vraiment subi les conséquences de ce divorce. Nos parents étaient toujours là pour nous, lorsqu’on avait besoin de quelque chose.  »

À 18 ans, Boeckx a reçu son premier salaire de son club de Saint-Trond, s’est rendu à la banque et a acheté un appartement à Louvain.  » C’est là que je suis devenu adulte. J’adorais vivre seul, devoir me débrouiller, mais à Saint-Trond, j’ai débarqué dans un drôle de monde… Le monde du football, c’est un grand cinéma. Prenez le match de Coupe de Belgique contre le Standard. Ricardo Sa Pinto qui se couche…

Si mon entraîneur avait fait ça et que j’aurais dû lui serrer la main le lendemain… J’aurais tout de même pensé :  » quel clown ! « . Lorsqu’on a 18 ans, c’est parfois dur. On débarque dans un vestiaire et l’on voit des choses que l’on n’imaginait pas. Quelqu’un en train de pisser sur la jambe d’un autre sous la douche… Dans ces moments-là, j’ai pensé : je dois me pincer pour être sûr que je ne rêve pas. Mais j’étais une grande gueule, je ne me laissais pas faire. Je suis entré dans le vestiaire avec Danny Boffin. C’était le seul joueur de Saint-Trond qui aurait pu pisser contre ma jambe. Les autres ne devaient pas essayer. Même si je n’avais que 18 ans.  »

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 » J’ai été le jouet d’un cirque de managers  »

À Gand, comme on le sait, cela ne s’est pas bien passé pour Frank Boeckx. À l’arrivée de Mircea Rednic, il est passé du statut de premier gardien à celui de quatrième. Il ne pouvait plus s’entraîner avec l’équipe Première.  » Je devais partir à l’Antwerp. Avant ça, ils avaient bloqué mon transfert à Leicester City, qui évoluait encore en Championship à l’époque. C’est le sale côté de cette histoire : cette personne à Gand a reçu de l’argent de l’Antwerp pour me laisser partir.

On devient le jouet d’un cirque de managers et on se sent impuissant, en colère et surtout très déçu.  » C’est pour ça que j’ai travaillé dur toute ma vie ? Pour être traité comme une vache laitière ? «  Je n’étais qu’un numéro, je n’ai pas été traité selon les normes et les valeurs qui m’ont été enseignées à la maison.  »

Six mois plus tard, Boeckx est effectivement parti à l’Antwerp.  » Je n’avais pas vraiment envie de rejoindre un club qui, en fait, était cliniquement mort. Mais je devais retrouver le plaisir. Hélas, loin de le retrouver, j’ai encore un peu plus perdu la joie de jouer. À l’Antwerp, on n’était pas payé, ce n’était pas professionnel pour un sou. Je me souviens d’un match… On jouait avec un ballon dont les fils étaient décousus et qui commençait à se dégonfler. Il n’y avait pas d’autre ballon. Ou alors, ils n’étaient pas meilleurs. On se dit alors : c’est ça le football professionnel ? Où va-t-on ?  »

Entre-temps, Boeckx avait changé de manager. Aujourd’hui, Peter Smeets est toujours son représentant.  » Je lui dois énormément. Il me téléphonait à l’époque où je n’avais pas de club :  » Et alors ? Tu es déjà allé courir aujourd’hui ? « .

 » Non, Peter, il est dix heures, je viens de me réveiller. J’étais aux Gentse feesten, hier soir.  » Une heure plus tard, il sonnait à ma porte.

 » Ah ? Tu es à la maison ? Pas encore parti ? «  Je n’avais pas d’autre choix que de mettre mes chaussures et aller courir. C’est le genre de type qui sait que vous avez des problèmes et qui vous force à vous bouger. Et chez moi, ça a produit son effet. Le lendemain, j’avais changé de comportement.  »

Le café, un endroit où le portier anderlechtois aime philosopher.
Le café, un endroit où le portier anderlechtois aime philosopher.© BELGAIMAGE

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