« J’aime la haine »

Le capitaine de la Roma ne le cache pas: son club est visé dans toute l’Italie. C’est la chasse au champion.

Les tifosi aiment bien les raccourcis. Ceux de l’AS Roma ont vite fait de souligner que chaque fois que leur équipe a remporté le titre national, le capitaine était un Romain, un vrai. Facile évidemment. Affirmation d’autant plus sûre que Francesco Totti n’hésite pas à dire qu’il vit une belle période très belle: « Quand je me promène et que je rencontre toutes ces personnes à la joie contagieuse, je me sens fier et orgueilleux d’être le capitaine de la Roma ».

La saison dernière, l’équipe a fait la course en tête. Et pourtant, le capitaine ne se montrait pas très sûr de lui alors qu’au moment de frapper les trois coups, il avait déclaré que cette saison allait être la sienne.

« En fait, nous étions conscients que le chemin serait long. L’équipe était truffée de joueurs de talent qui n’avaient rien gagné jusque-là et qui voulaient laisser une trace dans l’histoire du football. Mais l’envie de vaincre ne suffit pas. Il faut se sacrifier sur le terrain, s’encourager mutuellement et surtout rester humble et ne pas penser qu’à soi ».

Quel est le rôle de Totti dans cette équipe?

L’EURO 2000 dont j’ai été un des protagonistes a renforcé ma conviction. Et je me suis donc préparé minutieusement, avec enthousiasme et méthode. J’ai travaillé et je continue à le faire dans le but de m’améliorer également sur le plan physique. Et je me sens plus serein et tranquille parce qu’il y a un staff qui me suit attentivement et de manière quotidienne.

Vous avez fait appel à ce staff personnel avant l’EURO alors que vous étiez arrivé à ce rendez-vous en grande forme.

Pendant la saison, je me suis rendu compte que j’avais effectué un travail physique peu adapté et j’en suis en partie responsable. Le rapport avec le préparateur du club n’a pas été idyllique. C’est pour cela qu’avant le Championnat d’Europe, j’ai fait appel à Vito Scala.

C’est de là qu’est venue l’idée de faire confiance à un staff qui comprend mon préparateur athlétique et mon kiné, Gino Brunetti, personnels. J’ai d’ailleurs tenu à ce que cette équipe figure dans mon contrat.

Vous avez également changé de position sur le terrain: de soutien d’attaque, trequartista, vous êtes devenu plus un joueur de pointe.

Depuis la saison dernière, j’arrive plus facilement en zone de tir. Ma condition me permet de lutter sur tous les ballons et de faire prévaloir, lors des contacts avec l’adversaire, non seulement mes qualités techniques mais également ma puissance physique. Pour ce qui est des goals, j’en avais inscrit cinq en huit rencontres. Cela ne m’était jamais arrivé et c’est pour cela que j’avais cru que j’allais pouvoir battre mon record personnel (treize buts en 97-98) car j’étais certain de pouvoir continuer à jouer au même niveau. Mais comme en 98-99, j’en ai totalisé douze.

Une vie privée de plus en réduite

L’homme a également changé.

Depuis la saison dernière je me sens plus responsable sur et en dehors du terrain. Evidemment, je dois reconnaître que par rapport à quelques années d’ici, j’ai moins le droit de me promener en rue et que d’une certaine manière je me sens moins libre. Je sais toutefois que cela fait partie du jeu et je me rends compte que ma vie privée a changé et qu’elle a un espace toujours plus réduit. Mais je tiens à la garder et à la défendre. Heureusement, je sais que je peux compter sur ma famille et sur les amis, les vrais.

Quels sont vos amis dans le monde du football?

Pour le moment, le président m’a demandé de couver Cassano. Mais l’ami de toujours c’est Candela. Evidemment depuis qu’il est devenu papa, nos rencontres se sont quelque peu raréfiées. Pour le reste, mes meileurs amis sont Di Livio, Cannavaro, Di Biagio et Petruzzi. J’ai de bons rapports avec Buffon et Nesta, surtout, mais depuis que nous sommes devenus capitaine de la Roma et de La Lazio, il est difficile de nous rencontrer, quasiment impossible.

Vous avez posé torse nu pour un calendrier qui a rendu folle vos admiratrices.

C’est une des initiatives qui ont éveillé en moi la plus grande curiosité. Je l’ai prise comme un jeu. Les gains ont été versés à des oeuvres caritatives. De toute façon, je me sens plus à l’aise quand j’ai le maillot numéro dix sur le dos.

On vous a aussi souvent vu à l’hôpital des enfants, Bambin Gesù de Rome.

Mon rêve est de vivre dans un monde dans lequel les enfants ne souffrent plus. Je sais que c’est quasiment irréalisable. Mais voir des enfants souffrir me rend triste. Quand on me demande d’aller dans un hôpital pour aller à la rencontre des gosses, cela me fait mal au coeur mais j’y vais parce que je sais que je peux offrir un sourire à des enfants qui vont mal.

Votre collaboration avec Capello a débuté par une fausse note. Depuis, les succès aidant, le rapport est plus cordial.

Depuis le début, il a essayé de nous transmettre sa volonté de vaincre. Depuis la saison dernière, les choses vont nettement mieux. Il nous est apparu beaucoup plus motivé et déterminé. Et puis, son expérience en matière de victoire nous a été utile dans les moments où nous avons connu un passage à vide.

« Nous tournons au ralenti »

Le début de saison n’a guère été encourageant. Est-ce dû aux tensions nées des différents problèmes qui ont émaillé l’été: la polémique sur les primes à renégocier vu le titre et la confrontation avec le président, des étincelles entre Capello et les dirigeants sur les derniers transferts (Cufrè en lieu et place de Cannavaro ou Kuffour), enfin, les insinuations de Moggi, le dirigeant de la Juventus, qui parlait de dopage et de corruption?

Ces tensions ont peut-être eu une certaine répercussion car nous avons probablement été épargnés la saison dernière. Ce qu’il me faut en priorité c’est une certaine tranquillité. Dans l’affaire des primes, nous aurions sans doute mieux fait de nous taire car, en fin de compte, c’est toujours la faute des joueurs. Quant au président, il peut dire et faire ce qu’il veut. Nous, nous devons penser à jouer. Mes rappels à l’ordre dans l’équipe ne servent que si l’on gagne parce quand on perd, peu importe que je sois le capitaine. Quant à Moggi, qui a parlé de championnats pas nets en se référant aux succès des deux clubs romains, pour moi le chapitre est clos. Ce sont des histoires de dirigeants.

Ce début de saison nerveux est-il dû à un certain relâchement?

Cela je l’exclus complètement. Nous avons tous encore envie de gagner. En fait, c’est comme le disait l’entraîneur: maintenant ce sera encore plus dur car toutes les équipes se lancent à la chasse au champion.

Votre équipe a été sifflée. Vous sentez-vous malaimés?

Si ce n’était que cela! Auparavant, nous étions malaimés, désormais ils nous haïssent tous. Toute blague mise à part, je dirais que c’est une belle sensation. Oui belle car j’aime sentir la haine, les sifflets du public comme à Vérone parce que cela signifie qu’ils nous craignent et qu’ils ont peur de cette Roma. C’est quelque chose qui nous charge. Evidemment, on nous tabasse plus aussi. D’ailleurs à Vérone, j’ai pris plus de coups que pendant toute la saison dernière.

Et la Ligue des Champions?

Un objectif grandiose. J’ai été heureux que grâce à un de mes buts nous avions enlevé la première victoire dans cette compétition fin septembre contre le Lokomotiv Moscou. A cette occasion, nous avons jeté les bases de notre qualification pour le deuxième tour. Mais la finale de Glasgow est encore loin, d’autant que trois jours après ce succès nous sommes allés rendre visite à la Juventus pour gagner. Nous avons affronté cette équipe, que nous tous respectons, avec les mêmes hargne et détermination que nous avions affichées tout au long de la saison dernière. Cette victoire à Turin a prouvé qu’il ne sera pas facile d’enlever l’écusson cousu sur nos maillots. Je crois que notre départ au ralenti est dû au fait que mes coéqupiers ne sont pas tous au top de leur condition.

Vous n’en avez jamais fait un mystère: le Ballon d’Or est un de vos objectifs déclarés.

Si je songe au Ballon d’or? Pourquoi ne devrais-je pas y songer? Pour le moment, les choses marchent bien et qui sait si, un jour, je ne le recevrais pas? Et si on l’accorde à un autre, cela ne m’empêchera pas d’aller lui serrer la main. J’ai 25 ans et même si je me sens encore un gamin, je pense avoir grandi et mûri. Avec l’âge, on comprend de plus en plus de choses, on se gère mieux. C’est mon cas, même si mon jeu est toujours resté le même.

Nicolas Ribaudo (avec ESM)

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