« J’ai trouvé ma véritable place »

Les buts du médian français font le bonheur de Genk. Rencontre avec l’un des meilleurs joueurs de cette première partie de saison.

Notre photographe aimerait prendre des photos dans un champ de maïs mais Gorius veut d’abord s’assurer que personne ne le verra. Le Français n’aime pas trop les feux de la rampe. Mais qu’il le veuille ou non, cette saison, il fait à nouveau la une.

C’est ta deuxième saison à Genk mais la première au cours de laquelle tu te mets vraiment en évidence.

La saison dernière, nous avons gagné la coupe et livré un très beau parcours en Coupe d’Europe. Pour ma part, j’étais content de m’être bien intégré. Je n’ai pas flambé mais j’ai joué presque tous les matches et j’ai inscrit quelques buts. Mais je savais que je pouvais faire mieux : partout où je suis passé, ma deuxième saison a toujours été meilleure.

Qu’est-ce qui fut le plus difficile dans ton intégration ?

M’adapter à une nouvelle place sur le terrain.

Savais-tu, au moment de signer, que l’entraîneur voulait faire de toi un numéro 8 ?

Non. J’étais venu ici avec l’étiquette de médian offensif mais quand j’ai fait le tour des places auxquelles j’étais susceptible de jouer, avec Gunter Jacobs, on a évoqué celle-ci. Et c’était presque logique puisque Genk jouait en 4-4-2 alors que j’avais toujours évolué dans un 4-3-3. Les quatre places les plus offensives d’un 4-4-2 ne me convenaient pas : je ne suis ni un centre-avant, ni un ailier. Maintenant, j’ai trouvé ma véritable place. Si j’étais arrivé ici il y a cinq ans, j’aurais pu montrer bien plus de choses.

Tu es donc meilleur en 8 dans un 4-4-2 qu’en 10 dans un 4-3-3 ?

Je pense que oui. J’ai besoin de venir chercher le ballon assez bas. Ce rôle de relais entre la défense et l’attaque me plaît. Il permet aux autres de bouger dans les espaces, m’offre des options et me donne l’opportunité d’accélérer le jeu d’une seule passe. C’est mon truc. A Malines, j’étais obligé de marquer parce que le club comptait sur moi. Je participais donc moins au jeu car si je redescendais trop, je causais un déséquilibre.

A Genk, Fabien Camus joue un peu dans le rôle qui était le tien à Malines. C’est un numéro dix décalé sur le flanc et qui rentre dans le jeu. Tu ne préférerais pas jouer à cette place ?

Pas du tout. J’apporte davantage à l’équipe dans mon rôle actuel.

Quelles leçons tires-tu de ta première saison en 8 ?

Que mon rôle est très important en perte de balle : il faut que je défende. J’étais tellement obsédé par cela la première saison que j’en ai parfois oublié de sortir. Je voulais absolument faire mes preuves sur ce plan.

Tu aimes défendre ?

Comme tous les joueurs, je préfère avoir le ballon. C’est d’ailleurs ce qui fait la force de Genk. Quand on a le ballon, on fatigue l’adversaire et on n’est pas en danger. Mais quand nous ne l’avons pas, il est très important de défendre.

Quatre siestes par semaine

As-tu éprouvé des difficultés à t’adapter au rythme de deux matches par semaine ?

Après avoir joué huit matches en un mois, on a moins de jus, c’est sûr. Il faut donc bien se reposer l’après-midi, bien s’alimenter et s’hydrater. C’est presqu’aussi important que l’entraînement. A Malines, je faisais deux siestes par semaine. Maintenant, je m’en accorde au moins quatre d’une heure. Parce qu’après un match, on dort mal, à cause de l’adrénaline. Il est difficile de s’endormir avant 3 heures du matin. Et à neuf heures, il faut être à l’entraînement.

Et que fais-tu les nuits d’après-match, entre 23 heures et 3 heures ? Tu revois les images du match ?

Non : le club nous offre un repas chaud, pour ne pas que nous allions manger des crasses car évidemment, on ne va pas se mettre à cuisiner. Après, je regarde un peu la télé et vers 1 heure, je vais dormir en attendant que le sommeil arrive.

C’est quoi la différence entre les entraînements de Malines et ceux de Genk ?

A Malines, deux fois par semaine, on avait deux entraînements de deux heures. A Genk, on joue tellement que, bien souvent, on se limite à entretenir la forme. Les entraînements sont plus légers mais, si on fait le compte, on travaille plus. Parce qu’un match, c’est toujours plus exigeant. Et après, il faut 48 heures pour se retaper complètement.

Photos de Kiev

Tu as inscrit des buts importants cette saison. Ça a changé ton statut au sein du groupe ?

Pour moi, non. Mais c’est difficile de parler de soi.

Tes équipiers savent désormais qu’ils peuvent compter sur toi.

Ils n’avaient pas besoin de cela pour le savoir.

De quel but es-tu le plus fier ?

Celui à Kiev. Il est très difficile de gagner là-bas. Ce club a le niveau de la Ligue des Champions et un budget largement supérieur au nôtre.

A Kiev, plusieurs joueurs ont pris des photos du stade. Dont toi. Johan Boskamp a dit que vous étiez des touristes.

Il dit ce qu’il veut. Moi, j’avais envie de garder un souvenir pour montrer aux amis. Beaucoup de joueurs partagent des photos avec les supporters sur les réseaux sociaux. Et les équipes qui viennent à Genk devraient aussi photographier notre stade.

Mais en prenant des photos, vous montrez que vous êtes impressionnés.

Si c’était le cas, nous n’aurions pas pris les trois points. Ceux qui connaissent le monde du foot savent que ça ne veut rien dire.

Monsieur penaltys

Tu aurais déjà pu compter sept buts si, au Rapid Vienne, Kara n’avait pas décidé de tirer le penalty à ta place.

Dans une telle situation, la meilleure attitude, c’est de ne pas réagir sur le terrain.

Ça t’est déjà arrivé deux fois puisque, contre Zulte Waregem, c’est Pelé Mboyo qui a tiré.

Oui mais à ce moment-là, je n’étais pas encore désigné. J’ai tiré le deuxième contre Zulte et depuis, en principe, c’est moi qui tire. C’est une décision de Jelle Vossen et de l’entraîneur. Au Rapid, j’ai regardé Jelle et il avait compris que j’allais tirer. Nous ne nous attendions pas à ce que Karas’empare du ballon.

Et Jelle n’est pas intervenu ?

Non mais c’était difficile de réagir à chaud. Faire la tête de lard, ça fait mauvais genre.

Ne passes-tu pas pour un faible à cause de ça ?

Tu penses que Kara aura plus de respect pour moi si j’exige de tirer ? En m’énervant, tout ce que je risque, c’est de rater le penalty. Nous en avons parlé par la suite, il m’a dit qu’il se sentait si bien qu’il voulait absolument tirer et que ça n’arriverait plus.

Ça ne t’a pas énervé ?

Non puisqu’il a marqué. Mais s’il avait raté…

Ne serait-il pas plus simple que l’entraîneur établisse une liste ?

Nous en avons parlé : désormais, c’est le capitaine qui décide.

Pourquoi pas l’entraîneur ?

Parce que les sensations sont importantes. Tirer un penalty quand tu n’es pas dans ton match, ce n’est pas un cadeau.

Le summum

Fabien Camus rêve encore de la Ligue 1. Et toi ?

C’est mon championnat favori mais à Genk, j’ai tout : je joue pour gagner des trophées et je dispute l’Europa League. En France, à part le PSG, Marseille et Monaco, qui peut me garantir cela ? Et eux, ils ne s’intéressent pas à un joueur du championnat de Belgique : ils transfèrent Ibrahimovicou Falcão. Ceci dit, j’aimerais bien affronter des clubs pareils. La Ligue des Champions, ça doit être le summum. Si Genk la dispute l’année prochaine, je serai le plus heureux des hommes.

Pour ça, il faut être champion. C’est possible ?

Je n’en sais rien. Nous devons terminer dans le Top 3.

Vous avez quinze titulaires potentiels. Le reste, ce sont des jeunes. Le noyau est-il assez large ?

Anderlecht et Bruges ont-il plus de quinze joueurs expérimentés ?

Et le Standard ?

Peut-être un ou deux de plus. Pour moi, notre noyau est suffisamment important pour réaliser de belles choses.

Est-ce qu’il ne vaut pas mieux réaliser une bonne campagne d’Europa League que gratter pour prendre un ou deux points en Ligue des Champions ?

Tout le monde se réjouissait de voir un Anderlecht – PSG. Après le 0-5, on a été très dur envers le Sporting mais beaucoup d’équipes auraient pris cinq buts face à une telle équipe. Le week-end suivant, Ibrahimovic a de nouveau inscrit trois buts en championnat. Le PSG a un budget illimité, ses joueurs peuvent tous gagner le Ballon d’Or. Que peut faire un club belge face à cela ?

Tu préfères perdre 0-5 contre le PSG en Ligue des Champions que gagner 0-1 à Kiev en Europa League ?

Ce n’est pas la bonne question. Il n’y a pas que le PSG en Ligue des Champions. Anderlecht m’a plus déçu face à l’Olympiakos. Pour moi, la Ligue des Champions, c’est plus prestigieux. On a tout à gagner dans ce genre de match. Si Anderlecht a fait 1-1 au PSG, c’est peut-être parce qu’il a retenu les leçons de l’aller.?

PAR KRISTOF DE RYCK – PHOTOS: KOEN BAUTERS

 » D’autres clubs qu’Anderlecht auraient pris cinq buts contre ce PSG.  »

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