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 » J’ai toujours été un leader « 

À la découverte de Jess Thorup, le coach de 48 ans de Gand. Sa vision ?  » Les joueurs ne sont pas des machines, il faut leur accorder de la liberté.  »

De quel milieu provenez-vous ?

JESS THORUP : D’une famille normale. Très jeune, je me suis adonné à des tas de sports. J’ai joué au foot et au volley à un bon niveau jusqu’à seize ans puis j’ai dû opérer un choix. Maintenant, tout est professionnalisé et les enfants doivent choisir plus tôt alors qu’il est préférable de pratiquer plusieurs sports pour améliorer sa motricité et son développement musculaire.

Vous étiez avant.

THORUP : Oui. J’étais bon des deux pieds et ma taille m’avantageait dans les duels aériens. Mais je ne marquais pas 25 buts par saison. Je conservais le ballon, je participais à la construction et délivrais des assists. On m’associait généralement à un avant de poche, un buteur. J’ai beaucoup travaillé l’aspect mental. Je sais ce qu’un avant qui ne marque pas ressent et c’est un atout dans les entretiens privés comme dans les discussions tactiques.

Vous avez également étudié ?

THORUP : Le football est ma passion mais j’ai toujours lu et étudié. L’immobilier, la comptabilité… J’ai travaillé deux ans comme comptable avant de passer professionnel. J’ai continué à étudier après l’université, un soir par semaine, pour le plaisir d’apprendre. Je comptais vendre des maisons au terme de ma carrière en Norvège mais mon ancien club danois m’a proposé le poste d’entraîneur.

 » Les joueurs imposent un système et non l’inverse  »

Vous êtes rationnel mais aussi aventurier : avant la Norvège, vous avez joué en Allemagne et en Autriche, à Uerdingen et au Tyrol.

THORUP : Je suis ouvert à ce qui se présente au bon moment, sans être du genre à tout abandonner. Jouer en deuxième Bundesliga m’a fait découvrir une autre culture car je ne connaissais que le football danois. C’est la possibilité d’apprendre qui m’attire, pas l’aventure. J’ai eu des offres en Bundesliga mais j’avais plus de chances de jouer en D2. Je suis d’un naturel réaliste.

Que vouliez-vous apprendre ? La minutie allemande ?

THORUP : ( Rires) En Allemagne, contrairement au Danemark, on n’a pas d’amis au sein de l’équipe : ce sont des concurrents. Les Danois sont des battants aussi mais ils s’attardent au club, jouent aux cartes. Nous sommes très sociables. Mes débuts ont donc été très durs. Je suis allé en Autriche pour aider un compatriote qui était responsable sportif du club. Ma femme venait de donner naissance à notre fils et voulait retourner au Danemark mais il ne s’agissait que d’un contrat de six mois.

Pourquoi les avants deviennent-ils rarement entraîneurs ?

THORUP : Ils sont peut-être plus égoïstes, concentrés sur les buts. Mais je ne suis pas comme ça, je viens de vous le dire. Je pense que beaucoup de gens ont décelé en moi un entraîneur avant que j’en prenne conscience. J’étais souvent capitaine et j’étais influent dans mes équipes. J’aidais les jeunes, j’intervenais auprès de l’entraîneur… La communication est cruciale pour un leader et j’en suis un, certainement en tant que coach. Je dois apprendre aux joueurs à travailler ensemble pour atteindre un objectif. J’écoute. Je sais où je veux aller et comment mais ce n’est pas la seule voie. A mon arrivée à Gand, tout le monde croyait que nous allions jouer en 3-4-3 parce que j’ai été champion grâce à ce système. Certains collègues imposent leur système et réclament des joueurs qui lui conviennent. Pas moi. J’étudie les qualités de mes joueurs et je m’y adapte.

 » Morten Olsen m’a poussé vers Midtjylland  »

Les Gantois ont raconté qu’ils avaient eu beaucoup d’entretiens individuels à l’issue des matches.

THORUP : Ils sont importants car beaucoup de joueurs ne jugent pas bien leurs prestations. Ils trouvent qu’ils ont livré le match parfait alors que je suis peut-être d’un autre avis. Ils doivent savoir ce que je pense. J’insiste sur le positif tout en les dirigeant dans la direction que je veux. Un footballeur peut être content de son but ou de son action défensive mais moi, je dois appréhender l’ensemble de l’équipe.

Tout dépend in fine de la qualité des joueurs.

THORUP : Il y a plusieurs aspects. Le mental est crucial. L’entraîneur doit considérer les joueurs comme des personnes qui l’aident et vice-versa. Il ne faut pas mettre trop de distance. Il faut évidemment des résultats. Deux victoires ? Thorup est synonyme de succès. Deux défaites ? Thorup ne vaut rien. Mais je suis ici pour aider l’équipe, le club et les joueurs.

Vous avez travaillé avec les jeunes, notamment les U21 danois. Sont-ils plus malléables ?

THORUP : Ils étaient plus patients et obéissants il y a vingt ans. De nos jours, ils ont des exigences après deux semaines ou deux mois et ça ne va pas s’améliorer. Pourtant, j’aime ce travail. En équipe nationale, je devais faire jouer les meilleurs tandis qu’à Midtjylland, je devais en faire émerger un maximum en équipe A. Ça supposait de collaborer avec toute la région car le club a un réseau de plus de 110 clubs, sans oublier des académies au Nigeria et ailleurs. J’étais donc confronté à des différences culturelles.

Morten Olsen a renoncé à l’équipe nationale en 2016. Vous n’avez pas songé à lui succéder ?

THORUP : Nous étions qualifiés pour Rio, ayant disputé les demi-finales de l’EURO espoir. Midtjylland m’a alors téléphoné. J’en ai discuté avec Olsen. Les Jeux, c’était bien mais c’était unique et l’équipe n’était pas super. Il trouvait qu’il valait mieux que j’entraîne un club qui joue la coupe d’Europe. Il avait raison. En trois ans, j’ai dirigé 36 matches européens, nous avons même passé l’hiver en Europe et j’ai gagné des prix.

 » L’attaque, c’est une question de sensations  »

Tenez-vous à la possession du ballon ?

THORUP : On peut aussi bien procéder par longs ballons. Mais on peut presser haut et se créer des occasions comme ça. J’ai déjà constaté que les avants de ce championnat étaient rapides et costauds. Il ne faut donc pas leur laisser trop de champ. La pression est donc utile. Elle évite la frustration engendrée par la perte de balle, aussi. À ce propos, celui qui la perd ne doit pas se demander pourquoi il l’a perdue mais comment il va la récupérer.

Vos attaquants bénéficient d’une grande liberté en possession du ballon.

THORUP : L’attaque, c’est une liberté associée à des responsabilités. Les éléments offensifs doivent s’entendre. Si l’un effectue un mouvement, l’autre doit y réagir mais je ne vais pas lui dire où il doit se placer : il doit le sentir. Il faut bien sûr travailler les automatismes et donner des tools aux joueurs mais ils ne sont pas des machines.

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