» J’AI RAREMENT ÉTÉ AUTANT INSULTÉ QUE LORS DU TRANSFERT D’OKAKA « 

Le DG des Mauves raconte les dessous des transferts, le dossier touchy du stade et la nouvelle rivalité avec Gand.

« Où est-ce que je vais m’asseoir ? A la place d’Okaka ? Oui, ça me paraît très bien « . On est vendredi dernier et Herman Van Holsbeeck a la tête des bons jours. Son club vient de réaliser une très belle performance face à Tottenham et s’apprête à accueillir Bruges avec le plein de confiance. Le contraste est saisissant avec le Directeur général revanchard et fâché que l’on avait quitté en fin de saison dernière. Pendant plus d’une heure, HVH nous explique pourquoi ça rigole à nouveau pour son club.

Vous venez de publier un communiqué concernant le dossier du stade. Quelles sont les évolutions sur ce sujet ?

HERMANVANHOLSBEECK : On a pris note des propositions qui nous ont été faites. Et on prend désormais le temps de les étudier et de les analyser. Sur la question du stade, il n’y aura donc aucune autre communication de la part du club.

Vous ne communiquez donc pas sur ce qui s’est passé précédemment quand le club avait annoncé se retirer du projet  » Eurostadium  » ?

VANHOLSBEECK : C’est un dossier important et compliqué. Pour le moment aucune négociation n’a été réouverte. C’est un dossier très touchy.

L’arrivée de Jo Van Biesbroeck, manager opérationnel, ne vous place-t-elle pas en retrait sur ce type de dossier ?

VANHOLSBEECK : Non, au contraire. Le foot a tellement évolué en matière commerciale, marketing, qu’un club a besoin de spécialistes dans tous ces domaines. Jo est quelqu’un de ma génération, ce n’est pas un jeune loup qui arrive en disant : je vais casser tout le monde. On est occupé à travailler sur l’avenir du club et il est évident que si on veut accrocher le wagon du sub-top européen, on va avoir besoin de nouvelles infrastructures. Cela vaut aussi pour Bruges ou le Standard.

Le but n’était donc pas de vous mettre quelqu’un dans les pattes comme cela avait été dit ?

VANHOLSBEECK : C’est n’importe quoi. Et ça se saurait très vite s’il y avait des bagarres dans le club entre Pierre et Paul (sic). Au contraire, les choses sont claires. Si l’incertitude rend les gens malheureux, aujourd’hui, le président et ceux qui l’entourent savent parfaitement où ils veulent arriver.

Les droits télés peuvent-ils encore augmenter ?

VANHOLSBEECK : Non. Et quand tu sais que le dernier du championnat anglais touche 100 millions par saison en droits télés, tu joues encore le même jeu qui s’appelle le football mais plus dans la même cour. Ce que réalise un club comme Porto, par contre, ça doit être notre ambition.

 » PORTO DOIT ÊTRE NOTRE MODÈLE  »

Que ce soit en termes de budget ou d’infrastructure, c’est un grand pas en avant.

VANHOLSBEECK : Leur budget est de 80 à 100 millions d’euros ce qui est donc plus du double du nôtre, Porto est donc un modèle.

Anderlecht était un club à l’avant-garde dans les années 80, aujourd’hui il est complètement à la traîne en termes d’infrastructures. Comment vous l’expliquez ?

VANHOLSBEECK : Je crois que désormais, le politique se rend enfin compte du problème. La Belgique est candidate pour accueillir l’Euro 2020 alors que son plus beau stade, la Ghelamco Arena, compte 20.000 places. Notre équipe nationale est numéro un mondial, Bruxelles est la capitale de l’Europe mais nos Diables devraient jouer dans un stade de 20.000 places, il y a quelque chose qui ne va pas. On espère forcer quelque chose – et c’est peut-être la différence avec Bruges – on ne demande qu’une seule chose : que Bruges ait un nouveau stade, tout comme le Standard. Le but est d’augmenter la valeur de notre championnat et de pouvoir vendre nos joueurs le plus cher possible.

Vous êtes satisfait de votre mercato estival ?

VANHOLSBEECK : Au niveau départ, on a fait banco quand même. Si tu peux gagner 30 millions sur deux joueurs (ndlr, Mbemba et Mitrovic), c’est énorme. C’est la preuve que vendre un joueur vers l’Angleterre, c’est un peu comme gagner au Lotto. On a vendu Maxime Colin pour 1,5 million d’euros alors qu’il n’a pratiquement pas joué et avait été acheté pour moins du tiers de ce prix.

Le Conseil d’administration vous a félicité pour ce mercato ?

VANHOLSBEECK : Oui. Et c’est ce qui a de plus important : être considéré par ton Conseil d’administration.

Davantage qu’auprès des supporters ?

Je pense que oui. Je n’ai jamais essayé d’être populaire auprès des fans alors que j’essaie de l’être auprès du Conseil d’administration.

L’affaire Boussoufa ne vous a pas mis à mal ?

VANHOLSBEECK : Non, pas du tout. Parfois tu avances un pion pour voir comment l’autre réagit, c’est un jeu d’échecs. Et Bous a aussi joué à ça. Je sais très bien comment sont les joueurs. Il avait encore un contrat à quelques millions d’euros mais il en avait marre de la Russie et il voulait rentrer. On était prêt à faire un effort à condition que Dennis Praet nous quitte pour un prix conséquent, de l’ordre de celui de Mitro et de Mbemba. Si on avait pris Bous tout en gardant Praet, les critiques nous seraient tombés dessus. Praet n’est finalement pas parti et on a dû se priver de Bous. C’est un moment difficile à passer mais…

 » LES CRITIQUES, JE M’EN FOUS  »

Vous avez reçu des offres concrètes pour Praet ?

VANHOLSBEECK : Oui mais pas au prix demandé.

Vous ne demandez pas trop pour un joueur comme Praet ?

VANHOLSBEECK : Tu laisses plus facilement partir un joueur si tu possèdes son remplaçant et, dans ce cas, tu diminues un peu le prix demandé. Je sais aussi que concernant Dennis, plus on se rapproche de 2017, plus il est en position de force. Il pourra me dire : Si tu ne me laisses pas partir, je m’en irai gratuitement. On est toujours dans un jeu d’équilibriste.

Anderlecht peut se targuer de vendre à des prix avantageux, surtout par rapport à la concurrence. Il suffit de se rappeler des prix de ventes des Witsel, Defour, Carcela lors de leur départ du Standard.

VANHOLSBEECK : On les aurait vendus pour beaucoup plus. Mais ce que je veux dire par là, c’est qu’avec le temps on se crée un réseau de personnes que tu apprécies et qui, pour beaucoup, sont des amis du club. Dans la vie, c’est tu donnes et tu reçois. Et j’ai appris ça de Roger Vanden Stock. J’ai beau souvent être critiqué, je m’en fous. Quand on a voulu transférer Defour ou même Rolando, j’ai pris mon téléphone et j’ai appelé Lucien D’Onofrio. Et je n’ai aucun problème avec ça. Sans D’Onofrio, on ne faisait pas le deal. What’s the problem ?

Mais qu’est-ce qui fait que le club vend bien ?

VANHOLSBEECK : L’image d’Anderlecht est portée par le fait que depuis 52 ans ce club dispute sans disconti

nuité la Coupe d’Europe. Et si je dois féliciter Gand pour ses prestations en Champions League, les gens oublient que l’an dernier, on a pris 6 points en partageant notamment à Arsenal et à Dortmund. Anderlecht reste toujours Anderlecht à l’étranger. Ils savent qu’on essaie de faire toujours des trucs, maintenant avec nos jeunes. Et chaque année, on joue pour le titre. Dans les murs de ce club, il y a toujours cette obligation de résultats. Quand on a partagé face à Malines en loupant trois penaltys, on a directement ressenti cette pression. Et quand tu lis la presse, c’est comme s’il n’y avait plus rien de bon. C’est pourquoi, tu dois t’entourer de gens qui supportent cette pression. Il suffit que je vous montre les mails que j’ai reçus lors du transfert d’Okaka, j’ai été insulté comme rarement. Et aujourd’hui, c’est  » Okaka ! Okaka ! Okaka ! « . C’est pour ça que je répète que pour un Directeur général d’un club comme Anderlecht, il est plus important d’être populaire auprès de son conseil d’administration que de ses supporters.

Pourquoi êtes-vous si impopulaire auprès des supporters ?

VANHOLSBEECK : En succédant à Michel Verschueren, je me suis posé la question si je devais me rendre, comme lui, à tous les soirées de supporters mais dans ce cas, je crois qu’en rentrant chez moi, ma femme ne serait plus là. Et gagner un combat face à quelqu’un qui a été pendant 35 ans dans le club, c’est impossible. Je me suis donc dit que la seule chose que je pouvais faire était de gagner des titres et être populaire auprès du C.A. Et rester 13 ans au sein d’un club comme celui-ci, c’est long hein, et c’est aussi une marque de reconnaissance.

 » TOUT TOURNE AUTOUR DE L’ARGENT  »

Cette impopularité vous touche-t-elle ?

VANHOLSBEECK : Non, ça me passe au-dessus. Au début peut-être mais on comprend vite qu’ici la seule chose qui compte c’est gagner mais pas seulement. Après le match face à Saint-Trond (1-0), Okaka est venu me trouver dans mon bureau pour me dire qu’il ne comprenait pas pourquoi c’était la fête quand avec la Sampdoria il gagnait 1-0 en championnat alors qu’ici, on ne parle davantage que des occasions loupées. A Anderlecht, on aime rappeler le Sporting d’il y a 30 ans. Mais ce combat, je ne sais jamais le gagner. A cette époque, on était 15e au ranking financier européen, aujourd’hui on est 250e. L’ambition que l’on doit avoir, c’est d’être premier en Belgique et ne pas être ridicule face aux grands comme Tottenham.

Ce qui facilite la vente des joueurs ?

VANHOLSBEECK : Oui et je peux vous dire que jeudi la tribune était remplie d’observateurs étrangers. Ariedo Braida (ndlr, directeur sportif de Barcelone) était notamment présent. C’est dans ce genre de match que les clubs étrangers jugent la véritable valeur d’un joueur.

Et quel joueur a le plus de valeur aujourd’hui ?

VANHOLSBEECK : Youri Tielemans est aujourd’hui connu dans le monde entier. Quand tu regardes les classements des meilleurs jeunes, Tielemans est toujours dans les dix premiers. C’est un joueur qui a une valeur énorme et qui jouera dans un grand championnat.

Il devrait battre le record du club en termes de transfert ?

VANHOLSBEECK : Ça dépend de plusieurs paramètres et surtout de la destination.

Aujourd’hui, ils veulent tous rejoindre l’Angleterre.

VANHOLSBEECK : C’est clair, ç’est là qu’on casse les tirelires. A la fin, tout tourne autour d’une chose : l’argent.

Comment s’y prendre pour transférer des bons joueurs quand les moyens sont limités et que la réputation du championnat n’est pas terrible ?

VANHOLSBEECK : La première chose que l’on fait, c’est de regarder ce qu’on en a en magasin, c’est-à-dire dans notre centre de formation. Mais tu n’as pas chaque année, 3-4 joueurs qui sont prêts pour l ‘équipe première. A mon avis, la plus forte génération dont on dispose, ce sont les U17. Quand tu dis aux supporters que tu optes pour une politique de jeunes, ils attendent que tu intègres 3-4 joueurs chaque année et qu’en plus tu joues la tête… C’est difficile. Pour remplacer Mitrovic, on a Leya Iseka qui est bon mais encore trop jeune pour être numéro un. Alors tu te tournes vers la Belgique. Laurent Depoitre avait la cote à Anderlecht, on était tous persuadés qu’il pourrait remplacer parfaitement Mitro, mais à partir du moment où Gand est devenu champion, ça ne servait même plus à rien de passer un coup de fil à Michel Louwagie. Alors tu te tournes vers ton département scouting et aussi vers les joueurs qui te sont proposés. Avant c’était avec des articles de journaux qu’on essayait de te convaincre. Aujourd’hui, avec whyscout(ndlr, site de statistiques sur les joueurs), on peut se faire une idée relativement précise en quelques secondes. Concernant Okaka, j’ai donc regardé attentivement le joueur avec Besnik.

 » AUJOURD’HUI, ON A 5 LEADERS  »

Et pourtant la cellule scouting n’était pas favorable à sa venue.

VANHOLSBEECK : Pourquoi ? Parce qu’il ne marquait pas suffisamment.

Son nom est apparu dans le deal avec Mitrovic.

VANHOLSBEECK : Ceux qui m’ont aidé à transférer Mitrovic sont des gens qui ont aussi de grosses entrées dans des clubs italiens. Ils m’ont donc dit qu’ils connaissaient le profil que l’on recherchait et qu’il n’allait pas prolonger à la Sampdoria. J’ai alors téléphoné à des gens de mon réseau, qui ne sont pas des agents, genre Ariedo Braida qui m’a directement dit : Si tu sais amener ce joueur-là à Anderlecht, tu amènes un très très bon joueur. Et s’il avait marqué plus de buts en Italie, il ne pourrait jamais venir à Anderlecht.

Okaka ne faisait donc pas partie de monnaie d’échange dans le transfert de Mitrovic ?

VANHOLSBEECK : Non. Ce sont des gens qui m’ont aidé dans un deal et qui te proposent un joueur. Et si celui-ci est bon, je ne vois pas où est le problème ? Comme quand je dis à Mogi Bayat que je veux Kara pour tel prix et qu’il me dit :- laisse-moi faire, je vais t’arranger ça ! Qu’est-ce que je dois faire ?

Plus de 4 millions pour Kara, c’est quand même beaucoup d’argent non ?

VANHOLSBEECK : On raconte n’importe quoi sur son prix. Et croyez-moi que Kara est déjà suivi par de nombreux clubs anglais qui adorent ce style de joueur.

L’an passé on a souvent épinglé l’absence de leader dans l’équipe. Est-ce qu’avec le retour de Defour au premier plan et l’impact d’Okaka, vous en comptez désormais plusieurs ?

VANHOLSBEECK : Ceux qui ont le plus de planches doivent naturellement être des leaders, comme Proto et Deschacht. Mais aujourd’hui avec Kara, Defour et Okaka, l’équipe en a 5 pour remplir ce rôle. L’an dernier, Defour ne se sentait pas suffisamment bien sur le terrain pour s’imposer auprès du groupe et en être le patron. Kara a le profil idéal, l’intelligence et le charisme pour remplir ce rôle. Lors de son premier match à Ostende, il avait été catastrophique. Ce jour-là, aucun joueur ne voulait se présenter devant la presse. Kara a alors dit dans le vestiaire : Je sais que j’ai très mal joué, je vais aller l’expliquer à la presse. Là tu vois directement un garçon qui en a…

C’est une des raisons de son transfert.

VANHOLSBEECK : Absolument. C’est un type qui sait où il veut aller et est prêt à tous les sacrifices pour y arriver. Vous savez, ils veulent tous un jour rejoindre l’Angleterre et c’est normal. Je remarque que les pièces du puzzle sont en train de se mettre en place. Et même quand ça allait moins bien, on s’est toujours créé des occasions. Si ça n’avait pas été le cas, cela aurait été inquiétant.

Hasi n’a donc jamais été menacé ?

VANHOLSBEECK : Oh la la, jamais ! A aucun moment !

Vous aviez déclaré disposer du plus gros potentiel de Belgique.

VANHOLSBEECK : Et j’en suis toujours persuadé.

 » HASI EST AUSSI FORT QUE VAN HAEZEBROUCK  »

Ce qui fait donc la force d’une équipe comme Gand, c’est de posséder un coach qui est brillant ?

VANHOLSBEECK : On est les premiers à les féliciter. Quand on les voit jouer en Champions League, on est tous agréablement surpris par leur jeu.

C’est un football un peu  » anderlechtois  » non ?

VANHOLSBEECK : Gand joue un foot attrayant. Mais on notera quand même qu’en Champions League, c’est juste trop court. On a connu ça aussi. Mais c’est clair que l’entraîneur a su améliorer ses joueurs.

Vanhaezebrouck n’a-t-il pas le parfait profil pour un club comme Anderlecht : une identité de jeu offensive, belge, bilingue, bon communicateur ?

VANHOLSBEECK : Mais Hasi est aussi fort que lui. Ce que Besnik est occupé à faire, c’est très difficile et pour ça tu dois avoir beaucoup de qualités, et il en a.

L’année passée vous étiez fâché du manque de professionnalisme chez certains. Vous aviez même parlé de Club Med.

VANHOLSBEECK : Ils ne faut pas oublier que l’an dernier, on sortait de trois titres d’affilée. Et automatiquement, une forme de déconcentration s’est installée. Et donc le kick en plus, ces 150 % pour être champion, on n’a pas su les atteindre. Et dans la dernière ligne droite, la différence entre Gand et Anderlecht, ce fut ça.

Vous aviez déclaré que l’important dans une carrière, c’est de réussir sa sortie. Vous la rêvez comment ?

VANHOLSBEECK : En préparant l’avenir du club, en réussissant un coup sur la scène européenne.

Et dans un stade de 65000 places…

VANHOLSBEECK : Dans un nouveau stade où on ne préfère pas voir mes talons que le début de mes pieds. Je veux dire par là que les gens soient encore contents de me voir.

PAR THOMAS BRICMONT PHOTOS BELGAIMAGE/ CHRISTOPHE KETELS

 » Vendre un joueur vers l’Angleterre, c’est comme gagner au Lotto.  »

HERMAN VAN HOLSBEECK

 » A Anderlecht, on aime rappeler le Sporting d’il y a 30 ans. Mais ce combat, je ne sais jamais le gagner.  »

HERMAN VAN HOLSBEECK

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