» J’AI RAMÉ « 

Bruno Govers

Avant d’aboutir à Molenbeek, l’attaquant français a vécu des heures sombres.

Preuve de son intégration dans la vie de tous les jours : lui, Français d’origine guadeloupéenne, dit déjà septante et nonante en lieu et place de soixante-dix et quatre-vingt-dix. Après trois mois, Mickaël Niçoise (21 ans) fait petit à petit son trou aussi en équipe fanion du FC Brussels. Avant le déplacement des Coalisés à Mouscron, samedi passé, il s’était d’ailleurs signalé coup sur coup lors des deux rencontres précédentes de ses couleurs. D’abord en paraphant le seul but des siens au Germinal Beerschot, puis en délivrant l’assist qui permit à Igor De Camargo de l’imiter, face au Racing Genk cette fois. Pourtant, son meilleur souvenir sous la livrée rouge et noir ne concerne ni l’une ni l’autre de ces joutes. Son moment suprême, il l’avait tout simplement vécu au préalable à Gand, pour les besoins de la 7e journée.

 » Toute ma famille avait fait le déplacement en Belgique afin de me voir à l’£uvre « , observe-t-il.  » En dernière instance, ma mère, malade et alitée, avait dû renoncer à rallier Gentbrugge. Qu’à cela ne tienne, elle avait quand même pu me voir à l’£uvre à la télévision, puisque la rencontre était diffusée en direct. C’est la toute première fois qu’elle suivait mes évolutions par le biais de la petite lucarne. Aux dires de quelques proches, qui étaient restés à ses côtés, elle en a pleuré d’émotion. Il est vrai que, voici quelques mois à peine, elle était loin d’imaginer qu’elle partagerait l’appartement de son fils cadet à Bruxelles. Moi aussi, d’ailleurs. A l’époque, mon horizon était tout à fait bouché. En juin, mon contrat était arrivé à échéance à Amiens et, comme je n’avais pas voulu rempiler, j’étais sur la paille. Je n’avais plus de quoi payer mon loyer et mes factures et j’ai dû séjourner chez mes parents ainsi que dans ma belle-famille pour nouer les deux bouts. J’ai galéré et ramé pendant toute cette période. Alors, pensez si ce qui m’arrive pour le moment est du pain bénit « .

Pourtant, au sein du club d’Amiens, sociétaire de longue date de la Ligue 2 française, tout avait bien commencé pour le néo Molenbeekois. Après avoir abouti là-bas à l’âge de 17 ans, en provenance des classes d’âge du FC Tours, il avait disputé une saison en Juniors avant d’être incorporé en Réserve. Sous la conduite de l’entraîneur Denis Troch, à Laval aujourd’hui, il avait par la suite réalisé la jonction avec la Première en cours de saison 2003-2004. Puis, plus rien. Entre-temps, Alex Dupont, ex-homme fort de Sedan avait repris le témoin chez les Picards et Mickaël Niçoise ne faisait pas partie de ses priorités. A sa place, il préférait titulariser Abdoulaye Baldé, futur meilleur buteur du club de la saison avec 7 buts à son compteur.

 » Au départ, j’avais été associé à David Suarez, qui évolue à Guingamp actuellement « , précise Niçoise.  » Notre collaboration en pointe, quoique je le dise moi-même, était une franche réussite. Dans un 4-4-2 très souple, je gravitais autour de Dave, qui était le joueur le plus avancé de l’équipe, un peu de la même manière que je le fais actuellement avec Igor De Camargo. En fin de championnat, les 17 goals qu’il avait paraphés tapèrent bien évidemment dans l’£il et mon compère partit à Toulouse. A sa place, c’est Adnan Custovic qui fut enrôlé. Il provenait de Laval, tout comme le nouvel entraîneur. Dans ces conditions, chacun comprendra qu’il avait une longueur d’avance sur moi à l’heure d’aborder la compétition. A priori, je pensais quand même avoir ma chance tôt ou tard. Mais Alex Dupont ne jurait que par le 3-5-2. Comme les deux postes à l’attaque étaient attribués, la seule place à pourvoir était sur le flanc droit. Mais je n’ai jamais eu l’âme d’un incessant navetteur. Au bout des matches aller, sans avoir bénéficié de véritable temps de jeu, je me le suis dès lors tenu pour dit « .

Arrêt de mort

Durant l’été 2004, avant que ne soient frappés les trois coups de la nouvelle saison, Mickaël Niçoise avait participé avec les promesses d’Amiens à un tournoi international pour moins de 20 ans. Un plateau où se retrouvait également les Anglais de Queen’s Park Rangers. Après l’épreuve, déjà, ceux-ci avaient fait un appel du pied au joueur, qui avait alors décliné l’invitation. Six mois plus tard, la donne avait bien sûr changé et notre homme prit la direction du club londonien. Un test concluant puisqu’en l’espace de deux rencontres amicales, il inscrivit autant de buts. Et l’affaire en resta là.

 » Les responsables de QPR souhaitaient louer mes services jusqu’en fin de saison, avant d’aviser sur mon sort « , souligne-t-il.  » Mais pour mes propres dirigeants, le président François Gossart en tête, il ne pouvait être question d’un prêt. C’était à prendre ou à laisser. Côté anglais, on ne voulait pas débourser de l’argent pour un élément dont le bail venait à expiration quelques mois plus tard. Aussi, le passage aux Iles resta lettre morte. Dans la mesure où j’avais mis tous mes £ufs dans le même panier, je n’avais pas d’autre alternative à ce moment. La mort dans l’âme, j’ai donc dû persévérer à Amiens. En dépit de mon statut de simple faire-valoir, les décideurs locaux ne voulaient toutefois pas entendre parler d’un joueur libre en bout d’exercice. Mais je pouvais à nouveau entrer dans leurs grâces à la condition expresse de rempiler. J »ai refusé ce manège. Du coup, j’avais signé mon arrêt de mort car j’ai joué les utilités jusqu’au terme de la saison « .

Libre de tout engagement à la fin du mois de juin, Niçoise prit contact, de manière tout à fait compréhensible, avec les Queen’s Park Rangers pour se recaser. Dans l’intervalle, les banlieusards londoniens n’étaient pas demeurés en reste et avaient privilégié d’autres options. Malgré l’un ou l’autre appels du pied, les candidats acquéreurs ne se pressèrent pas à son portillon et, dès le mois de juillet, l’intéressé grossit les rangs du QNFP, qui est à la France ce que les footballeurs sans frontières sont à la Belgique. Sans le sou, il dut se résoudre à délaisser son logement pour établir ses quartiers chez ses parents d’abord, à Chelles, dans la périphérie de Paris, puis chez ses beaux-parents. Un épisode qu’il n’est pas près d’oublier.

 » Il y avait sept ans exactement, à ce moment-là, que j’avais quitté le domicile parental pour tenter la grande aventure du football « , précise-t-il.  » Après avoir effectué mes tout premiers pas à Chelles, j’avais effectivement atterri au sport études du PSG avant de rallier Meaux, puis Tours et enfin Amiens. Ce retour à la case départ eut l’effet d’un uppercut pour moi. D’autres, plus chanceux, ont appris à voler de leurs propres ailes à cet âge-là. Moi, en revanche, je devais à nouveau vivre aux crochets de mes parents. A ce moment-là, on déroule inévitablement le film de sa carrière, histoire de savoir où l’on a bien pu fauter. Personnellement, j’avais le sentiment d’avoir fait le con au PSG. A 12 ans, j’étais un privilégié dans cet entourage huppé. Je n’y ai pas cru. A mes yeux, je n’avais aucune chance d’aboutir, entendu que les Sangermanois avaient la possibilité, chaque année, de délier généreusement les cordons de la bourse pour attirer de la main-d’£uvre étrangère. Dans ces conditions, pourquoi aurais-je fait l’affaire ? J’étais content d’être là et je me suis satisfait du minimum. C’était une fâcheuse erreur. De ma génération, seuls Bartholomew Ogbeche et Boukary Dramé sont toujours là de nos jours. Si j’avais cru en ma bonne étoile, peut-être serais-je toujours là aussi. Ce n’est qu’à Tours, où je me suis retrouvé à l’âge de 16 ans en CFA, que j’ai vraiment cru pour la première fois en ma bonne étoile. Un an plus tard, j me suis retrouvé à Amiens, où tout s’est déroulé comme dans un rêve jusqu’à l’arrivée d’Alex Dupont « .

Londonderry

Avec l’équipe du QNFP, dirigée par l’ex-mentor du FC Metz et du RC Lens, Joël Muller, Mickaël Niçoise multiplia les entraînements et les matches amicaux. Une seule offre concrète lui échut pendant tout ce temps, émanant des Irlandais du Nord d’Institute FC, un club de Londonderry. Après un test concluant là-bas, il fut proche d’un accord. Mais à l’heure de régler les dernières modalités de son départ d’en France, son manager, Christian N’Sengi, l’invita au même titre que son ex-coéquipier à Amiens, Jean-Paul YaoviAbalo à un essai au FC Brussels. La suite, chacun la devine.

 » Allez savoir pourquoi, mais j’ai d’emblée senti que cette opération de séduction-là était la bonne « , remarque l’attaquant molenbeekois.  » J’ai immédiatement ressenti de bonnes sensations par rapport au groupe et au staff technique. De plus, j’ai d’emblée eu le coup de foudre pour votre capitale. La Grand Place, c’est franchement magique. Je ne suis pas près d’oublier mon premier match pour le compte du FC Brussels. C’était à l’occasion d’une rencontre face aux Réserves de Beveren. Je n’en croyais pas mes yeux : je ne voyais que des frères de couleur dans les rangs de l’adversaire (il rit). De la sorte, j’ai donc fait connaissance avec la colonie ivoirienne du Freethiel. Ce soir-là, j’ai marqué mes premiers points précieux en trouvant pour la première fois le chemin des filets. C’était suffisant pour que je me voie proposer un contrat en bonne et due forme. J’étais fou de joie. Et heureux, aussi, pour ma copine, Catherine. Enceinte, elle se faisait du mouron quant notre avenir financier. Du coup, les doutes étaient balayés. Même si je n’ai pas un salaire mirobolant, j’ai tout de même mes apaisements à ce niveau. Après avoir été au chômage technique, j’ai vu enfin le bout du tunnel. C’était le plus important « .

Par la suite, Niçoise a poursuivi sur sa lancée. D’abord en empilant les buts en Réserve – six en sept rencontres – puis en s’affirmant de plus en plus en Première. Avec, en guise de point d’orgue, son goal au Kiel, synonyme de victoire pour les siens, et sa passe décisive à Igor De Camargo lors de la visite de Genk au stade Edmond Machtens. Avec un nouveau succès à la clé.

 » Le jeudi précédant cette partie, le Brésilien était venu manger chez moi « , précise Mickaël.  » A table, on avait bien rigolé. A un moment donné, je lui ai demandé le sel. Il m’a répondu : – Je veux bien te passer le sel mais à une condition : toi, tu me passes une balle de goal samedi. Ce qui s’est finalement vérifié. Au moment de l’accolade sur le terrain, je lui ai rappelé la scène. Il m’a répondu que dorénavant, nous ferions toujours une bouffe l’avant-veille d’un match. Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Jusqu’à présent, je n’ai pas encore regretté un seul instant ma venue ici. J’ai le sentiment d’être bien perçu, tant par mes partenaires que par le public, qui m’a manifestement à la bonne. J’espère, de mon côté, pouvoir contenter tout le monde le plus souvent possible. Mine de rien, je pense que le FC Brussels a un bon coup à jouer cette saison. Si on n’avait pas perdu bêtement contre le Cercle, l’équipe aurait été bien ancrée dans la première moitié du tableau. C’est ce ventre mou-là qu’elle doit viser. Tactiquement, grâce à la maîtrise d’ Albert Cartier, nous avons déjà su dérégler quelques fameuses mécaniques. Je songe à Anderlecht, Bruges ou même le surprenant Zulte Waregem. A aucun moment nous n’avons été bousculés contre elles. Ce qui nous manque, pour l’instant, c’est la faculté d’imposer nos vues face à des équipes à notre portée. On s’applique, semaine après semaine. Et si nous persévérons sur cette voie, je pense que le FC Brussels réussira au-delà des espérances cette saison « .

BRUNO GOVERS

 » mon regret ? avoir fait le con au PSG « 

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