« J’ai longtemps regretté le Standard »

Avait-il encore le niveau d’un grand club ou était-il maudit à Bruges ? Pendant deux saisons, le médian s’est demandé s’il avait eu raison de quitter Sclessin.

Karel Geraerts a connu trois belles années au Standard, son adversaire le week-end prochain. Au terme de son contrat, il a signé à Bruges, où il est durement retombé les pieds sur terre.

 » Franchement, j’aspire à mieux que ce que j’ai connu jusqu’à présent au Club. Ne me sentant pas heureux à Bruges, j’ai longtemps regretté de n’être pas resté au Standard. Heureusement, la donne a changé cette saison… Ma femme Els collectionne les coupures de presse : elle a deux fardes concernant un semestre au Standard et une seule en deux ans à Bruges. D’un côté, tout est positif, de l’autre négatif. De toutes manières, je vais savourer mon retour à Sclessin « .

Els intervient :  » A Bruges, c’était comme si Karel n’avait plus le niveau d’un grand club, d’un coup. La presse m’énerve parfois : elle encense un joueur puis le démolit, passant d’un extrême à l’autre. « 

Aujourd’hui, Geraerts est un des joueurs les plus réguliers du Club alors que la saison dernière encore, il semblait classé.

Etes-vous enfin heureux à Bruges ?

Karel Geraerts : Plus que la saison passée ! Jusqu’à cette période de l’année, ça allait encore puis nous avons été battus à Gand et j’ai été renvoyé sur le banc, devant me contenter d’entrées au jeu ici et là. Nous nous heurtions toujours à un mur et Jacky Mathijssen m’a dit qu’il préférait d’autres joueurs. Tout s’est dégradé en janvier : la situation de l’entraîneur et la mienne, celle de Laurent Ciman, sifflé par notre public, la tumeur du président, le changement de pouvoir…

Le Club a enrôlé deux médians axiaux à l’époque : Kruska et Vadis. Le problème venait de l’entrejeu, disait-on…

Il s’est d’abord situé sur le flanc. Le Club a acquis Vargas et Dirar et le problème s’est déplacé dans l’entrejeu. C’est un peu court… Selon moi, le problème n’était pas lié à un poste spécifique, il était global. J’ai toujours eu l’impression que le noyau possédait un large potentiel mais que le jeu était mauvais.

Eprouviez-vous encore du plaisir à vous entraîner ?

Pas autant que maintenant mais j’ai fait de mon mieux. Je ne suis pas de ceux qui oublient tout en quittant le terrain et en retrouvant ma famille. Jouer avec Jesse, ma fille, me distrayait, comme bavarder avec Els mais je n’oubliais nos problèmes. Il se passait tout le temps quelque chose au Club. Où que j’aille, il suffisait de lâcher le nom du Club pour entendre une litanie de critiques. Bruges n’était plus un grand club, ses footballeurs ne savaient pas jouer…

Habiter loin de votre famille, limbourgeoise, était-il pesant ?

Résider près du stade l’était bien plus ! J’entendais parler du Club chez le boulanger, partout… Habiter près du stade a ses avantages mais aussi ses inconvénients. Je téléphone souvent à ma famille, surtout à mon père, mais je retourne rarement au Limbourg car avec la petite, c’est un vrai déménagement. J’ai eu du mal à me vider la tête, la saison passée.

Vous avez aussi souffert d’un orteil pendant un an. Comment est-ce possible ?

Les médecins ne trouvaient pas de solution. J’ai avalé beaucoup d’anti-inflammatoires et reçu plusieurs infiltrations. Je pense que c’est un héritage du Standard : en fin de saison, j’avais reçu un ballon de Steven Defour sur le gros orteil et celui-ci s’est enflammé. J’en ai souffert pendant un mois et je me suis appuyé sur l’autre orteil. A la longue, cela a provoqué des problèmes. Même marcher était douloureux. J’ai des semelles orthopédiques maintenant et je ne souffre plus.

Bruges a même fini par douter de cette blessure.

Oui, surtout au début de la préparation. Nous avons décidé à l’unanimité qu’un mois de repos me ferait du bien. Je n’ai pas fait de sport en vacances mais l’avant-dernière semaine, je me suis quand même adonné à l’aquajogging. J’avais envie de bouger. J’ai rapidement compris que ça ne s’améliorait pas. Un spécialiste anversois m’a injecté un produit que j’ai dû laisser agir deux semaines, juste au début de la préparation… certains ont cru que c’était de la comédie. On ne me l’a pas dit en face mais je l’ai compris. A l’issue des deux semaines, j’ai repris l’entraînement et je n’ai encore raté aucun entraînement.

 » On combine mieux et on balance moins de longs ballons « 

Vouliez-vous partir ?

J’ai discuté avec quelques clubs. Je devais diriger l’équipe mais je ne me sentais pas assez bien. En outre, m’aurait-elle suivi à cette époque ? Nous n’avions pas de leaders naturels. J’ai connu Conceiçao et Runje au Standard. Ils étaient de vrais meneurs. Un moment donné, on n’arrêtait pas de dire que Ciman était abandonné. On cherchait des excuses et on a fini par créer des clans. Un sportif pense d’abord à lui-même mais cela ne le dispense pas de songer à l’intérêt de l’équipe.

Ne vous êtes-vous pas trop concentré sur les buts que vous vouliez marquer à tout prix ?

Je n’ai jamais ressenti ce besoin impérieux. J’ai été enrôlé en tant que renfort mais je me suis sacrifié en évoluant au milieu défensif, voire à l’arrière droit, au service de l’équipe, sans avoir le sentiment qu’on m’en soit vraiment reconnaissant. Jacky appréciait mon état d’esprit, il était très satisfait de moi mais d’autres répétaient que je ne marquais pas, que je n’atteignais même pas le rectangle. Beaucoup de gens me jugeaient mauvais.

Pourquoi avez-vous cessé de parler à la presse à un moment donné ?

Tout ce qu’on écrivait sur Bruges et sur moi était négatif. Quand ça allait bien, on ne venait jamais me trouver. Je comprenais qu’on me vise, puisque j’étais un joueur important, mais à la longue… J’ai préféré me taire puisque les gens interprétaient mal mes propos, imaginant que je me trouvais bon et que je critiquais les autres. Je ne voulais pas avoir l’air de chercher des excuses, puisque je ne jouais pas bien non plus.

N’auriez-vous pas dû être comme Perisic, travailleur, virevoltant, marquant ?

Peut-être. C’est ainsi que j’imaginais mon retour à Bruges. Je pensais arriver dans une équipe qui tournait et luttait pour le titre.

Ivan a le sens du but et court beaucoup. Quelle est la différence avec vous ?

On attendait sans doute moins de lui et il est arrivé dans une équipe qui tournait, qui dominait. Comme Koster, Mathijssen insistait là-dessus mais il n’a pu faire démarrer le moteur. Dirar, Blondel, Klukowski, Vargas et moi étions déjà là il y a un an… Mais nous combinons mieux et balançons moins de longs ballons en avant. Un seul joueur se débrouillait avec ces ballons : Salou. Nous sommes plus rapides et le danger survient de partout. L’année dernière, Sonck et Akpala assuraient l’essentiel de nos buts tandis que Leko marquait parfois sur coup franc. Actuellement, tous les joueurs sont susceptibles de marquer, les avants comme les médians. Nous jouons bien.

Quand avez-vous décidé de rester ?

A la fin de ma période de repos, Koster m’a exposé sa vision du football pendant une demi-heure. Il envisageait de procéder en 4-3-3 et me voyait à droite de l’entrejeu, ce qui est resté ma place dans le losange médian finalement adopté. Il m’a encouragé à faire mes preuves à l’entraînement. A l’issue de la première séance, il a insisté pour me conserver.

 » Nous avons aujourd’hui de la maturité « 

Koster semble avoir apporté une clarté qui faisait défaut ?

Oui. Chacun déclare qu’il veut développer un beau jeu mais Koster a placé l’accent là-dessus d’emblée alors que Jacky a insisté sur le physique au début. Je n’ai jamais connu d’entraîneur comme Koster, à part Sollied, peut-être. Il n’était pas non plus partisan de la course et de l’endurance. Koster travaille avec le ballon, en un temps, pour presser, ce qui requiert beaucoup d’énergie. C’est ainsi qu’il travaille la condition physique. Il veut aussi que nous tirions du mauvais pied à l’entraînement. Son 4-3-3 n’a pas fonctionné : nous étions pris par derrière. Il a adopté un système plus souple sans abandonner sa vision d’un jeu dominant. D’ailleurs, nous n’avons pas une équipe capable de jouer derrière : nous encaissons trop de buts dans ce cas.

Ne vous entraînez-vous pas moins ?

Nous sommes affûtés. Nous bénéficions de beaucoup de temps de récupération. Nous avons congé un jour par semaine, même quand nous jouons en Coupe d’Europe. C’est une première. L’entraîneur veut que nous puissions nous vider la tête.

Koster était réputé gentil mais il a été autoritaire dans ses interventions lors des incidents avec Dirar, Dahmane ou Kouemaha.

Il a été énergique. Il tolère un retard de quelques minutes, à condition que ça ne se reproduise pas. Certaines déclarations l’ont incité à réagir aussi. Je ne pense pas qu’il était fâché du contenu de l’interview de Kouemaha. Je peux comprendre le Camerounais : il a toujours été titulaire et Bruges semble lui avoir fait beaucoup de promesses.

Qui ? Pas l’entraîneur…

Non et précisément, Koster estime que ce genre de sujet doit être résolu entre quatre murs mais nuancé en-dehors.

Etes-vous satisfait de votre jeu ?

Je dispute une bonne saison et je vais retrouver le niveau que j’avais au Standard, voire le dépasser car l’équipe progresse. Un exemple : le match de Coupe contre Hamme. Dans le passé, nous avons souvent gagné avec du bol face à des formations de ce genre alors qu’ici, une équipe rajeunie a pris le match en mains. Anderlecht, le Partizan et Toulouse n’ont pas atteint leur niveau contre nous. Nous avons de la maturité. Je suis heureux à Bruges, ce que je n’aurais pas cru possible il y a quatre mois. Je ne doute plus.

par peter t’kint – photos: jelle vermeersch

Je vais savourer mon retour à Sclessin.

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