« J’ai le sang chaud »

Il est international albanais à part entière mais pas certain de rester en Belgique.

Charleroi a peut-être assuré son maintien au prix d’une superbe deuxième période contre Lokeren. Un exploit qui, à l’image du nul de début de saison contre le Standard ou de la victoire à Bruges, prouve bien que le Sporting est parfois capable du meilleur, mais trop souvent du pire.

« La grande vérité du football est dans les chiffres et, malheureusement, ceux-ci n’ont jamais reflété le bien que l’on a pu dire de nous », dit Adrian Aliaj. « Pourquoi sommes-nous mal classés? Parce qu’on a trop fait confiance à des joueurs qui ne le méritaient pas. Parce que nous avons multiplié les erreurs basiques. J’ai fréquenté les écoles de football: je sais quand on peut tackler ou pas. Ici, j’ai vu des joueurs se jeter dans les pieds de l’adversaire en plein rectangle. Cela nous a coûté des points, nous avons perdu des tas de matches après avoir mené au score. Nous avons eu un début de saison difficile. Je ne sais pas quelles étaient les ambitions de Charleroi mais on voyait bien qu’il manquait quelque chose à cette équipe, surtout au niveau de l’expérience. Il nous a fallu beaucoup de temps pour trouver le bon rythme. De plus, j’ai vu des choses peu professionnelles dans le comportement de certains joueurs. On aurait dit une bande d’amateurs. Dante Brogno a ramené du sérieux en dehors du terrain et le comportement de certains à l’entraînement et en match s’est bonifié.Malgré cela, il est dommage de devoir compter sur les problèmes de Lommel et de Malines pour se sauver. Le public carolo mérite mieux. Lui, il rivalise avec celui de Genk, d’Anderlecht et du Standard. Peut-être veut-on aussi trop le gâter: dans notre situation, on devrait se permettre de fermer et de repartir en contre mais souvent, on veut faire le jeu. Regardez La Louvière: ce n’est pas beau à voir, mais c’est efficace ».

« Il y a beaucoup d’hypocrites »

Depuis qu’il a débarqué chez nous, Aliaj a toujours eu son franc-parler. Cela lui a valu pas mal d’inimitiés, d’autant que ses débuts en Belgique ne furent pas fracassants. Mais il a beaucoup progressé, son jeu a pris du volume.

« J’ai acquis de l’expérience et de la force physique, cela joue un grand rôle dans la régularité d’un joueur. Et puis, je me suis libéré. Tout a commencé la saison dernière avec l’arrivée d’ ArielJacobs à La Louvière. Avant cela, je m’étais retrouvé dans le noyau B parce qu’il fallait faire place aux joueurs amenés par Daniel Leclercq. M. Jacobs m’a appelé dans son bureau et m’a dit qu’il allait me donner une chance, que ce serait à moi de la saisir. Je n’avais pas besoin d’en entendre davantage pour savoir que je reviendrais. En fin de saison, je me suis retrouvé sans contrat et je suis allé courir tout seul dans les bois pendant six semaines, chaque matin. Je vous assure que j’en ai vu et que j’ai compris que celui qui avait raison, c’était Tomislav Ivic: on n’obtient rien sans travailler. Pendant cette période, personne ne m’a aidé, sauf Youri Selak, qui m’a proposé au Sporting. Je suis donc très reconnaissant à M. Bayat d’avoir écouté ceux qui lui ont conseillé de me prendre. Et je ne crois pas que le club puisse dire qu’il a fait une mauvaise affaire. En tout cas, je peux regarder tout le monde dans les yeux ».

Aliaj s’est également assagi. La peu flatteuse réputation de bagarreur et de joueur impulsif qui le poursuivait s’estompe petit à petit. Même s’il reste fier de son caractère. « Mon gamin a quatre ans, déjà une belle petite frappe du gauche et un caractère bien trempé. Je vais le conseiller, le guider, mais jamais je ne voudrais qu’il perde cette qualité. Car c’est important en football. Maintenant, il est vrai que j’étais très impulsif lorsque j’ai débarqué ici. Je venais d’un pays où on a le sang chaud et j’ai dû m’adapter. De plus, les problèmes de langage créaient parfois des malentendus. Maintenant, je parle parfaitement le français, il n’y a plus de problème de ce côté. Mais dans un vestiaire, il y en a toujours qui n’aiment pas que l’on parle, d’autres qui s’empressent d’aller répéter à l’entraîneur. Ces gens-là sont des hypocrites et il y en a un paquet en Belgique, où on fait davantage attention à ce qui se passe en dehors du terrain que sur celui-ci. Quand je suis arrivé, on m’avait dit que je devais me méfier de tout, même de la façon dont je disais bonjour aux gens en arrivant dans le vestiaire. Je n’y croyais pas mais, malheureusement, c’était la vérité. Ici, on ne dit rien. Un jour, nous avons eu une réunion avec Etienne Delangre et Abbas Bayat pour essayer de résoudre les problèmes du club. Tout le monde regardait à terre. J’ai pris la parole et j’ai dit: – Allez, les gars, on est ici pour trouver une solution, il faut dire ce qui ne va pas. J’ai donné mon avis et cela a étonné le président. Il s’est tourné vers les joueurs en demandant que ceux qui avaient un contrat de deux ou trois ans devraient avoir autant de personnalité que moi, qui n’avais pourtant signé que pour un an ».

« Tout le monde n’est pas fait pour l’Italie ou l’Espagne »

Une fois de plus, Aliaj arrive en fin de bail. Cette fois, cependant, il se montre beaucoup plus optimiste que la saison dernière au même moment. « Tous les clubs ont des problèmes financiers mais j’ai la nationalité belge et je suis international albanais à part entière. Je ne sais pas si Charleroi compte encore sur moi, j’aimerais qu’on me le dise le plus tôt possible mais je sais que le club a d’autres chats à fouetter pour le moment. Sinon, j’aimerais tenter ma chance dans un autre championnat car c’est le moment de franchir un palier, tant sur le plan sportif qu’au niveau financier. Lorsque je suis arrivé ici, il y avait des vedettes comme Zetterberg, Köller ou Mpenza dans ce championnat. Maintenant, le niveau a terriblement chuté. Je pourrais aller en Allemagne, où j’avais signé à 18 ans, à Hanovre. Mais à ce moment-là, j’étais trop jeune. L’équipe a chuté en D3 et j’ai perdu un an et demi au lieu de progresser. Par contre, je suis très heureux d’être revenu en Belgique, même si j’aurais peut-être mieux fait de connaître Charleroi avant le Standard. La pression était trop forte à Sclessin. Même un vieux serviteur comme Guy Hellers n’y a pas résisté. Et moi, j’étais encore un gamin qui venait d’être opéré aux adducteurs. J’ai passé des moments difficiles mais je me suis accroché, je n’ai jamais douté de mes qualités et je joue à un bon niveau. Tout le monde n’est pas fait pour l’Italie ou l’Espagne non plus ».

Patrice Sintzen

« J’ai vu des comportements bizarres dans le noyau: on aurait dit une bande d’amateurs »

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