» J’ai la passe dans le sang « 

Ménagé au Parc Astrid, le Français veut prendre ce qui est à sa portée cette saison et frapper un grand coup la saison prochaine.

Le Standard a clairement défini ses objectifs : troisième place et Coupe de Belgique ; dans l’optique de la demi-finale retour de ce mercredi soir contre La Gantoise, où il faudra remonter un handicap d’un but, Dominique D’Onofrio avait choisi de laisser souffler plusieurs de ses cadres à Anderlecht. A l’image de Franck Berrier, heureux papa d’un petit Yanis depuis la semaine dernière, qui ne figurait même pas dans les 18. Ce qui n’a pas empêché les Rouches de s’imposer méritoirement 1-3.

Franck Berrier : Le Standard, cette saison, ce n’est pas seulement 11 joueurs mais un vrai groupe. Dans la plupart des équipes, lorsque plusieurs joueurs-clefs sont absents, cela pose problème. Pas au Standard, la situation est très bien gérée. Depuis mon arrivée, il règne une superbe ambiance dans le vestiaire, et c’est grâce à cette ambiance qu’on a finalement réussi à accrocher les PO1 in extremis. Les joueurs qui jouent peu, comme Réginal Goreux, Koen Daerden, Aloys Nong et d’autres, s’efforcent de ne pas la gâcher. Et lorsqu’on fait appel à eux, ils répondent présent. Ce fut encore le cas dimanche. Perso, j’accepte d’autant plus facilement de me retrouver sur le banc, que je reviens de blessure. Si le coach me titularise, je suis heureux. S’il ne m’offre que dix minutes de jeu, je suis heureux aussi. Et j’essaie de les mettre à profit pour apporter quelque chose. Je connais parfaitement mon corps et je sais que je ne suis pas encore capable d’enchaîner quatre ou cinq matches complets.

A 100 % la saison prochaine

Vous avez l’air de prendre chaque minute de jeu comme une renaissance sportive…

Oh que oui ! Cela faisait près d’un an que je n’avais plus touché de ballon. On m’avait prédit huit mois d’absence, j’ai dû en attendre onze. Dans ce genre de blessure ( NDLR : rupture des ligaments croisés avec ménisque touché), il y a toujours l’une ou l’autre complication. Alors, forcément, le simple fait de me retrouver sur une pelouse me fait un bien fou au moral. Certains joueurs ne s’en remettent jamais. J’ai passé des moments difficiles, d’autant que c’était la première blessure sérieuse de ma carrière. Je n’ai toutefois jamais désespéré. Je suis d’un naturel optimiste et je savais qu’un jour, je verrais le bout du tunnel. Et puis, pendant la convalescence, il y a toujours des objectifs à atteindre, mois par mois. Cela permet d’avancer tout doucement.

Le club n’a jamais été impatient ?

Non, le Standard ne m’a jamais mis la pression pour revenir le plus vite possible. Aujourd’hui encore, on me demande de signaler chaque fois que je ressens une petite douleur, car on ne veut prendre aucun risque. Et des petites douleurs, j’en ressens encore, c’est normal. Avec ce genre de blessure, ces douleurs peuvent perdurer deux à trois ans. Mon objectif est d’être tout à fait au point pour le début de la saison prochaine. D’ici là, je veux prendre tout ce qu’il y a moyen de prendre en cours de route. Actuellement, il y a des jours où je me sens vraiment bien, comme lors du match à Charleroi, où j’ai tenu 90 minutes en travaillant beaucoup, en perdant peu de ballons et en étant efficace sur les phases arrêtées. D’autres jours, en revanche, j’ai un peu plus de mal. Quand j’ai enchaîné Charleroi puis Gand en Coupe, j’ai ressenti une petite douleur au genou. Mon état de forme varie très fort. Parfois je m’estime à 100 %, parfois seulement à 60 ou 70 %.

Vous en voulez à Koen Daerden ? C’est lors d’un choc fortuit avec lui, lors du match Zulte-Standard à l’avant-veille des play-offs 2009-2010, que vous vous étiez blessé, non ?

Koen n’avait rien à se reprocher. Je me suis blessé tout seul.

Et vous revenez à la même période, un an plus tard !

Ces play-offs que j’ai loupés la saison dernière avec Zulte Waregem, je les jouerai maintenant avec le Standard. Avec quel objectif ? On ne se met aucune pression. Dans ce tournoi, le Standard n’est qu’un outsider. On l’a abordé avec huit points de retard sur Anderlecht. Il n’y en a plus que cinq vis-à-vis des Mauves, mais toujours sept vis-à-vis de Genk. On ne doit pas rêver du titre, même si mathématiquement il est toujours à notre portée. Il sera important de terminer 3e, voire 4e,, car ces places sont qualificatives pour l’Europe.

Comment jugez-vous les PO1 ?

Bien plus disputés que la saison dernière. On y retrouve les six meilleures équipes belges. J’inclus Lokeren dans le lot, car il mérite d’y être après la saison qu’il a livrée. Je ne peux pas dire qu’une équipe m’impressionne plus que d’autres. Toutes ont leurs chances. Y compris le Standard, qui retrouve un noyau complet au meilleur moment. Il n’y a plus que Cyriac à l’infirmerie. Dommage que Zulte Waregem ait loupé le bon wagon, mais un club de ce calibre ne peut réaliser un tel exploit chaque année. Il gardera toujours une place à part dans mon c£ur, car c’est là que j’ai définitivement lancé ma carrière. J’avais déjà 25 ans, mais mieux vaut tard que jamais.

On dit que sans cette blessure qui a coupé votre élan, vous ne seriez peut-être pas au Standard… mais déjà beaucoup plus haut. Vrai ou faux ?

J’avais beaucoup de contacts : trois ou quatre en Allemagne, deux ou trois en France, deux ou trois aux Pays-Bas, deux en Belgique. Je ne citerai pas le nom des clubs, mais c’était du concret, puisque c’est Vincent Mannaert, l’ancien directeur sportif de Zulte passé entre-temps au Club Bruges, qui m’en a informé. Plusieurs de ces propositions étaient très intéressantes. Mais, après ma blessure, le Standard était le seul qui était encore disposé à me faire confiance. Je lui en suis reconnaissant. Ce que je voulais avant tout, c’était de franchir un cap, et c’est ce que j’ai fait. Dès que je suis arrivé en Belgique, le Standard a toujours été le club qui m’interpellait. Peut-être à cause de l’ambiance, qui me rappelle celle de Marseille, le club dont je suis supporter. En plus, le Standard m’avait déjà contacté en 2009 : à l’époque, je voulais encore confirmer avant de quitter Zulte. Et d’ailleurs, le club n’était d’ailleurs pas vendeur.

La Ligue 1 n’est pas une obsession

Etes-vous devenu meilleur en Belgique ?

Je ne sais pas, c’est difficile à dire. Je suis peut-être devenu un peu plus travailleur, plus professionnel à l’entraînement, mais mon style de jeu était déjà identique lorsque je jouais en France. Chaque saison, je totalisais une dizaine de buts et une vingtaine de passes décisives. Evidemment, c’était en National (la D3). Je n’ai pas eu la chance d’être repéré plus tôt et de partir vers un meilleur club. Pourquoi ? Je l’ignore. En France, il y a beaucoup de joueurs comme moi. A un moment donné, il faut avoir un petit brin de chance et tomber sur un coach ou un recruteur qui vous apprécie. A Zulte, j’ai simplement confirmé mes deux saisons précédentes, mais comme c’était dans un club de D1, je ne suis plus passé inaperçu. Quand j’ai joué six matches de Ligue 1, j’étais encore trop jeune. Je n’avais encore que 19 ans et je ne pouvais pas encore marquer les rencontres. Pourrais-je retourner en Ligue 1 plus tard ? Peut-être à 35 ans, mais je n’en fais pas une obsession. Si je termine ma carrière à l’étranger, ou même en Belgique, j’en serai très heureux aussi. Je suis un meneur de jeu, et il en faut dans toutes les équipes.

On se demandait un peu quelle place vous occuperiez au Standard. Les milieux créatifs ne manquaient pas : Steven Defour, Axel Witsel, Mehdi Carcela, voire Tom De Mul.

La concurrence ne m’a jamais effrayé. Au contraire, elle fait avancer. Je pars du principe que, si on recrute un joueur, c’est parce qu’on a confiance en lui. Je suis conscient, également, que lorsqu’on débarque dans un nouveau club, on redémarre de zéro. Le rôle qu’on m’a confié jusqu’à présent est un peu différent de celui que j’avais à Zulte. Plus désaxé. C’est logique, lorsqu’on a un duo comme Defour et Witsel dans l’axe. J’avoue que je préfère un rôle plus axial, mais je peux aussi jouer milieu droit, milieu gauche ou milieu récupérateur devant la défense. Il n’y a pas de souci. La saison prochaine, pourquoi ne pourrais-je pas évoluer dans un rôle plus axial ?

Comment êtes-vous devenu un spécialiste de la passe décisive ?

Lorsqu’on a la passe dans le sang, ce qui est mon cas, on trouve très vite la manière dont il faut servir le partenaire. Avec Mémé Tchité, c’est très facile. Au bout de trois semaines d’entraînement, je le connaissais par coeur. Mbaye Leye, je le connais depuis Zulte. Avec Nong, après un temps d’adaptation, cela allait aussi. Et avec Carcela, ce n’est pas plus dur. C’est un joueur qui cherche toujours à s’amuser, qui aime jouer dans des espaces réduits, puis qui décide tout à coup d’accélérer.

 » Pas besoin de relations amicales avec son coach « 

Où en est votre entente avec Defour et Witsel ?

Depuis que Steven est revenu, l’équipe se porte mieux. Au-delà de ses qualités footballistiques, il y a son caractère, sa personnalité, son charisme. Rien qu’avec son charisme, il apporte un plus, même si dans le jeu il est parfois un peu fatigué. Quant à Axel, il est actuellement en pleine forme. Dans une saison, il y a toujours des périodes où l’on est au top, et pour lui cela arrive maintenant. Je pense que les moments difficiles qu’il a traversés sont définitivement derrière lui. Il a passé le cap. Le fait que Marcin Wasilewski rejoue lui a sans doute ôté un poids. Il a retrouvé une certaine sérénité, et depuis trois mois il est vraiment bien.

Mais comment allez-vous définitivement vous intégrer ?

Je ne pourrai sans doute jamais avoir au Standard les statistiques que j’avais à Zulte. Simplement parce qu’il y a davantage de joueurs capables de faire la différence. A Zulte, le jeu reposait essentiellement sur Kevin Roelandts et moi. Les autres couraient autour pour qu’on leur donne le ballon.

Et ce fameux style de jeu, basé sur les longs ballons : seulement un cliché ?

Par moments, c’est vrai qu’on joue plus direct, mais quand on est bien dans un match, on commence à mieux faire circuler le ballon. Ce fut souvent le cas lors des dernières semaines, et quand on parvient à ouvrir la marque assez rapidement, cela facilite encore les choses.

Bon, mais ce type de jeu amène bien des critiques envers Dominique D’Onofrio : justifiées ?

C’est toujours plus facile de s’en prendre à un entraîneur qu’au groupe de joueurs dans son entièreté. Personnellement, je m’entends bien avec Dominique. Il me connait très bien, sait ce que je peux apporter à l’équipe. Un entraîneur qui connait bien ses joueurs, c’est déjà très important, car ce n’est pas le cas de tous les coaches. On n’a pas besoin de relations amicales avec son entraîneur, l’essentiel c’est la gestion sportive.

PAR DANIEL DEVOS

 » Avant ma blessure, j’avais beaucoup de contacts avec des clubs étrangers. « 

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