« J’ai la hargne, pas la haine »

Le Liégeois vient de terminer sa première saison complète sur le grand circuit. Deuxième étape : un bon parcours dans un tournoi du Grand Chelem.

C’est au Centre AFT de Mons, au Grand Large, que nous avons pris rendez-vous avec Steve Darcis. A l’heure dite, le 61e joueur mondial apparaît, en courant, sous la bruine.

Quand vous vous retrouvez ici, sous la pluie, vous n’avez pas envie de vous installer en Espagne… ou en Floride, comme vont le faire les frères Borlée ?

Steve Darcis : Non, vraiment pas. La structure est parfaite, je suis super bien encadré, je ne pourrais pas l’être mieux.

La pluie ne vous dérange pas ?

Si mais bon, cela fait partie de la vie en Belgique. Parfois, ce n’est pas très gai de se lever quand il fait mauvais mais, honnêtement, je ne m’installerai jamais ailleurs.

Vous venez de terminer votre première année complète sur le grand circuit. Quelles en ont été les grandes satisfactions et déceptions ?

Au niveau des satisfactions, il y a bien entendu ma victoire à Memphis et le fait d’avoir atteint mon objectif qui était de terminer l’année aux alentours de la 50e place. Mon premier flop a été ma rencontre face à Lleyton Hewitt (AUS, ATP 67) à l’Australian Open. Je l’ai complètement ratée alors qu’il s’agissait de ma première apparition sur un grand terrain ! Mon premier tour en simple aux Jeux m’a également franchement déçu – NDLR : il a été battu d’entrée par le Chilien Fernando Gonzalez – avec Olivier Rochus, il a été éliminé en double au deuxième tour par les Russes Davydenko-Andreev).

Six mois plus tard, comment analysez-vous cette polémique autour de votre participation olympique ? Pourquoi vous êtes-vous rebellé contre votre non-sélection ?

Cela a été très dur car j’estimais avoir ma place. J’avais gagné un tournoi et j’étais dans le Top 50. Dans ma tête, il était évident que je devais être aux JO.

Certes, mais plus en simple qu’en double, non ?

Evidemment, je devais être envoyé pour le simple. Et, en étant présent pour le simple, je devais aussi jouer le double avec Olivier Rochus (ATP 122).

Pourtant, la polémique a tourné autour du double, pas du simple. Et votre action juridique concernait le double, non ?

Pas du tout, ce sont les journalistes qui ont écrit sur le double mais nous, nous pensions qu’il était logique que nous soyons sélectionnés pour le simple et, par conséquent, que nous jouions aussi le double. Qui plus est, on nous a reproché de ne pas jouer en double assez souvent mais, avec nos classements, ce n’était pas évident d’entrer dans les tableaux.

Vous auriez tout de même pu disputer le tournoi de Wimbledon ensemble, non ?

Oui, mais Oli était blessé à l’épaule et ce n’était pas très prudent pour lui de s’aligner. Les reproches qui nous ont été faits n’étaient pas justifiés.

Cette polémique vous a-t-elle fortement perturbé ?

C’était tout de même assez dur, oui. Cela m’a coûté beaucoup d’énergie et, surtout, nous n’étions pas dans les meilleures conditions pour disputer les Jeux.

Vous avez dit avoir été très bien accueilli par les autres athlètes. Vous maintenez ?

Oui, c’était très sympa.

Vous souriez en disant cela…

Non, non, ils ont été très sympas mais il était dommage d’avoir dû en arriver à tout ce ramdam.

Avez-vous ressenti que certains espéraient que vous perdiez ?

Non, je ne l’ai pas senti mais je pense que certains l’ont pensé.

 » J’ai été de moins en moins mauvais en Grand Chelem « 

Venons-en aux Grand Chelem. Vous n’avez toujours pas réussi une bonne levée.

Non, c’est vrai, je n’ai encore rien prouvé du tout à ce niveau. Je n’ai gagné qu’un seul match mais bon, je trouve que, de tournoi en tournoi, j’ai été de moins en moins mauvais. Au début, lors des mes premiers Grand Chelem, j’étais tout de même impressionné par l’environnement. Face à Hewitt, j’avais peur de ne pas tenir la distance au niveau physique et je suis passé à côté. Contre David Ferrer (ESP, ATP 12) à Paris, j’ai été breaké trois fois, sans plus. Contre Marcos Baghdatis (CYP, ATP 99) à Wimbledon, j’ai été un peu volé, mais j’ai eu des occasions. Puis, à l’US Open, j’ai battu l’Allemand Denis Gremelmayr (ATP 74) par miracle puisque je ne savais pas courir et, au deuxième tour, contre James Blake (USA, ATP 10), je savais que je ne terminerais pas le match et j’ai tout de même mené un set à zéro. Non, franchement, je commence à m’en sortir de mieux en mieux.

Que vous manque-t-il aujourd’hui pour être plus constant ?

Je n’ai pas perdu beaucoup de matches contre de mauvais joueurs mais je ne suis pas encore régulier. Si je peux progresser dans tous les domaines, je dois surtout arrêter de donner des points inutiles. Parfois, je donne même un jeu par set. Je dois aussi être aussi plus rigoureux dans ma tête.

Moins gentil ?

Sur le court, je ne suis pas aussi gentil qu’en dehors.

Vous arrivez à détester votre adversaire ?

Je ne suis pas certain que ce soit réellement indispensable de détester son adversaire. On n’a pas besoin d’être méchant pour bien jouer. Sur le terrain, j’ai la hargne, mais pas la haine. Ce qui est certain, c’est que je vais m’arracher jusqu’au bout.

Quel niveau pouvez-vous atteindre ?

Cela dépend de beaucoup de choses mais je devrais pouvoir monter à la 30e place et m’y maintenir.

 » Nadal, c’est la star de l’année « 

Quelles sont pour vous les événements tennistiques de l’année ?

La victoire de Rafael Nadal (ESP, ATP 1) à Wimbledon a été un grand moment pour le tennis car on pensait que Roger Federer (SUI, ATP 2) était imbattable sur gazon. Mais Nadal qui gagne Roland Garros, puis le Queens et Wimbledon, c’est tout bonnement incroyable.

C’est un extraterrestre ?

Oui, je pense. Il a des qualités physiques incroyables et sait tout faire avec une balle. S’il n’a pas de pépin physique, il sera longtemps intouchable.

C’est le plus fort ?

Oui, Federer a parfois des trous. Lui, pas.

Vous croyez en Andy Murray (GBR, ATP 4) et Novak Djokovic (SRB, ATP 3) ?

Ils sont encore super jeunes mais, à long terme, ils devraient réussir à rivaliser avec Roger et Rafael.

Vous ne croyez pas aux Français ?

Si, Jo Wilfried Tsonga (ATP 6) peut, s’il ne se blesse pas, entrer dans les 5. Il sert comme un fou et est impossible à dépasser.

Un parcours comme celui de Gilles Simon (ATP 7) doit vous motiver, non ?

Il a motivé plein de joueurs qui, comme moi, ne pensaient pas qu’il exploserait à ce point-là. Mais je ne suis pas certain qu’il pourra rester très longtemps à ce niveau.

Il y a aussi eu le retrait de Justine Henin. En avril, vous nous disiez qu’elle et Kim Clijsters avaient fait de l’ombre aux joueurs belges. Aujourd’hui, êtes-vous davantage sous les feux de l’actualité ?

Non. Justement, c’est l’inverse. Il n’y avait par exemple aucun journaliste belge à l’US Open…

Cela vous a fait râler ?

Oui, tout de même. Cela fait dix ans que les journalistes suivent les Grands Chelems et là, tout d’un coup, il n’y avait plus personne. On était tout de même quatre Belges dans le tableau final. OK, c’est nettement moins bien qu’il y a quatre ou cinq ans mais pour la Belgique, cela reste très correct.

Le départ de Justine vous a surpris ?

Oui. J’étais dans mon divan quand j’ai entendu la nouvelle. J’étais sur le cul. Je pensais que c’était une blague. Je comprends qu’elle soit épuisée mais je n’ai pas compris le moment de son départ, juste avant Roland et les Jeux.

Elle est à peine plus âgée que vous…

Oui, mais nos carrières ne sont pas comparables. D’une part, les joueuses commencent plus tôt et d’autre part, il n’y a que deux ans que je suis sur le grand circuit. Mes plus belles années sont devant moi. Elle avait tout connu et tout gagné.

Elle est une star. Et vous ?

( Il rit) Non, pas du tout. Je peux me promener dans la rue sans que personne ne me reconnaisse sauf, peut-être, à Liège. Quand je dis mon nom, les gens savent parfois qui je suis mais mon faciès est inconnu.

Steve Darcis est né le 13 mars 1984 à Liège.

Droitier, 1,77m et 73kg. Revers à une main, gros service et tendance offensive.

Ancien joueur de foot du Standard (mais fan d’Anderlecht…) il opte pour le tennis à 11 ans. Est passé en moins d’un an de la 475e ATP (le 9 avril 2007 !) jusqu’à la 47e place cette année. Pour ce faire, il a gagné les tournois d’Amersfoort en juillet 2007 et Memphis (indoor) en mars 2008 et atteint la finale de celui d’Amersfoort en 2008. Sans oublier le Challenger indoor d’Helsinki en novembre 2007.

61e joueur mondial la semaine dernière.

par patrick haumont – photos: reporters

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