» J’ai l’impression d’être un brin d’herbe « 

Tu es un jeune sportif ambitionnant de donner un élan à ta carrière ? Marc Herremans et Cédric Dumont aident les talents en herbe. Cette semaine, place au skiffeur Hannes Obreno (23), vice-champion du monde chez les espoirs l’année dernière et huitième du récent Mondial.

Hannes Obreno :  » Les Jeux de Rio constituent mon premier objectif. Si je me classe parmi les neuf premiers au Mondial d’Aiguebelette, l’année prochaine, je serai assuré de ma qualification. Ce ne sera pas facile mais j’ai quand même terminé huitième du championnat du monde d’Amsterdam, récemment, et il y a fort peu de chances pour que de nouveaux noms apparaissent subitement.

Ma progression a été spectaculaire ces dernières années. L’année passée, j’ai remporté la médaille d’argent au Mondial pour espoirs, accessible aux moins de 23 ans. Il y a peu, j’ai été cinquième à l’EURO et huitième au Mondial, alors que j’espérais une place parmi les douze meilleurs, sans plus. C’est d’autant plus formidable pour moi qu’un seul des douze demi-finalistes était plus jeune que moi : le Suisse Barnabe Delarze. Le constat est d’ailleurs surprenant : les skiffeurs qui ont atteint la finale des derniers Jeux et gagné des médailles participaient au Mondial d’Amsterdam et ils vont sans doute poursuivre leur carrière jusqu’à Rio.

 » Le temps joue en ma faveur  »

Le nouveau champion du monde, le Tchèque Ondrej Synek, a 32 ans. Il a gagné la médaille d’argent aux Jeux de Pékin et de Londres tandis que Mahé Drysdale, le champion olympique néo-zélandais de Londres, a 36 ans et a terminé deuxième du Mondial. L’Allemand Marcel Hacker accuse un an de plus. Il a gagné une médaille de bronze à Sydney, quand j’avais neuf ans. C’est une des idoles de mon enfance… Voir toutes ces vedettes de près m’a fait quelque chose. Ils sont tous trentenaires mais aussi plus grands et plus forts que moi. Je mesure 1m84 et je pèse 84 kilos. Je dois donc encore gagner en masse musculaire. Parfois, j’ai l’impression de n’être qu’un brin d’herbe.

Le temps joue en ma faveur. Je possède encore une marge de progression, contrairement à eux. A l’EURO, quand j’ai gagné mon repêchage, privant ainsi Olaf Tufte, champion olympique à Athènes et à Pékin, des demi-finales, j’ai presque eu l’impression de lui devoir des excuses ! Je dois peut-être m’endurcir mais ce n’est pas dans mon caractère.

J’ai commencé à ramer parce que mon frère, Thijs, était affilié au club d’aviron de Bruges. Comme j’étais tout petit, l’entraîneur m’emmenait dans son bateau à moteur. Je rame déjà depuis quinze ans. Comme tous les garçons, j’ai joué au foot et j’ai même été membre du club de krachtbal de Dudzele, avec quelques copains mais ce n’était pas mon truc. (C’est un jeu de balle brugeois, ndlr).

 » J’ai toujours tenu bon  »

J’aimais ramer, par contre, sans savoir pourquoi. L’aviron ne comporte pas d’élément ludique, l’environnement est toujours le même et le mouvement est monotone. En avant, en arrière. Tout ça trois à quatre fois par semaine, dès mon plus jeune âge. En hiver, il fallait parfois serrer les dents. Monter en bateau sous la pluie et dans le froid n’est pas toujours marrant. Beaucoup de jeunes arrêtaient d’ailleurs pendant cette période mais moi, j’ai toujours tenu bon.

Il y a deux ou trois ans, j’ai été envahi par le doute car j’ai eu des problèmes de poids et j’ai dû passer dans la catégorie des poids lourds, en +72 kilos. Continuer avait-il encore un sens ? Mais l’année suivante, j’ai terminé quatrième du Mondial pour espoirs, puis deuxième la saison passée. Ces résultats sont quand même significatifs car la plupart des ténors actuels sont jadis montés sur le podium aux championnats du monde pour espoirs. Certains à l’âge de 19 ans, d’autres, comme moi, plus tard.

Je suis un vrai skiffeur. On peut rigoler un coup avec les autres quand on rame à plusieurs mais le risque de conflits est également plus important et puis, à la longue, qu’a-t-on encore à se dire ? Si je pouvais rejoindre un bateau d’équipe qui soit plus performant sur la scène internationale que moi en skiff, je réfléchirais mais la question ne se pose pas pour le moment.

 » J’aime être seul  »

J’ai gagné le quatre de couple avec mon frère et deux juniors en championnat de Belgique et l’année précédente, j’ai gagné en compagnie de trois juniors. Ça en dit long sur le niveau de notre sport en Belgique. Il est donc trop tard pour former une équipe en prévision des Jeux de Rio mais c’est peut-être possible pour 2020, avec quelques rameurs qui sont encore juniors actuellement.

J’aime être seul dans mon bateau. Je peux compter sur les doigts d’une main les jours où je n’ai pas envie de m’entraîner. L’année dernière, ça m’est arrivé une fois mais après deux jours, je suis remonté dans mon bateau. Une fois par an, ce n’est pas dramatique, hein ? Je suis très heureux de travailler depuis un an avec Dirk Crois. Ancien sélectionneur, il a aussi gagné une médaille d’argent avec Jean-Marie Deloof aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1984. Dirk peut améliorer ma technique et surtout, c’est agréable d’être suivi de près à l’entraînement et de se faire taper sur les doigts quand il le faut.

J’étudie l’architecture à Ostende. C’est une branche qui me permet de combiner études et entraînements. Le Bloso m’a offert un contrat d’étudiant dont je suis plus que satisfait. Il ne faut pas faire de l’aviron dans l’espoir de devenir riche. On ne peut gagner d’argent qu’à la Coupe hollandaise d’Amsterdam. 3.000 euros pour le vainqueur, 1.500 pour son dauphin et 750 pour le troisième. A nos yeux, ce sont des montants énormes. L’année dernière, j’ai été deuxième derrière le Néerlandais Roel Braas mais devant Drysdale.

 » Pas de hamburger  »

Dans les grandes lignes, je suis le programme d’entraînement de l’Allemand de l’Est Harald Jährling, qui a été sélectionneur il y a quelques années. C’est un problème ici : un nouveau sélectionneur apporte en général des idées nouvelles, de sorte qu’il faut changer de programme presque chaque année. Cela engendre parfois des tensions avec l’entraîneur national, le FrançaisDominique Basset, mais je fais ce qui me permet de progresser et ce en quoi je me sens bien. J’essaie également de surveiller mon alimentation car avant, je ne résistais pas à un hamburger.  »

PAR CHRIS TETAERT – PHOTOS: BELGAIMAGE/ STOCKMAN

 » Hannes doit se concentrer sur lui-même.  » Marc Herremans

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