« J’ai failli étrangler Deschacht »

Après 16 mois de galères et de frustrations, le Yougoslave est redevenu lui-même.

Anderlecht a-t-il perdu vendredi passé, dans la bourrasque trudonnaire, ses dernières chances de remporter un titre qui lui échappé la saison passée? Avec la victoire à trois points, on ne peut évidemment jurer de rien. Il y a deux ans, pour mémoire, les joueurs du Sporting comptaient, à ce même moment de la compétition, six unités de retard sur un autoritaire leader brugeois, qui n’avait pas encore concédé la moindre once de terrain à ses adversaires. Une avance substantielle qui s’était pourtant transformée, en l’espace de deux mois à peine, en un retard de cinq longueurs par rapport aux footballeurs de la capitale. Or, 11 points, c’est précisément la distance qui sépare actuellement les deux rivaux flandrien et bruxellois au classement.

Pour espérer colmater la brèche, les Mauve et Blanc devront toutefois dispenser un tout autre football que celui qu’ils ont montré à l’occasion de leurs deux dernières sorties face au Lierse d’abord, puis à St-Trond. Car ce jeu-là était réellement indigne d’un prétendant à la Ligue des Champions. Pire: dans l’état actuel des choses, il est même loin, très loin d’assurer aux Sportingmen leur pérennité européenne, eux qui, cette année, prennent part pour la 43e fois d’affilée aux épreuves continentales. Que le Club de Bruges et Genk qui, contrairement au RSCA, ont conservé l’essentiel de leurs forces vives ces dernières campagnes, exhibent tous deux un style mieux rodé, passe encore. Mais ce constat est également d’application pour les Lierrois, les Trudonnaires et les Lokerenois. Et cela, c’est à la fois franchement imprévu et inquiétant.

Ce qui ne manque pas d’interpeller, de surcroît, c’est qu’à la mi-temps du match au Staaienveld, tout le monde pensait que le plus dur était fait pour les troupes d’Hugo Broos qui, contre le cours du jeu, avaient réussi à prendre l’avance par le truchement du Finlandais Hannu Tihinen sur leur seule offensive digne de ce nom. Après la pause, et avec l’appui d’un vent violent, le capitaine Glen De Boeck et ses partenaires auraient dû, logiquement, prendre la relève d’une équipe des Canaris qui, vu les circonstances, s’était arrogé la maîtrise du ballon la plupart du temps, au point de forcer la bagatelle de dix coups de coin en 45 minutes. Sans parvenir, pour autant, à déflorer la marque, même si la plus belle opportunité échut à Désiré Mbonabucya, dont l’envoi heurta le montant du but de Daniel Zitka.

Au lieu de s’installer à son tour dans le camp de l’adversaire, après le repos, comme les conditions l’auraient dicté, Anderlecht recula cependant tant et plus tout au long de cette deuxième période, au point de sombrer sous les coups de boutoir d’une phalange magnifiquement emmenée par l’un de ses anciens joueurs: Danny Boffin, dont le pied léger, synonyme d’ouvertures lumineuses à ses partenaires, aura singulièrement contrasté avec les besogneux adverses et, en particulier, Aleksandar Ilic, complètement dépassé par les événements et notamment roulé dans la farine sur le dernier but, une oeuvre collective parachevée par Bram Van Geel.

Sur une île Nenad Jestrovic: C’est ahurissant de retourner chez soi les mains vides alors que la victoire nous souriait encore à mi-parcours. Honnêtement, je ne comprends pas. En première mi-temps, malgré les éléments qui s’étaient ligués contre nous, nous étions malgré tout parvenus à inquiéter de manière épisodique l’arrière-garde locale. Moi-même, j’avais pu placer un coup de tête dangereux sur un centre de Ki-Hyeon Seol et notre goal, signé suite à un mouvement au sein duquel Aruna Dindane était impliqué, atteste que notre division offensive, forte de trois hommes, s’était signalée quelquefois avec bonheur durant tout ce temps. Après le thé, malheureusement, je me suis retrouvé subitement sur une île aux avant-postes. Mes deux compères ne franchissaient plus la ligne médiane et, esseulé en pointe, je n’avais plus de partenaire à qui céder le ballon. C’est d’autant plus regrettable que, compte tenu de la tempête qui soufflait en notre faveur, nous aurions eu un bon coup à jouer au cours de la deuxième partie de la rencontre. Je ne comprends pas pourquoi nous n’en avons pas davantage profité. Subir les événements comme nous l’avons fait, c’est impardonnable.

Une consolation tout de même, pour vous: pour la toute première fois depuis votre arrivée au Parc Astrid, durant l’été 2001, vous avez enfin disputé un match complet.

Jusqu’à présent, c’est vrai, je n’avais encore jamais goûté à ce bonheur. Diminué par ma blessure au péroné, je n’avais eu droit qu’à un temps de jeu restreint tout au long du premier tour, la saison passée: une vingtaine de minutes au Standard et c’était tout. Après la trêve hivernale, je pensais être enfin parti du bon pied. Mais lors de notre premier rendez-vous à domicile contre La Louvière, je m’étais mal reçu en retombant sur l’épaule et j’avais dû être remplacé à un quart d’heure de la fin. Ce fut là, pour moi, le début d’une nouvelle période de contretemps, marquée entre autres par deux opérations à la vésicule biliaire et à la cheville. Cette fois, je constate avec réjouissance qu’en l’espace de deux matches, contre Midtjylland et à St-Trond, j’ai joué autant qu’en six mois la saison dernière. J’espère avoir pris définitivement mon envol.

L’année passée, il y avait eu plusieurs faux départs pour vous. Le premier face au Lokomotiv Moscou.

Exact. Je n’avais pas encore joué une seule minute en championnat à ce moment mais, pour les besoins de cette rencontre cruciale face aux Moscovites, l’entraîneur, Aimé Anthuenis, eut dans l’idée de m’utiliser comme joker. Je suis monté au jeu à la place d’Aruna Dindane après un peu plus d’une heure de jeu. Hélas, les jeux étaient faits à ce moment car le Lokomotiv menait par 1-4. Et j’étais à peine entré sur le terrain que Maxim Buznikin fixait définitivement les chiffres à 1-5. Je n’étais manifestement pas prêt pour un match de cette importance. La preuve, c’est qu’hormis une dizaine de minutes à l’AS Rome et une entrée au jeu au Standard, on ne m’a plus vu au premier tour. La vis qui m’avait été apposée à la jambe ne me permettait tout simplement pas de me mouvoir comme souhaité.

Avec la Réserve, vous aviez pourtant frappé fort par moments. Notamment en prenant à votre compte quatre des huit buts de l’équipe contre Beveren.

C’était à la fin des matches aller et j’avais effectivement le sentiment d’avoir retrouvé l’essentiel de mes sensations. Après ce match, je pensais que le coach allait faire appel à moi pour le match au Freethiel le lendemain. Mais à ma grande stupeur, Aimé Anthuenis m’avoua que je ne l’avais pas tout à fait convaincu: -D’accord, tu as inscrit quatre buts mais tu manques toujours de vitesse pour prendre le meilleur sur ton adversaire direct…. Honnêtement, j’aurais voulu lui tordre le cou. Mais, avec le recul, je suis bien obligé d’admettre qu’il avait vu juste. Je manquais bel et bien de mobilité et de dash. Je m’en suis aperçu lors du stage de La Manga, où j’ai progressé au niveau physique. J’étais enfin fit and well et je l’ai démontré à la reprise en inscrivant mon premier but pour le Sporting à l’Antwerp. La semaine suivante, j’ai recommencé face aux Loups avant d’être à nouveau stoppé. Double car-jacking

Pour vous, cette saison 2001-2002 était à oublier au plus vite?

Oui, d’autant plus que j’avais eu quelques frayeurs aussi au plan mental. En rentrant un soir à la maison, mon épouse et moi fûmes victimes d’un double car-jacking. Sentir le canon d’un revolver sur sa tempe est une expérience angoissante, que je ne souhaite pas à mon pire ennemi. Non contents de nous dérober deux Mercedes, les malfrats nous dépouillèrent aussi de la tête aux pieds. Portefeuilles, GSM, montres, bijoux: tout y est passé. Ils ne daignèrent faire une exception que pour nos alliances, après avoir vu à quel point mon épouse, en pleurs à ce moment, y tenait. Malgré un déménagement, ma femme et moi avons vécu sur nos gardes durant plusieurs semaines. Le moindre bruit suspect était synonyme de frayeur. Nous n’avons vraiment recommencé à vivre que trois mois plus tard, au moment où pour la première fois nous attendions un heureux événement. Elena est née le 29 septembre et, depuis, tout va de mieux en mieux pour moi. Mais c’était prévu.

Qu’entendez-vous par là?

J’ai profité de l’intersaison pour travailler de manière individuelle avec Bane Novitovic, l’entraîneur physique que j’avais connu à l’OFK Belgrade. Celui-ci m’avait averti que je ne serais à nouveau pleinement opérationnel qu’en automne. D’après lui, il ne faisait pas de doute que je me ressentirais des efforts déployés pour revenir dans le parcours lors de la période de préparation avec le Sporting. Et je dois reconnaître qu’il avait vu juste car après avoir scoré à 11 reprises à l’occasion des premiers matches amicaux, j’ai soudain dû chercher mon deuxième souffle. Plus rien n’allait et j’ai même eu maille à partir avec certains coéquipiers à l’entraînement. Comme Olivier Deschacht, par exemple, qui avait effectué un tackle un peu trop appuyé sur moi. Si Franky Vercauteren ne m’avait pas rappelé immédiatement à l’ordre, en criant que je devais laisser mes frustrations aux vestiaires, j’aurais pu étrangler le pauvre « Oli ». Par la suite, il va sans dire que nous avons fait la paix. Cette scène atteste que je n’étais pas moi-même. Ce n’est probablement pas un hasard si, par la suite, excédé par un adversaire, j’ai écopé d’une carte rouge lors d’un match des Réserves à l’Antwerp. Depuis, je me suis heureusement ressaisi.

Quel aura été le véritable déclic?

Les résultats des tests physiques accomplis à la VUB. Auparavant, je m’étais entraîné une dizaine de jours, de façon à nouveau individuelle, sous la coupe de l’entraîneur physique du club. C’était au moment où les internationaux belges avaient leurs obligations contre Andorre et l’Estonie et où d’autres encore avaient été rappelés par leur équipe nationale respective. Nous n’étions qu’un groupe restreint aux séances de préparation et c’est pourquoi les entraînements avaient été davantage personnalisés. Ces dix jours d’exercices de sprint et de sauts m’ont fait un bien fou. Jour après jour, je me rendais compte que j’étais à nouveau sur la bonne voie. Par la suite, j’ai été sidéré en découvrant les résultats de mes tests. Ils eurent pour effet de doper mon enthousiasme.

La suite, ce furent ces deux buts contre Midtjylland.

Mes quatrième et cinquième pour le compte d’Anderlecht puisque j’en avais inscrit trois en championnat la saison passée. C’est évidemment peu; à Mouscron, je totalisais déjà ce capital après trois journées. Ici, il m’aura fallu 17 mois pour y parvenir. Cette tête plongeante sur un centre de Ki-Hyeon Seol face aux Danois, c’était le geste du buteur. Vous ne me croirez pas mais je tremblais en montant sur le terrain face à Midtjylland. Sorti des oubliettes, j’avais réellement peur de mal faire dans un match d’une telle importance. Et, au départ, il faut bien admettre que j’ai loupé le plus facile à deux reprises. Mais après mon but d’ouverture, j’étais libéré.

Quelles sont vos aspirations à présent?

J’ai été privé de football durant tant de mois que mon voeu le plus cher est de ne plus louper une seule seconde jusqu’à la fin de la saison. Dans le même temps, j’espère que le Sporting ira lui aussi jusqu’au bout de ses ambitions internationales. Aussi, nous, joueurs, savons ce que nous devons faire dans l’immédiat contre Midtjylland et au Cercle de Bruges. Et ce, en attendant de redresser la barre en championnat.

Bruno Govers

« Ma tête plongeante face à Midtjylland, c’était le geste du buteur »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire