« J’ai eu ma dose »

Ariel Jacobs a tranché : l’ancien Louviérois est son gardien n°1. Pour de bon ? Oui, si la malchance et les blessures oublient Silvio…

Son prêt d’une saison au Germinal Beerschot étant terminé, Silvio Proto savait qu’il reviendrait d’office au Parc Astrid. Pour autant, ce n’était pas gagné d’avance en ce qui concerne la place de titulaire : Davy Schollen n’avait pas démérité lorsqu’il avait assuré la succession de Daniel Zitka. Ariel Jacobs a tranché : c’est l’ancien Louviérois qui a entamé la saison dans le but.

Silvio, vous n’avez pas été épargné par les blessures depuis votre arrivée à Anderlecht. Mais cette saison, ce sont vos concurrents qui se retrouvent sur la touche : Zitka n’est toujours pas rétabli et Schollen s’est blessé pendant la période de préparation. La roue est-elle en train de tourner ?

SilvioProto : Je l’espère. En ce qui me concerne, j’ai eu ma dose. Tout y est passé : je me suis cassé le doigt, pété le genou, brisé la cheville. Cela suffit. J’ai eu la chance d’entamer la saison comme titulaire, je dois faire en sorte de le rester. En livrant des bons matches.

Vous êtes arrivé en 2005. Cela ne s’est pas tout à fait passé comme vous l’espériez.

On est impuissant face aux blessures. Il n’y a pas de bon moment pour se blesser, mais si je n’avais pas dû être opéré du genou une saison après mon arrivée, Dieu sait où je serais actuellement. Je serais peut-être le gardien titulaire d’Anderlecht depuis quatre ans, peut-être le n°1 en équipe nationale également puisque j’étais en train de m’imposer chez les Diables Rouges. Mais on ne réécrira pas l’histoire. C’est arrivé, voilà tout. Je veux positiver. Malgré tous mes tracas, j’ai étoffé mon palmarès. J’ai gagné deux titres et une Coupe. Je veux désormais regarder devant moi, travailler pour encore progresser.

Je ne pense pas que c’était trop tôt. Si c’est arrivé, c’est que je le méritais. A l’époque, il n’y avait pas grand monde qui était meilleur que moi.

Et aujourd’hui, il y en a beaucoup qui sont meilleurs que vous ?

Si c’est le cas, ils devront le prouver. Mais ce n’est pas à moi à dire qui est le meilleur gardien belge. Des personnes compétentes sont là pour juger.

Un titulaire à Anderlecht revendique théoriquement une place en équipe nationale…

C’est mon avis aussi. En principe, lorsqu’un nouveau coach arrive, les cartes sont redistribuées. Tout le monde repart à zéro. J’espère que Dick Advocaat prendra sa décision en âme et conscience. S’il ne porte pas son dévolu sur moi, je m’inclinerai. Il faut toujours respecter les décisions du coach.

 » J’aurais pu réussir à Arsenal… ou m’y planter ! « 

Lorsque vous avez décidé de quitter La Louvière, vous aviez eu des contacts avec Arsenal. Vu la tournure qu’ont pris les événements à Anderlecht, avez-vous regretté d’avoir délaissé les Gunners ?

Non, je pense que j’avais pris à l’époque la décision la plus raisonnable. Venant de La Louvière, il était préférable de m’imposer d’abord dans un club du top belge avant de tenter la grande aventure à l’étranger. Cela dit, on ne saura jamais comment cela aurait tourné pour moi si j’avais pris l’autre décision. Arsenal a connu, un moment, des problèmes de gardien et s’est tourné vers Manuel Almunia. Peut-être que, si j’avais été là, c’est moi qui aurais hérité de la place. Je serais peut-être, aujourd’hui, un gardien réputé de Premier League. Mais j’aurais pu, tout aussi bien, échouer là-bas et revenir en Belgique, contraint et forcé, après un an. De toute façon, là non plus, je ne veux pas vivre avec des regrets. J’ai pris cette décision-là et je l’assume.

A La Louvière, un gardien a de nombreuses occasions de s’illustrer tandis qu’à Anderlecht, il n’y a parfois qu’un ballon à prendre et on a intérêt à ne pas le louper. Est-ce cela, la principale différence ?

C’est l’une des différences. A La Louvière aussi, j’ai connu des matches où j’avais peu de travail à effectuer et où j’ai sorti un ballon de but à la 90e minute. Les Loups avaient une bonne défense, à l’époque, et laissaient peu d’occasions à l’adversaire. Ce qui est différent, c’est que dans un club du calibre de La Louvière, on acceptait plus facilement l’échec. Si on se loupe une fois, ce n’est pas très grave. A Anderlecht, il en va autrement. Souvenez-vous du match de mardi passé contre Sivasspor. Si je m’étais loupé à 3-0 et que c’était devenu 3-1, cela n’aurait plus été le même match. L’équipe se serait crispée, elle aurait peut-être perdu le fil de la rencontre. Un gardien a de grosses responsabilités. Il faut apprendre à jouer sous pression. C’est une drôle de bête, la pression : on peut clamer sur tous les toits qu’on est capable de la supporter, on n’en sera réellement sûr que lorsqu’on y aura été confronté. A Anderlecht, on est observé à la loupe à chaque match, à chaque entraînement. Au début, on trouve cela bizarre. A la longue, on s’y fait et on n’y prête plus attention. Techniquement aussi, il faut changer son jeu. A Anderlecht, le gardien évolue beaucoup plus haut, dans le dos de la défense. Il doit anticiper sur les longs ballons adverses. Je pense avoir les qualités requises pour jouer de la sorte. A la course, je suis le plus rapide du groupe sur les dix premiers mètres, avec Thomas Chatelle. C’est utile pour sortir dans les pieds d’un adversaire et arriver avant lui sur le ballon. A La Louvière, je restais beaucoup plus sur ma ligne, car les défenseurs jouaient plus bas. Je sortais des ballons grâce à des réflexes. Jouer plus haut, c’est aussi une chose qui s’apprend, mais un nouveau style ne s’assimile pas du jour au lendemain.

Vous avez changé en quatre ans ?

Oui, je le pense. Je suis devenu plus calme, dans mon comportement comme dans mon approche des matches. Les années ont passé, et avec elles, la maturité est arrivée. L’air de rien, j’entame déjà ma huitième saison professionnelle. Il y a plein de choses que je ne faisais pas avant et que je fais aujourd’hui naturellement. Au niveau du positionnement, par exemple. Au début, on réfléchit, on essaie de se souvenir de ce que l’entraîneur a donné comme consignes. Puis, à force de jouer des matches, cela vient tout seul, presque instinctivement. On apprend aussi des erreurs que l’on commet, des moments difficiles que l’on traverse.

Aujourd’hui, vous vous sentez mûr pour être le gardien n°1 d’Anderlecht ?

Je pense que je l’étais déjà il y a quatre ans. Avant ma blessure, j’avais livré une bonne saison. Mais il faut aussi un peu de réussite. Que je n’ai pas eue précédemment. Des erreurs, j’en commettrai encore. Le moins possible, j’espère, mais personne n’est infaillible. Le football est parfois bizarre. Il y a des jours où l’on se sent en pleine forme et où l’on passe carrément à côté de son match, d’autres où l’on se sent mal et où l’on sort un match d’anthologie. Il y a aussi des matches où l’on s’attend à avoir beaucoup de boulot et où l’on passe finalement une soirée tranquille. C’était le cas mardi passé contre Sivasspor : je m’attendais à devoir sortir un tout gros match et j’ai été très peu sollicité. Mais je suis resté concentré et j’ai soigné mes dégagements. On a d’ailleurs marqué sur l’un de ceux-ci, c’est une belle satisfaction.

 » J’ai choisi le GBA le dernier jour du mercato « 

Votre saison au Germinal Beerschot a-t-elle également été bénéfique ?

Au début, je n’étais pas très chaud à l’idée de partir. J’avais eu des contacts avec un club de D2 espagnole, Murcie pour le citer. Finalement, le Germinal Beerschot s’est présenté. Je me suis décidé le 31 août, voyant que mes chances de jouer à Anderlecht étaient minces. Je pense que cette saison à Anvers m’a fait du bien. Je n’avais pas perdu mes qualités, mais j’avais besoin de retrouver des vraies sensations de matches, de me retaper mentalement. A l’entraînement, même si on travaille bien, ce n’est pas pareil. L’entraîneur des gardiens lance le ballon et on plonge, c’est tout. Et lorsqu’on dispute un petit match entre nous, il n’y a pas de pression. Quand on reste deux ans sans jouer, on perd ses sensations. Je ne sais pas si cela m’aurait fait du bien de rester encore une saison sur le banc à Anderlecht. Au Kiel, j’ai retrouvé la confiance.

Cet exil aurait pourtant pu vous fermer la porte d’Anderlecht également : Zitka s’est blessé trois mois après votre départ et c’est Schollen qui a pris sa place.

Je n’ai pas de boule de cristal, je ne pouvais deviner que Daniel allait se blesser. Sur le coup, c’est sûr que j’y ai pensé, mais je me suis directement reconcentré sur mon job à Anvers.

L’image que beaucoup de gens retiennent de votre passage au GBA est ce fameux but inscrit de la tête contre Gand. A Anderlecht, Jacobs n’est apparemment pas très chaud à l’idée de vous voir traverser le terrain…

C’était une parenthèse dans la saison. Moi, je préfère retenir des matches comme celui de Bruges, où j’ai sauvé des points pour mon équipe en tant que gardien, pas en tant que buteur. C’est clair que ce but était un moment exceptionnel. Marquer, cela ne m’arrivera peut-être plus jamais dans ma carrière. Cela m’a procuré un immense bonheur. Toutefois, ce n’est pas ce qu’on attend en premier lieu d’un gardien de but. A Anderlecht, je me contenterai d’essayer d’arrêter les ballons, et si j’y parviens, ce ne sera déjà pas si mal.

Pas de cadeaux de Jacobs

Lorsque vous avez débarqué à Anderlecht, Frankie Vercauteren était l’entraîneur. Avez-vous été content de retrouver Jacobs qui vous avait laissé sur le banc au profit de Jan Van Steenberghe lors de la finale de la Coupe 2003 ?

Je sortais aussi d’une blessure, à l’époque. Jacobs avait fait le choix de Jan. Sur le coup, c’est dur d’apprendre qu’on est écarté, surtout lorsque son équipe dispute une finale de Coupe. C’est le rôle d’un entraîneur de faire des choix et je pense que Jacobs est une personne juste. Il y a deux ans, lorsqu’il avait fallu choisir entre Zitka et moi, il avait opté pour le Tchèque. Cet été, il devait choisir entre Schollen et moi, et j’ai eu ses préférences. Dans ces cas-là, il y a toujours un heureux et un déçu.

Aujourd’hui, c’est Schollen qui est déçu.

C’est la loi du sport. Jacobs ne m’a jamais fait de cadeaux, et je n’en attends d’ailleurs pas de sa part. S’il m’a fait confiance cette fois-ci, c’est qu’il estime que je l’ai mérité.

Comment se passe cette concurrence entre gardiens ?

Ce n’est pas toujours facile. Lorsqu’on se retrouve sur le banc, on essaie d’être patient et on travaille en attendant son heure. Mais la patience de tout un chacun a ses limites, surtout lorsqu’on est ambitieux. En tout cas, j’estime avoir été loyal envers Zitka lorsque j’étais n°2. Je n’ai jamais râlé, je n’ai jamais laissé entrevoir que j’attendais une défaillance de sa part pour prendre sa place.

Il faut parfois être patient pour devenir le gardien n°1 d’Anderlecht, Jacky Munaron pourrait en témoigner.

C’est sûr. Et moi aussi, maintenant. Il n’y a qu’une place dans le but, et actuellement on est cinq gardiens à Anderlecht.

Vous avez 26 ans, c’est encore jeune pour un gardien. Votre carrière prend-elle définitivement son envol ?

On m’a toujours dit qu’un gardien atteignait sa pleine maturité vers 29 ans. Si c’est le cas, j’ai encore du temps devant moi. Et, espérons-le, une belle marge de progression. J’espère encore pouvoir jouer une dizaine d’années, à condition d’être épargné par les blessures.

Une gifle, cela suffit

Vous avez vécu la préparation l’an passé et donc aussi l’épisode BATE Borisov. En quoi cette préparation-ci fut-elle différente ?

Difficile à dire. Je ne trouve pas qu’elle était fondamentalement différente. Il y a eu plus de gros matches, c’est vrai. Toutefois dire que c’est uniquement grâce à cela qu’on a fait meilleure figure au tour préliminaire de la Ligue des Champions serait un peu réducteur. Contre Sivasspor, on a été beaucoup plus réaliste, c’est tout. On s’est créé beaucoup d’occasions et on en a converti cinq. Contre BATE, on avait beaucoup gaspillé et des faits de matches ont fait penché la balance à notre désavantage : un penalty, une exclusion… Contre BATE, on a pris une gifle. Mais contre Sivasspor, on n’a pas tendu l’autre joue, on s’est rebellé. Parfois ce sont les faux pas qui permettent d’avancer. Contre Sivasspor, on a d’emblée pressé haut et on a laissé très peu d’espace à l’adversaire. J’ai directement compris qu’on était bien parti. En plus, on a rapidement trouvé le chemin des filets. L’échec BATE a peut-être fait du bien, il a remis les idées en place et a fait prendre conscience que rien n’est gagné d’avance.

Un résultat comme ce 5-0 prouve-t-il que, malgré tout ce qu’on a lu et entendu, Anderlecht est toujours là ?

Oui, peut-être. Maintenant, comme le dit le coach : ce résultat peut donner de la confiance, mais pas de garanties.

Lors de la reprise des entraînements, l’ambiance était lourde. La défaite dans les test-matches ne semblait pas encore avoir été digérée…

Cet échec a fait mal, c’est sûr. Si l’on doit aujourd’hui disputer deux tours préliminaires en Ligue des Champions, c’est parce qu’on a été battus dans ces test-matches. Sinon, on aurait été directement versé dans les poules.

Aujourd’hui, l’ambiance semble bien meilleure. Quand avez-vous senti le changement ?

Quand on a commencé à jouer des matches. C’est ce qu’il nous fallait : pouvoir tourner la page et se concentrer sur d’autres objectifs, ne plus avoir le temps de ressasser. Et en plus, ces matches se sont bien passés. Mais il faut toujours se remettre en question. Le match le plus difficile, c’est toujours le prochain.

par daniel devos

« A Anderlecht, je dois gérer la pression et jouer beaucoup plus haut. » »Au lieu de rester sur le banc à Anderlecht, j’ai retrouvé la confiance au Kiel. »

« J’estime avoir été loyal envers Zitka lorsque j’étais n°2. »

« Sur les dix premiers mètres, je suis le plus rapide avec Chatelle. »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire