© KOEN BAUTERS

 » J’AI ENVIE DE CONNAÎTRE QUELQUE CHOSE DE PLUS JOUISSIF « 

Il est depuis de nombreux mois le métronome d’un Sporting de Charleroi séduisant. Mais aussi le représentant idéal d’un club dont l’image s’est complètement bonifiée. Damien Marcq explique la patte Mazzù, le fonctionnement des Bayat et évoque son avenir, ses ambitions et son attrait pour le football belge.

Il est 18 h. Damien Marcq pose devant l’objectif du photographe au coeur d’un mini-studio installé dans le resto-bar l’Amusoir en plein coeur de Waterloo. Une heure plus tôt, le métronome du jeu carolo avait quitté le Cora de Châtelineau où les fans zébrés s’étaient massés toute l’après-midi pour une séance de dédicaces à succès. Car aujourd’hui, le Sporting de Charleroi est tout sauf un club moribond. Et cette réussite, il la doit notamment à son milieu de terrain français de 27 ans qui a réussi au fil du temps à charmer coéquipiers et adversaires.

Peut-on en partie expliquer la réussite actuelle de Charleroi par le fait que ce groupe est composé de joueurs qui ont envie de montrer qu’ils ne sont pas finis ?

DAMIEN MARCQ : Si on se retrouve ici, c’est que dans notre carrière il y a quelque chose qui s’est mal goupillé. Quand tu vois des joueurs comme Ninis, Benavente, Bakar, Tainmont, etc, ce sont tous des joueurs pour qui un club comme Charleroi ne faisait pas partie des plans en début de carrière. On est donc là pour prouver qu’on est capable de mieux, on est là pour se relancer, montrer aux médias, à l’extérieur, qu’on n’est pas finis. Et c’est cet esprit revanchard combiné à la qualité individuelle qui fait qu’on occupe aujourd’hui le haut du classement.

Vous êtes actuellement en surrégime ou à votre place ?

MARCQ : Je ne pense pas du tout qu’on soit en surrégime. Quoi qu’on en dise, on a un groupe de qualité. Individuellement, on a de très bons joueurs. Mata est peut-être le meilleur back droit du championnat, par exemple. Il faut arriver à prendre conscience de nos possibilités, sans se griser.

 » SI ON DÉJOUE, ON DEVIENT UNE ÉQUIPE LAMBDA  »

Votre objectif déclaré, c’est le top 6. Mais si tu observes la concurrence, tu n’as pas le sentiment qu’elle dispose, sur papier, de meilleures armes ?

MARCQ : On a aujourd’hui pris conscience qu’on n’avait rien à envier par rapport à la concurrence. Ce qui peut nous être néfaste, à long terme, c’est de ne pas avoir un noyau assez élargi. Mais vu qu’on n’a pas de Coupe d’Europe, on doit tous être capables de jouer 40 matches sur une saison. Ce n’est pas surhumain. L’an passé, on s’en est longtemps voulu d’avoir loupé les PO1 à cause de matches catastrophiques à domicile, face à Saint-Trond notamment. On ne pouvait s’en prendre qu’à nous-mêmes. Et à partir du moment où l’on déjoue, on devient une équipe lambda qui est facile à jouer pour l’adversaire. Surtout pour des équipes du calibre de Bruges ou de Zulte Waregem.

Ça veut dire quoi déjouer pour Charleroi ?

MARCQ : C’est demander tous les ballons dans les pieds, oublier de jouer dans la verticalité. Offensivement, on va très vite mais si on n’a aucune verticalité, on ne s’en sort pas. Jouer dans le dos de l’adversaire, c’est l’une de nos forces.

On a le sentiment qu’au fil des années, tu prends de plus en plus d’importance, que ce soit au niveau du jeu en lui-même mais aussi en termes de leadership.

MARCQ : Il fut un temps où j’évoluais comme un six qui restait davantage devant la défense et qui communiquait beaucoup avec les arrières centraux. Depuis que je joue avec Christophe Diandy, le coach me laisse plus de liberté offensive. Je suis comme un 8 même si, défensivement, il faut que je fasse le job.

Tu as le sentiment de faire partie des patrons ?

MARCQ : Francis (Nganga, ndlr), Javi (Martos, ndlr) et moi-même sommes les relais du coach sur le terrain. Felice aime le fait qu’on ait de l’expérience à revendre. J’ai commencé en L1 à 17 ans, je me suis retrouvé capitaine à 19. Il a fallu que j’assume ce rôle très jeune. Et j’ai très vite compris que j’avais cette fibre de leader en moi. Mais bon, on est un groupe facile à vivre. Et même s’il peut y avoir des accrochages à l’entraînement, il n’y a jamais d’embrouille en dehors.

Charleroi a connu, il y a quelques années, un vestiaire bien plus chaud.

MARCQ : Mehdi (Bayat, ndlr) m’a dit à mon arrivée que la mentalité du joueur était désormais décisive dans le recrutement. Je ne suis pas sûr qu’il prendrait aujourd’hui un surdoué qui a une mentalité de merde.

 » VOILÀ QUATRE ANS QUE MEHDI ME SÉDUIT  »

A quoi attribues-tu ton début de carrière difficile ?

MARCQ : Je me suis peut-être cru arrivé trop vite. J’étais capitaine à 19 ans en L1, j’ai touché l’équipe de France espoir et quand je regardais la liste des sélectionnés, je voyais Damien Marcq/Boulogne-sur-Mer à côté de joueurs qui évoluaient à l’Inter, à Lyon, etc. Puis, je suis parti à Caen pour 2,5 millions, ce qui représentait un gros investissement. Je me trouvais bon alors que je ne l’étais sûrement pas suffisamment. Je ne me remettais pas assez en question. Et petit à petit, je me suis laissé rattraper par la concurrence pour ne plus jouer.

Ton manque de vitesse t’a-t-il pénalisé ?

MARCQ : Bien sûr. C’est mon principal défaut, depuis mon début de carrière. C’est plus un manque de vivacité, une capacité à très vite se retourner. Quand on parle de vitesse pure, c’est lié à mon organisme, je ne peux rien y changer. Je suis plus un diesel qui a besoin de tourner. Et donc quand tu évolues au coeur de l’entrejeu, ce manque de vitesse est moins handicapant.

Tu as vécu ça comme un coup dur de te retrouver à Charleroi alors que tu avais goûté à la L1 ?

MARCQ : Un coup dur ? Oui et non. Faut savoir qu’en France, je n’avais plus aucune offre. Il me restait Amiens en National, c’est tout. J’étais encore sous contrat avec Caen mais on m’a fait comprendre qu’on me laisserait partir sans faire d’histoire. Quand mon agent m’a parlé de Charleroi, il m’a expliqué la situation du club, l’ambition, etc.

Qu’est-ce qu’on t’a alors raconté sur Charleroi ?

MARCQ : Il m’a surtout expliqué qu’il y a quelques années, ce n’était pas vraiment ça mais que le club voulait se reconstruire sous l’impulsion de Mehdi. Et j’ai dit : ‘on y va’ vu que de toute façon je n’avais plus rien. Je m’y suis rendu, c’est vrai, sur la pointe des pieds mais aujourd’hui je ne regrette absolument pas ce choix.

Et comment Mehdi Bayat te séduit-il pour que tu signes à Charleroi et pour que tu y sois toujours ?

MARCQ : Ça fait quatre ans qu’il me séduit Mehdi (il rit). C’est un très bel orateur, il m’a expliqué tout ce qu’il avait envie de faire pour ce club, ses ambitions, etc. Et jusqu’à aujourd’hui, il tient parole.

Alors qu’on pourrait avoir l’impression qu’il brasse un peu de vent…

MARCQ : On le croit utopique mais au final, il reste dans les clous. Il m’a vendu cette équipe comme une équipe de revanchards, et un club qui disposerait d’un stade réaménagé, d’un nouveau centre d’entraînement, etc.

 » IL N’Y A PAS UN TRANSFERT RÉALISÉ SANS MOGI  »

Le nouveau centre d’entraînement, vous l’attendez toujours…

MARCQ : Il nous dit qu’il va encore arriver, donc on y croit (il rit). Mehdi, c’est quelqu’un d’attachant à sa manière. C’est encore une autre relation qu’avec le coach, mais je me rappelle de ce jour où je suis arrivé à Charleroi il y a quatre ans. J’ai fait la route avec lui jusqu’aux Pays-Bas, où le Sporting était en stage. Et on a parlé pendant deux heures et demie de tout ce qu’il avait envie de faire, de son passé, de ses plans pour le futur. Ça a renforcé ma conviction que j’avais effectué le bon choix.

C’est un patron proche de ses joueurs, très éloigné des standards d’un président cloîtré dans sa tour d’ivoire.

MARCQ : Oui, il était d’ailleurs avec nous au Cora en train de signer des autographes. Je crois qu’il s’est pris pour un joueur, il a concrétisé son rêve (il rit). Même s’il s’est blessé la dernière fois qu’il a dû taper dans un ballon (il rit). Le plus important, c’est qu’il croit en ce qu’il dit. Il a redressé la situation financière du club et rien que pour ça, on doit lui tirer un coup de chapeau.

Mehdi Bayat nous a d’ailleurs dit l’an dernier que le Sporting ne fait plus partie des parents pauvres de championnat au niveau salarial. En prolongeant ton contrat de quatre ans, tu as perçu cet effort financier ?

MARCQ : Oui. Quand je suis arrivé de Ligue 2 à Charleroi, j’ai perdu de l’argent. Ici, quand j’ai prolongé mon contrat (le 30 septembre, ndlr), j’ai senti la volonté de me garder. Également d’un point de vue financier.

Quel a été le rôle de Mogi Bayat dans cette prolongation de contrat alors que tu as déjà un agent ?

MARCQ : Il facilite les choses. Il n’y a pas un transfert qui est réalisé sans qu’il ne soit présent, même si son nom n’apparaît pas officiellement. Pour un club comme Charleroi, c’est bien d’avoir un agent qui peut amener de bons joueurs. Quant tu lis que Lassana Diarra a failli signer à Charleroi, c’est assez dingue. Même si ça ne m’étonne pas des Bayat, car ils sont capables d’un coup énorme. Ils ont du culot, du bagout, ils peuvent vendre n’importe quoi à n’importe qui.

Lassana Diarra aurait un connu un petit choc culturel…

MARCQ : Je pense bien oui (il rit). J’ose pas imaginer sa tête s’il avait dû prendre le bus pour aller au centre d’entraînement de Marcinelle. Le gros point négatif, c’est quand même de se rendre en camionnette à l’entraînement. Avant, c’était le même car qu’on prenait pour faire les déplacements. Et donc, quand tu montais dans le car, les sièges n’avaient pas été nettoyés, il y avait encore de la terre, de la boue sur les côtés.

 » J’ESPÉRAIS PARTIR À GAND  »

En fin de mercato, on t’a annoncé à Gand afin de prendre la succession de Sven Kums. Tu as digéré difficilement ce transfert avorté ?

MARCQ : J’espérais partir à Gand. J’y ai cru jusqu’au dernier moment. Avec ce que j’avais montré la saison passée, j’avais envie d’autre chose. Après, ça ne s’est pas fait. Et je ne cherche pas à savoir pourquoi.

Cet intérêt d’un club comme Gand t’a-t-il flatté ? D’autant que tu étais censé être le successeur du dernier Soulier d’Or…

MARCQ : Oui, c’est flatteur de faire partie des petits papiers d’un club comme Gand. A moi de montrer dans les mois à venir que ce n’est que partie remise.

La prochaine étape de ta carrière passe par un retour en France ou par un plus grand club belge ?

MARCQ : Je me vois bien rester en Belgique. Non pas dans un meilleur club, car je n’aime pas ce terme, mais dans un club plus stable, qui joue l’Europe tous les ans, qui s’assume en tant que prétendant au titre. J’ai envie de connaître ça car j’ai connu mon lot de saisons galères. A Sedan, je connaissais trois défaites sur quatre par mois. C’est éprouvant mentalement de rentrer avec une défaite chaque week-end. Je ne dormais quasiment pas de la nuit. Aujourd’hui, je dors beaucoup mieux. Et c’est normal qu’après avoir connu ça, j’ai envie de connaître quelque chose de plus grisant, de plus jouissif.

L’idée de rester en Belgique te plaît ?

MARCQ : J’aime l’engouement qu’il y a ici. Tu vas à Bruges, au Standard, à Gand, c’est plein. A Anderlecht, il y a aussi pas mal de monde. Et même dans des clubs comme Courtrai, Malines, c’est chaud. Et quand tu joues une équipe du fond de classement, tu sais que le combat physique va être âpre alors qu’en Ligue 2 française, le foot est souvent amorphe. Ici ça vit et ça me plaît, hormis le fait qu’il pleut souvent des bouteilles d’eau et qu’à Charleroi, il n’y pas la mer comme à Boulogne. Mais j’ai retrouvé à Charleroi ce que j’avais connu durant mon enfance : des gens accueillants, souriants, chaleureux, agréables. Il suffit de se balader en ville pour se rendre compte. Et en plus les gens ont cette pudeur de nous laisser tranquille malgré tout l’engouement autour de l’équipe.

 » LE FOOT EST UN MILIEU DE REQUINS  »

Tu t’imagines rester encore longtemps dans le milieu du foot ?

MARCQ : Non pas tellement. C’est un milieu de requins où il faut parfois marcher sur son équipier pour obtenir quelque chose. Après, peut-être que le cadre chez Bouygues Telecom fait la même chose pour arriver au sommet. Mais ce n’est pas une façon de faire qui me plaît.

Ça a beau être le plus beau métier du monde, car c’est ma passion depuis tout petit, j’ai plus d’admiration pour un pompier ou un policier que pour un footballeur. Le service qu’il rend à la population est quand même très différent. Ce sont des métiers qui devraient d’après moi recevoir davantage de reconnaissance. Car courir après un ballon et toucher des millions, c’est excessif. Même si Ronaldo et moi, on ne fait pas le même métier…

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS KOEN BAUTERS

 » J’ai plus d’admiration pour un pompier ou un policier que pour un footballeur.  » DAMIEN MARCQ

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