» J’AI DU MAL À RECONNAÎTRE LE SYSTÈME DE JEU D’ANDERLECHT « 

Après trois journées de play-offs I, la lutte pour le titre est relancée mais Wesley Sonck, qui a analysé pour nous les qualités et défauts des trois candidats, n’est pas très enthousiaste.  » Je n’ai encore rien vu qui me fasse bondir de joie « .

Une averse de grêlons s’abat sur la Ghelamco Arena lorsque WesleySonck (37) s’installe dans la tribune de presse pour suivre Gand – Ostende. Est-ce un hasard ? International à 55 reprises, notre ex-puncheur fait la moue quand il s’agit d’aborder les play-offs I.  » Je n’ai jamais été partisan du système. La qualité de la phase classique en souffre. Je l’ai bien ressenti lorsque je jouais encore au Lierse et que nous avions tenu Anderlecht et le Club Bruges en échec. Leurs joueurs avaient quitté le terrain en haussant les épaules. Pour eux, ça n’avait pas d’importance. Ce qui comptait, c’étaient les résultats à partir du mois de mars. Ce que je vois aujourd’hui ne me fait pas changer d’avis. Le niveau ne s’est pas amélioré au fil du temps. J’ai vu tous les matches mais pas encore un bon. Il y a de l’intensité mais la qualité du jeu n’est pas très relevée. On se dit que quand deux bonnes équipes s’affrontent, on verra du spectacle mais ce n’est pas le cas. Avez-vous déjà vu un match ouvert, avec deux équipes qui se donnent à fond pour l’emporter ? Moi pas !  »

GAND-OSTENDE

Peut-être êtes-vous, à l’instar de nombreux amateurs, tellement habitué au niveau de la Ligue des Champions qu’un match du championnat de Belgique ne peut plus vous séduire.

WESLEY SONCK :  » Non, j’aime bien voir jouer Gand, par exemple. Il y a de l’idée dans son jeu. Pareil pour Genk, dont Peter Maes a fait une équipe alors qu’avant, c’était un rassemblement d’individualités qui réussissaient un truc de temps à autre. Un joueur ne peut se mettre en évidence que si son équipe fonctionne. Je trouve que le Club Bruges de Michel Preud’homme est bien organisé également. Mais en ce qui concerne Anderlecht, j’ai des doutes.  »

Après six minutes, Sonck a compris où Gand veut en venir : l’équipe joue avec quatre défenseurs et des ailiers qui écartent le jeu.  » C’est clair : l’objectif est d’expédier des ballons aériens vers Coulibaly. Je vois aussi que Mbark Boussoufa a perdu de la vitesse alors que c’est tellement important dans le foot actuel.  »

Comment est-il possible de jouer aussi bien en Ligue des Champions puis de produire un jeu aussi poussif pendant des semaines en championnat ?

SONCK :  » C’est normal. En Ligue des Champions, Gand n’avait rien à perdre. Les joueurs étaient très motivés et se surpassaient. Aujourd’hui, on voit ce qui arrive lorsque l’adversaire met les Gantois les plus importants sous l’éteignoir, comme Bruges l’a fait la semaine dernière. Quand Kums et Boussoufa ne sont pas bons, qui peut reprendre le flambeau, sachant que Depoitre n’est pas en forme et que BregtDejaegere, qui peut toujours sortir un dribble de son chapeau, est absent pour plusieurs mois ? Autour d’eux, il y a de bons joueurs mais pas des stars comme Kums.  »

Peut-être ont-ils déjà la tête ailleurs.

SONCK :  » Dans quel club de Premier League Depoitre pourrait-il aller ? Je me le demande. Pour moi, il n’a pas sa place en équipe nationale. Il manque de qualités. Lukaku, Bentekeet Origi évoluent chaque semaine à un niveau bien plus élevé. Je dis bien chaque semaine, pas une fois de temps en temps en Ligue des Champions. Si on veut rajeunir un peu l’équipe nationale, on peut reprendre MatzSels ou KoenCasteels. J’ai connu Matz au Lierse : en un contre un, il est très fort. Son jeu au pied est bon également. La différence avec avant, c’est la confiance. Le reste, il l’avait déjà, ça se voyait à l’entraînement. Si j’étais scout et que je voyais cinq matches de Gand, un seul joueur me plairait vraiment : Sven Kums, qui est toujours très calme balle au pied. Mais je me demande s’il conviendrait au système d’un club comme Valence, par exemple. J’ai vu Mehdi Carcela la semaine dernière. A Benfica, si tous les titulaires sont là, il ne joue pas alors que, la saison dernière, il était l’un des meilleurs joueurs du championnat de Belgique. Il gagne sans doute mieux sa vie mais est-ce que ça l’amuse de jouer une fois de temps en temps et de courir derrière son homme ?  »

 » BOUSSOUFA POUR QUOI FAIRE ?  »

L’équipe gantoise est-elle encore candidate au titre ?

SONCK :  » Pour cela, il faudrait qu’elle joue mieux. Son manque de vivacité, de joie de jouer est flagrant. Les deux défaites subies face au Club Bruges après le Nouvel An trottent dans la tête des joueurs.  »

Qu’a apporté Boussoufa ?

SONCK :  » Je me demande pour quelle place Gand l’a transféré. Je le vois jouer un peu partout. Être trop polyvalent, c’est un inconvénient.  »

Vous attendiez davantage de lui ?

SONCK :  » On ne l’avait pas vu jouer pendant des années. Difficile d’évaluer son niveau, dès lors. Boussoufa est toujours rapide mais moins explosif. Il n’a pas eu de préparation. Les transferts hivernaux, c’est le pire. Il n’est pas évident de changer de club sans préparation. Il doit également s’adapter aux exigences de l’entraîneur. Surtout dans un club comme Gand, où le collectif est très important. Il doit faire ce qu’on lui demande.  »

Et la victime, c’est Milicevic.

SONCK :  » Peut-être n’a-t-il pas supporté l’arrivée d’un joueur de ce niveau. Au lieu de se motiver, il s’est laissé aller. Chacun a sa façon de réagir face à la concurrence. Certains sont plus motivés que jamais, d’autres perdent confiance. Il n’avait sans doute jamais été confronté à cela, il savait que même après un mauvais match, on continuerait à lui faire confiance. Milicevic est un bon joueur, intelligent et doté d’une bonne frappe mais pas une star. D’ailleurs, en Belgique, d’un point de vue offensif, il y a peu de stars. Qui ? Bailey, de Genk, jeune et rapide. Mais il faut voir comment il va évoluer. Ou Dossevi, du Standard. Par contre, citez-moi un jeune Belge dont on peut dire sans se tromper qu’il jouera à un bon niveau pendant dix ans ?  »

ANDERLECHT – CLUB BRUGES

Notre interlocuteur s’attendait à un match très intense et très serré entre les deux formations belges qui possèdent sans doute le plus de talent individuel.  » Je me demande si Bruges pourra mettre la pression sur Defour et Tielemans comme il l’a fait sur Kums et Boussoufa « , dit-il.  » A moins que Hasi ait une autre idée.  »

Après une demi-heure, il s’énerve.  » On fait beaucoup de bruit avant le match en mettant le volume des haut-parleurs à fond mais on ne voit rien. Il y a beaucoup de déchet, des duels à la limite et de l’intensité mais le jeu est sans cesse interrompu. C’est un peu comme Atlético-Barcelone : du combat, des fautes mais pas de football. Okaka a quelque chose mais il conserve parfois trop longtemps le ballon. Vanaken me plaît bien mais ce serait mieux encore s’il jouait un peu plus vite. Avec sa vision du jeu, j’aimerais le voir évoluer un cran plus bas.  »

Pour lui, Vanaken est le meilleur joueur de Bruges.  » Je n’ai pas vu Gedoz, Diaby, Vormeret Izquierdo. Butelle est un bon gardien, sobre, comme je les aime. Simons a fait son boulot. Meunier et De Bock ont livré un bon match. Meunier peut rêver de l’Euro mais je prendrais plutôt Lukaku que de Bock. Vendredi, sa vitesse lui a permis de résoudre pas mal de problèmes. La puissance et la vitesse sont très importantes au plus haut niveau, actuellement.  »

Devant, Okaka est très isolé à Anderlecht.  » Mais c’est normal puisqu’il est attaquant de pointe en 4-3-3. Seul Hein parvient à faire autrement avec trois attaquants.  »

Question à un million d’euros, Wesley : qui sera champion ?

SONCK :  » Aucune idée. Si c’est Bruges, ce sera grâce à son collectif. Avec, aujourd’hui, Vanaken en évidence. Le départ de Vazquezl’a libéré, même si Vazquez était capable de délivrer la dernière passe, d’isoler un partenaire devant le but.  »

Jelle Vossen ne parvient pas à s’imposer, ça vous surprend ?

SONCK :  » Vossen a des problèmes si on l’aligne en pointe ou dans un 4-3-3. Il préfère tourner autour de l’attaquant. Pour moi, c’est le meilleur finisseur de Belgique mais de là à rêver d’une place à l’Euro, la différence avec nos autres attaquants est trop importante. Jelle manque de talent pour jouer dans une équipe nationale de ce niveau.  »

 » DJURICIC A LA TREMBLOTE  »

Et vous êtes surpris de voir que Timmy Simons est toujours là ?

SONCK :  » Non car je connais sa VO2 Max et je sais que c’est un vrai pro. Tant qu’on l’utilise selon ses qualités, il tient le coup sans problème car il est très fort physiquement et mentalement. L’an dernier, contre Gand, il reculait entre les deux défenseurs centraux mais cette fois, il a fait le pressing sur les meilleurs joueurs gantois. Il faut être costaud et bien dans sa tête pour faire cela. Il n’a raté pratiquement aucun match. A son âge, c’est phénoménal. Pour un entraîneur, c’est un cadeau du ciel, un pion très important. Le numéro six, c’est le moteur d’une équipe. Il détermine le rythme, amorce les attaques et est le premier défenseur.  »

Quelle est la griffe de Michel Preud’homme sur le Club Bruges ?

SONCK :  » Contre Gand, on a vu où il voulait en venir et cela a été bien exécuté. Son style de jeu me fait un peu penser au 4-3-3 de Trond Sollied qui, toute la semaine, travaillait les automatismes. Le dimanche, quand j’étais en forme, j’arrivais à apporter quelque chose de plus. Et si je ne l’étais pas, nous avions au moins une base sur laquelle nous reposer car nous pouvions nous trouver les yeux fermés dans n’importe quelles circonstances.  »

Si Anderlecht est champion, ce sera grâce à quoi ?

SONCK :  » Au système des play-offs. Combien de points de retard comptait-il à l’issue de la phase classique ? C’est peut-être l’équipe la plus talentueuse mais comment ce talent est-il exploité ? Acheampong est si rapide que même Meunier ne peut pas le suivre, Djuricica quelque chose également mais il tremble dès qu’il approche des seize mètres. Tielemansfait trois mauvaises passes d’affilée mais il continue à jouer vers l’avant et à prendre des risques. Pour moi, c’est fantastique. Par contre, je me demande si, physiquement, il tiendrait le coup dans un autre championnat. Je n’en sais rien. Je constate seulement que des gars comme Mbemba, Kouyaté et Koulibaly, des costauds, se débrouillent sans problème.  »

Ce qui n’est pas le cas de nos techniciens.

SONCK :  » Le meilleur exemple, c’est Vadis Odjidja. Un meilleur joueur que la moyenne mais combien de matches a-t-il livré avec Norwich ? Dans les grands championnats, ce qui compte, c’est la puissance et la vitesse. Combien de fois peut-on sprinter ? Et pendant combien de temps ?  »

OKAKA DÉPENDANCE ?

Portons-nous trop vite nos jeunes aux nues ?

SONCK :  » On en fait vite des vedettes pour mieux les casser par la suite. Pour nous, Praetet Tielemans sont des super-talents mais quand on regarde à l’étranger, on voit Marco Reus et Max Kruse alors on se dit qu’au même âge, c’est encore autre chose. Thorgan Hazard est parti dans un club qui était en difficultés mais il commence seulement à percer. Il n’est pas évident, pour un joueur offensif, de faire la différence ailleurs qu’en Belgique. Quand je lis que Praet va partir en fin de saison, je me dis : pour aller où ? Vous trouvez que Praet joue tellement bien qu’il peut aller dans un grand club ? Non ? Eh bien moi non plus ! Quand on est jugé bon, on doit hausser son niveau mais il y a peut-être d’autres facteurs qui entrent en jeu : un bon agent ou l’aspect financier. Les temps ont changé. En 2002, quand j’ai été meilleur buteur du championnat de Belgique avec Genk, le Betis Séville et le Hertha Berlin me voulaient. Genk a exigé 10 millions d’euros : je n’ai plus jamais entendu parler d’eux.  »

Comment trouvez-vous Defour ?

SONCK :  » Plus affûté que l’an dernier.  »

Est-il le patron d’Anderlecht ?

SONCK :  » Quand il n’est pas là, ça se voit.  »

Anderlecht dépend-il trop d’Okaka ?

SONCK :  » Il est logique qu’il dépende d’un attaquant, non ? S’il ne marquait pas, à quoi servirait-il ? Mais c’est vrai que Bruges n’a pas ce problème : là, tout le monde marque.  »

Okaka est-il un grand attaquant ?

SONCK :  » Non mais c’est un bon attaquant. Je trouve qu’il porte parfois trop le ballon, qu’il ralentit le jeu. Pourquoi a-t-il quitté l’Italie ? Parce qu’il avait un problème avec son club ? Alors, il aurait pu aller ailleurs en Serie A. Il est utile à Anderlecht mais, pour moi, il n’y a pas de grand attaquant en Belgique. Je n’en vois que le mardi et le mercredi à la télévision.  »

 » UNE GRIFFE HASI, VRAIMENT ?  »

Vous remarquez la griffe de Hasi à Anderlecht ?

SONCK :  » Bonne question.  »

Vous pouvez répondre ?

SONCK :  » Meilleure question encore ! J’ai du mal à reconnaître le système de jeu d’Anderlecht, les intentions de l’équipe. A Gand, c’est clair, que ça marche ou non. A Anderlecht, il y a des éclairs mais ça dépend beaucoup d’Okaka, tout comme Zulte Waregem dépend de Mbaye Leye.  »

Conclusion : on a des play-offs à deux vitesses ?

SONCK :  » Gand, Bruges et Anderlecht visent le titre, Genk, Ostende et Zulte Waregem sont déjà contents d’être là. Mais c’est comme ça chaque année, non ? Que ce soit clair : le Standard ne méritait pas d’y être mais j’aurais préféré qu’il y soit car il aurait mieux joué son rôle d’arbitre que certains clubs. Il a prouvé en finale de la Coupe qu’il pouvait être fort. Aucun club de play-offs I n’aurait aimé se déplacer à Sclessin.  »

PAR GEERT FOUTRÉ – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Depoitre n’a pas sa place en équipe nationale. Il manque de qualités.  » – WESLEY SONCK

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