» J’AI DE L’INDULGENCE POUR SERGE AURIER « 

Réalisateur du film  » Les chevaliers blancs « , à l’écran actuellement, le Bruxellois a tâté du tennis avant de se passionner pour le foot.

Vous êtes né en 1975. L’année du sacre du RWDM mais aussi de la naissance de légendes comme David Beckham ou Hernan Crespo. Qui est-ce qui vous interpelle le plus ?

JOACHIMLAFOSSE : Beckham m’intéresse beaucoup. C’est presque un sujet de film. Il a instauré le foot spectacle, le bling-bling. Il a créé les à-côtés du foot en rendant public sa vie privée. Tous les ados connaissent le nom de ses enfants et, à la limite, ils ne savent même pas pourquoi ils les connaissent. Il a en quelque sorte popularisé cette vision effrayante du foot sur le foot. Je pense que Beckham a fait de la planète entière son terrain de jeu, il a élargi au maximum l’espace footballistique. Et pourtant, malgré tout ça, j’ai beaucoup de respect pour la noblesse de son jeu parce que Beckham, c’est avant tout quelqu’un qui fait la passe. Un homme que j’ai toujours voulu voir gagner, mais que toute ma vie, j’ai principalement vu perdre. Que ce soit avec l’Angleterre ou en Ligue des champions. Comme quoi, les plus inventifs ne sont pas toujours ceux qui gagnent à la fin.

D’où vous vient cet amour du foot ?

LAFOSSE : J’ai grandi dans une un petit milieu bourgeois où on jouait au tennis et où c’était presque interdit de regarder du foot. C’était mal vu, ce n’était pas bien. En grandissant et en m’éloignant de mes parents, je me suis découvert cette liberté de regarder du foot et j’ai pris beaucoup de plaisir. J’ai fait beaucoup de compétitions en tennis, mais je paniquais en match alors que j’étais très bon à l’entraînement. Le foot m’a fait découvrir les sports d’équipes.

En tant que réalisateur, se retrouve-t-on nécessairement plus dans le rôle d’entraîneur que dans celui de simple joueur ?

LAFOSSE : Déjà, j’aime beaucoup regarder l’attitude des entraîneurs pendant les grands matches. Guardiola est fascinant dans sa manière d’être, dans sa proximité avec ses joueurs. Je trouve que c’est l’inverse d’un Gerets qui était plus dans la violence et le combat avec ses hommes. Mais pour répondre à votre question, oui, l’idée du foot est toujours avec moi sur un tournage et c’est vrai que je suis un peu plus comme un entraîneur. Je ne fais rien, mais je demande à tout le monde de bosser. Je le dis d’autant mieux que je reste très humble par rapport à ça. Mon travail, c’est de stimuler les talents, pas d’en avoir moi, exactement comme un entraîneur. Je dis toujours que je ne suis pas assez talentueux pour travailler avec des cons.

Hormis celle d’un entraîneur, vous vous retrouvez parfois dans la peau d’un supporter ?

LAFOSSE : Évidemment. Il ne faut pas croire, dans le cinéma aussi on organise notre agenda en fonction du foot. On demande régulièrement d’agencer les séances de travail en fonction de ça. Récemment, j’ai tourné avec Vincent Lindon qui est un gros mordu de foot et les frères Dardenne ne loupent jamais un match.

Ce nationalisme à tout crin derrière les performances des Diables, ça vous inspire quoi ?

LAFOSSE : J’adore ça. C’est formidable, le nationalisme à travers le foot, mais ce n’est pas pour autant que je me fais des illusions. Tout ça est éphémère et ce n’est pas parce qu’on supporte la Belgique qu’on se sent plus belge. Regardez la France championne du monde en 1998. Quatre ans plus tard, le FN accédait au second tour de l’élection présidentielle.

Vous avez connu le succès avec  » A perdre la raison  » et  » Les Chevaliers Blancs « , deux histoires largement inspirées de faits réels. Vous vous verriez adapter un fait divers propre au foot au cinéma ?

LAFOSSE : Oui, dans l’histoire du foot, il y a des choses que j’ai déjà envisagé d’adapter à l’écran. Je rêverais par exemple de faire une adaptation du drame du Heysel. Sérieusement, j’y ai déjà pensé. Mais ce n’est pas tout. La rencontre entre Bernard Tapie et Raymond Goethals me fascine aussi.

Récemment, le monde du football a été pas mal bousculé par l’affaire de la sextape de Mathieu Valbuena et les dérapages verbaux de Serge Aurier. Impossible pour vous d’imaginer adapter ce genre d’histoire au cinéma ?

LAFOSSE : Je pense que non (long silence). Ça doit être beaucoup trop… Comment dire ? Ces histoires, elles sont trop ras des pâquerettes, trop pathétiques que pour être intéressantes. Tout le monde parle de l’affaire Serge Aurier ces derniers temps. Mais pour avoir fait de la compète, j’ai de l’indulgence pour ce gars-là. Pas pour la connerie qu’il a faite, mais parce que c’est un jeune gars qui est, comme tant d’autres, dans la nécessité du sacrifice pour devenir un champion. Et on ne peut pas demander à un gars qui fait 3-4 heures de sports par jour de lire Cioran. Je trouve d’ailleurs qu’il y a une certaine noblesse à faire du sport tous les jours. J’ai beaucoup moins d’indulgence pour ceux qui les entourent. Parce que, s’il y a des milliers de crétins qui donnent leur point de vue sur tout et rien dans le foot, il y en au moins autant chez les employés de bureau. En fait, les gens feraient mieux de se taire.

Vous avez dit un jour qu’il n’y avait pas de vérité au cinéma. C’est plus vrai en foot ?

LAFOSSE : Bonne question. Pour moi, la vérité qui me parle le plus, c’est celle du terrain. C’est vrai au cinéma comme ça l’est dans le foot. Le pétage de plomb de Zizou, c’est la fragilité d’un génie. C’est ce qui est beau. Comme de voir un collectif qui se disloque d’un moment à l’autre.

PAR MARTIN GRIMBERGHS – PHOTO BELGAIMAGE

 » L’idée du foot est toujours avec moi sur un tournage.  » – JOACHIM LAFOSSE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire