« J’ai connu des situations bien plus scabreuses « 

Coulés à Ostende, les Dragons sont déjà condamnés par tous les observateurs : leur coach n’est pas d’accord et s’explique…

Pas un succès, neuf points de retard par rapport au quatorzième, Ostende, à la mi-parcours de la phase classique : Mons est très malade, incertain en défense, inexistant à la finition. Cette équipe a été placée aux soins palliatifs et seul un miracle divin peut la sortir de ce mauvais pas. Banneux ne se trouve hélas pas sur la route de Sclessin, prochain pèlerinage des grabataires de l’élite.

 » Pourtant, il reste 45 points à prendre et je crois que cette équipe a les moyens de s’en sortir « , avance Cedomir Janevski, le coach du Tondreau.  » Je ne suis pas un rêveur mais un travailleur, c’est totalement différent. Quand j’ai repris cet effectif, le Cercle de Bruges était dans la même situation que l’Albert. L’équipe de Lorenzo Staelens a du mérite, évidemment, et elle a su obtenir un déclic avec, dans la foulée, une série de succès qui l’a relancée. Pendant ce temps-là, par rapport à des adversaires du même calibre, le ballon n’a jamais roulé pour nous. Or, je suis persuadé que Mons a une équipe comparable à celle du Cercle…  »

Alors que le mercato d’hiver se profile à l’horizon, Mons fait les poussières dans son effectif et a notamment éliminé Harry Novillo, un de ces  » renforts  » de l’été qui n’ont jamais rien apporté.

La pression doit être terrible, n’est-ce pas ?

Cedomir Janevski : Je vais peut-être vous étonner : le président n’est pas plus présent que dans un autre club, ne rappelle pas sans cesse la précarité de la situation. Nous savons tous ce qu’il en est de notre position au classement général. La préoccupation est évidente. Je vois régulièrement le directeur technique, Dimitri Mbuyu, c’est normal. Je n’ai pas de réunion d’urgence. Je bosse. Je suis un passionné, un compétiteur. Mons est un bon club, structuré, avec d’excellentes conditions de travail, qui paye ses joueurs à heure et à temps. Il serait dommage qu’un club comme celui-ci ne reste pas en D1. Vous savez, j’ai connu des situations bien plus scabreuses au cours de ma carrière et je m’en suis toujours sorti. Je reste persuadé, malgré la gravité de ce que vivons, que cette équipe peut trouver des solutions.

 » Je savais ce qui m’attendait  »

Avec le recul, n’avez-vous pas sous-estimé l’ampleur de la tâche qui vous attendait à Mons ?

Non, je ne crois pas. Je n’ai pas hérité d’un club où il n’y avait plus rien, pas du tout. Le problème principal résidait ailleurs. Mons a failli se qualifier pour les PO1 la saison passée. L’effectif a peu varié avec, c’est important, une belle proportion de joueurs belges connaissant bien la D1. Il y avait eu un travail mais une équipe, c’est un ensemble plus fragile qu’on ne le pense : les résultats ont directement un impact sur le mental. Cette équipe a été profondément perturbée par un début de saison malchanceux. Personne ne s’y attendait. Le souci est d’abord mental car les joueurs revivent souvent les mêmes problèmes, encaissent un but en début de match. A Ostende, il y a eu un problème de mentalité et de concentration. Il faudra résoudre ce problème, de préférence avec cet effectif.

De préférence, cela veut dire quoi ?

J’espère toujours m’en tirer sans passer par les PO3. Et on verra en fin décembre si cet effectif est capable de rebondir. Si ce n’est pas le cas, il faudra trouver de quoi nous renforcer en vue de la fin de saison.

Des renforts offensifs ?

On verra en décembre.

Mons a l’attaque la plus famélique de D1…

La presse parle encore de Jérémy Perbet. La finition, c’est aussi une affaire de confiance. Mons a eu des occasions. Au vu de cela, je me dis que nous méritons quelques unités de plus au classement général. C’est râlant car un zeste de chance nous aurait été utile. Marquer, cela concerne toute l’équipe et pas que l’attaquant de pointe. Le danger doit aussi venir de la deuxième ligne, des ailes, etc. On ne marque pas et on ne défend pas seul…

Oui, mais ce qu’on a vu à Ostende ne vous a-t-il pas attristé ?

Mais oui, bien sûr. Les supporters étaient venus nombreux. Nous n’avons pas été à la hauteur de leurs attentes et de nos espoirs. Les joueurs ont bien mesuré que nos problèmes d’attention ne peuvent plus se répéter. A Ostende, comme ailleurs, Mons a encaissé un but à la première occasion adverse. Pour notre équipe, c’est dur à vivre mais la roue va tourner. Il y a de l’expérience dans ce groupe. J’espère que le match amical au White Star Bruxelles constitue un pas dans la bonne direction.

 » Un compétiteur ne renonce jamais  »

Prochaine étape : le Standard…

On connaît les points forts du Standard, brillant leader. Pour nous, ce sera dur à Sclessin et jusqu’au bout de saison. Mais je suis un compétiteur et un compétiteur ne renonce jamais.

Succéder à Enzo Scifo, c’est quelque chose, non ?

C’est un monument du football belge. J’ai eu la joie comme footballeur de jouer contre cette star. Et j’ai fréquenté l’Ecole des entraîneurs avec lui. Pour le reste, c’est la vie, le destin des coaches.

Avez-vous eu des doutes ?

En cas d’hésitations, je n’aurais pas signé à Mons. J’étais bien en Macédoine où, vous le savez, l’équipe nationale est en plein progrès. Et ce n’est pas passé inaperçu. En janvier de cette année, j’ai été contacté par Olympiacos où j’avais été T2 de Trond Sollied. Les Grecs avaient bien mesuré nos progrès. Mais bon, il me restait du pain sur la planche comme T1 de la Macédoine. Ma femme et mes fils vivent à Bruges, que je n’ai pas quitté depuis mon arrivée ici en 1989. J’étais en famille, à Bruges, et sur le point de repartir à Skopje quand Dimitri Mbuyu m’a contacté. Je l’ai rencontré et, après réflexion, j’ai accepté le défi. J’avais envie de retrouver le travail au quotidien, avec un groupe. La Macédoine a joué ses deux derniers matches de Coupe du Monde contre la Serbie et le Pays de Galles sans moi. C’est dommage et les deux défaites m’ont peiné.

Vous avez du métier en tant que coach : comment avez-vous construit votre carrière ?

Pas à pas. J’ai gagné quelque chose dans pas mal de mes clubs. En 1998, je me suis occupé du FC Blankenberge en P1. Nous sommes tout de suite montés en Promotion. J’ai entraîné une saison dans cette série. Blankenberge y est resté alors que le Club Bruges me confiait ses Espoirs. Pour moi, c’était important à plus d’un titre. Pour un coach, il est intéressant de travailler avec des jeunes. Je me suis totalement investi dans cette mission. Je ne citerai pas tous les noms des Espoirs que j’ai préparés à Bruges mais, cela ne date pas d’aujourd’hui, il y a beaucoup de talents en Belgique. A ce poste, j’ai été amené à travailler avec Trond Sollied. Un grand coach.

 » Je vous invite à relire le palmarès de Sollied  »

Qui a été vivement critiqué dans le livre de Marc Degryse…

Je ne sais pas. Pourquoi ?

Il abuse de la bouteille, un problème qui le prive d’une grande carrière, n’est-ce pas ?

Je vous invite à relire son palmarès d’entraîneur : des titres ou des coupes en Norvège, Belgique, Grèce ou Pays-Bas. Moi, j’ai côtoyé UN très grand connaisseur. En cinq ans, Sollied a gagné deux titres et deux coupes de Belgique. Je n’ai jamais rien constaté à propos de ce que vous dites. Et tout le monde peut gérer sa vie privée à sa guise. Moi, ce qui m’intéresse, c’est la chance d’avoir travaillé et progressé avec un tel coach. Je sais de quoi je parle car j’ai aussi bossé avec lui en Grèce où rien n’est facile. Il m’a inspiré, c’est certain, par son désir de jouer offensivement. Avec lui, tout est bien huilé. Le plus souvent en 4-3-3 moderne avec des automatismes, de la présence sur les ailes, etc. Les footballeurs adorent bosser avec lui. Et, quelque part, j’ai retrouvé avec lui le style de travail des clubs d’ex-Yougoslavie quand le championnat de ce pays était un des meilleurs d’Europe.

Restons un instant à Bruges : qu’est-ce que cette ville représente pour vous ?

Ma femme, nos enfants, notre vie de famille. Je suis arrivé au Club Bruges en 1989 après une période faste au Vardar Skopje, en Macédoine. Bruges, c’était un très bon choix. J’ai adoré cette ambiance, ce jeu porté vers l’avant. J’ai participé à la conquête d’un titre et d’une coupe de Belgique. En 1991, Bruges a engagé d’autres étrangers : Tomasz Dziubinski, Paul Okon, Lorenz Kindtner, etc. A cette époque, les clubs ne pouvaient aligner que trois étrangers et j’ai constaté que mon temps de jeu était limité. J’aurais pu me contenter de prendre place dans la tribune et toucher mon salaire jusqu’à la fin de mon contrat. Mais je ne suis pas devenu footballeur pour cela. Je voulais jouer et défendre mes chances en équipe nationale yougoslave. Et j’ai opté pour Charleroi où nous avons vécu des moments inoubliables. J’ai adoré ces quatre ans au Mambourg avec Luka Peruzovic, Robert Waseige et Georges Leekens.

En 2007, le Club Bruges fait appel à vous pour succéder à Emilio Ferrera : que retenez-vous de cette époque ?

C’était à nouveau une progression : Blankenberge, les jeunes du Club Bruges, adjoint de Sollied à Olympiakos, T1 du Club Bruges Je n’ai jamais brûlé les étapes. Le Club ne se portait pas bien. Emilio Ferrera s’était retiré, tout comme Franky Van der Elst et Marc Degryse, directeur technique. Je me suis lancé dans cette aventure avec Danny Verlinden et Jan Van Winckel, préparateur physique. Côté direction, je ne voyais que Filips Dhont. En championnat, Bruges était cinquième et termina sixième. C’est en coupe de Belgique que Bruges a fait la différence et sauvé sa saison.

 » Un coach décide pour le bien de tous  »

Malgré une finale de coupe de Belgique gagnée 1-0 contre le Standard de Michel Preud’homme, vous ne restez pas : pourquoi ?

J’aurais pu rester.

Expliquez-nous cela ?

Au match aller des demi-finales de la coupe de Belgique, nous avons été battus 3-1 à Gand. La direction s’est dit, je crois, que tout était plié, saison terminée, et qu’il fallait tenter autre chose. Elle a entamé des discussions avec Jacky Mathijssen. Mais, voilà, au retour, on a éliminé Gand : 2-0, bonjour la finale de la coupe de Belgique. Pour moi, ce n’était pas une surprise.

En finale, vous surprenez tactiquement le Standard…

Nous avons bien disposé nos pions.

Les méchantes langues affirment que les cadres de l’équipe ont choisi l’occupation du terrain : est-ce vrai ?

Faux et je ne l’aurais pas supporté. Un coach, c’est un patron qui décide pour le bien de tous. Pas toujours facile. Je suis originaire des Balkans et, là, les coaches vivent leurs matches à fond. On a peut-être remarqué que je me manifestais beaucoup sur le banc mais je vois que Michel Preud’homme et Guy Luzon le font encore plus que moi. Bien avant la finale, j’avais déjà posté Philippe Clément dans la ligne médiane Au stade Roi Baudouin, il a marqué Marouane Fellaini à la culotte. Et qui d’autre que moi aurait pu lui confier cette mission ? Personne…

Ce fut la clef de cette finale gagnée 1-0 ?

Oui, Clément a dominé Fellaini dans le trafic aérien.

Tout cela alors que Bruges avait déjà signé avec Mathijssen ?

Il y avait accord entre eux. Bruges était embarrassé et m’a proposé un nouveau contrat de trois ans.

Ah, bon…

Je devais être une espèce de T1 bis, former un duo avec Mathijssen. Même si la proposition financière était intéressante, j’ai repoussé cette éventualité. J’ai donc décidé d’opter pour une autre solution après avoir aidé Bruges dans la conquête de son dernier trophée…

Un peu frustrant quand même ?

Pas du tout.

Je ne vous crois pas…

Cela fait partie du football. A l’Olympiacos, on a réalisé le doublé. Et je suis certain qu’on en aurait obtenu un deuxième. En décembre 2006, la direction a estimé que notre parcours en Ligue des Champions n’était pas assez bon. On a rencontré le Real, Lyon et Rosenborg. Olympiacos n’a pas passé ce cap : c’était une excuse facile pour nous virer. Je retiens des moments extraordinaires en Ligue des Champions. Je n’oublie pas Gand (T2 de Sollied), Al Shabab Sharjah (EAU, T2 de Peruzovic), l’Etoile Rouge de Belgrade, Paralimni et Achnas à Chypre, l’équipe nationale macédonienne, Mons. Je suis un passionné et, même si c’est parfois dur, j’exerce le plus beau métier du monde.

PAR PIERRE BILIC -PHOTOS : IMAGEGLOBE

 » J’espère toujours m’en tirer sans passer par les PO3.  »

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