?J’ai compris Bölöni »

Le coach du Standard lui reprochait de ne pas assez bosser au quotidien : le message est passé…

« Plus c’est local, plus c’est universel  » : cette expression a été inventée par le grand cinéaste français, Jean Renoir (1894-1979), auteur notamment de La Grande Illusion . Il aurait apprécié l’authenticité liégeoise de Christian Benteke , ce colosse de 19 ans qui a grandi en mangeant des tartines au sirop de Liège et gardé son accent de Droixhe.  » Je ne renierai jamais ce coin-là « , dit l’attaquant que le Standard a cédé pour une saison à Georges Leekens . Que ce soit au stade des Eperons ou dans l’appartement tranquille de Courtrai où il vit seul, Benteke est resté un gamin de Liège :  » J’habitais un peu plus loin que Droixhe, mais je m’y rendais régulièrement pour jouer au foot. C’était notre religion… Je reparle parfois de tout cela avec Mehdi Carcela que j’ai connu là-bas : nous avons les mêmes ambitions et les mêmes rêves de réussite grâce au football.  »

Si Benteke ne snobe pas Amerc£ur, les rues de son enfance, les tours, les pelouses et les terrains de jeux où il a croisé à 11 ans celui qui est devenu son agent, Kismet Eris, ou la JS Pierreuse, son premier club, il est né à Kinshasa :  » J’avais deux ans quand ma mère a décidé de quitter le pays. C’était la guerre au Congo. Ben , mon père, était soldat et voulait mettre les siens à l’abri de tous les dangers. J’ai gardé quelques flashes de cette époque. Je n’avais jamais vu autant d’hommes blancs avant notre arrivée à Liège.  »

Benteke en rigole encore avant de continuer :  » Ma tante Pauline , la s£ur de ma mère, vivait déjà en Belgique. A Liège, elle gérait avec succès son commerce et voyageait régulièrement aux Etats-Unis et en Chine pour dénicher des vêtements.  »

Entre ses études et le foot, la balance pencha vers le sport dès qu’il termina ses humanités au Collège Marie-José à Liège :  » Pour mes parents, il était primordial que je décroche au moins ce diplôme et cela m’a procuré mes premiers soucis.  » Benteke songe à sa rupture avec le Standard quand il avait 16 ans. Un moment douloureux qui s’inscrit dans la guerre entre Sclessin et Genk. Ulcérés par le départ de Steven Defour au Standard, les Limbourgeois tentent alors de piller les rangs de jeunes couvés sur les terrains de l’Académie Robert Louis-Dreyfus .

Benteke est plongé dans un débat qui ne le concerne pas. Genk l’exhibe comme un trophée arraché sur les terres de l’ennemi liégeois. A Sclessin, la rumeur affirme que le père de Christian a cédé son fils pour une liasse de billets de banque.

 » A Genk, Haroun et Bailly étaient mes grands frères « 

La vérité est ailleurs. Libre de son choix, Benteke veut terminer ses études secondaires :  » Pour moi, c’était quand même de plus en plus difficile au Standard. Le rythme école-entraînement était très dur à supporter et le Standard n’avait pas encore clairement opté pour les jeunes du cru. A Genk, par contre, ce virage avait été pris. J’étais quasiment certain d’avoir un jour ma chance en équipe première. Même si ce ne fut pas facile, mon choix était uniquement sportif. Si l’argent avait constitué ma priorité, je serais resté au Standard qui m’offrait de loin un meilleur contrat. Mais j’avais l’impression que le chemin de la D1 était plus court à Genk qu’au Standard. En plus, ce passage dans le Limbourg m’a permis de mûrir. J’ai dû m’organiser. Après les cours, un chauffeur de Genk venait chercher les jeunes de la région affiliés à l’Arena Stadium. Là, je me suis retrouvé dans un autre univers. Je n’avais jamais vécu en Flandre. Cela m’a fait du bien. J’ai trouvé de nouveaux points de repère en découvrant une autre langue, le néerlandais. Je dois beaucoup à Ronny Van Geneugden qui coachait les Espoirs. C’est probablement sur ses conseils qu’ Hugo Broos m’a intégré dans le noyau A et j’ai été très bien reçu dans un vestiaire où des grands frères se sont superbement occupés de moi : Faris Haroun , Logan Bailly , etc.  »

En décembre 2008, le Standard flaire la bonne affaire et se rapproche de son ancien élément. Le flirt plaît beaucoup à Benteke qui ne peut cacher que son sang est rouche. La presse affirme que le trésorier du Standard lui a signé un chèque de 150.000 euros rien que pour parapher un contrat de quatre ans et demi.

A Genk, le titre, les décorations et autres distinctions ont été rangées dans de vieilles malles abandonnées au fond du grenier. Le Standard se bat pour décrocher son deuxième titre consécutif et cela chauffe en tête du classement. Il y a même un clash entre Milan Jovanovic et Dieumerci Mbokani . Benteke en profite pour dépanner le département offensif de Laszlo Bölöni .  » Au départ, je savais bien que j’arrivais en deuxième rang par rapport à Jova , Dieu et Igor de Camargo . J’étais leur réserviste et je devais apprendre mon métier en observant la vitesse de Jovanovic, la technique de Mbokani et la puissance de travail de de Camargo. J’ai tiré profit de ce statut de doublure et j’ai eu la chance de jouer avec ces trois grands footballeurs. Alors, même si je n’ai ren- du des services que durant six mois en 2008-2009, le titre m’appartient aus- si.  »

Le vent tourne cependant au début de la saison en cours. Bölöni le raye des cadres et le cantonne parmi les Espoirs. C’est le teammanager, Jean-Christophe Bury , qui lui annonce la nouvelle. Pour Benteke, c’est le moment le plus éprouvant de sa jeune carrière :  » Je ne m’attendais pas à ce coup de théâtre. A mon avis, je n’avais pas démérité mais le temps de jeu était extrêmement important pour moi. C’était vital. Et j’ai suggéré moi-même la solution du prêt.  »

Ses problèmes ne passent pas inaperçus et les clubs désireux d’acquérir ses services se bousculent : Roda, Zulte Waregem, Club Bruges, Courtrai, etc. C’est le moment de ne pas se tromper car une carrière est en jeu. Un mauvais aiguillage suffit parfois à envoyer le train dans le brouillard. Benteke n’hésite pas longtemps et son choix se porte sur le FC Leekens :  » Je savais que c’était le coach idéal pour moi à ce moment de ma carrière. Cet entraîneur a lancé pas mal de jeunes. Il sait entretenir un climat familial tout en étant sévère et exigeant quand cela s’impose. « 

 » Leekens m’a expliqué que Bölöni ne m’aurait pas critiqué sans raisons valables « 

Au moment où, gêné par un petit souci au genou, Benteke s’adapte à son nouvel environnement, il subit un tir de barrage de Bölöni :  » Le jour où il aura des crampes, il faudra me prévenir et j’irai le masser en pleine nuit s’il le faut…  » Ces propos très crus atteignent leur cible. Touché, coulé Benteke ? Non, touché et réveillé :  » Sur le moment, j’ai été ravagé par la manière. C’est dur de lire de telles critiques et d’être qualifié de fainéant, ce que je ne suis pas. Les jeunes font des erreurs et je ne me donnais peut-être pas à 150 %… Ma taille aidant, je donne probablement l’impression d’être trop cool. J’ai évoqué les propos de Bölöni avec Leekens. Ce dernier m’a bien expliqué qu’un entraîneur comme Bölöni ne m’aurait pas critiqué sans raisons valables. J’ai compris les critiques à mon égard. Il a raison et c’est à moi de lui prouver que le message est passé. « 

Petit à petit, l’armoire à glaces de Droixhe s’est installée sur le terrain de Courtrai et le déménagement est terminé :  » J’ai trouvé ce que je cherchais : du temps de jeu. Je commence à faire partie du paysage de la D1. J’existe alors que j’avais, apparemment, peu de chances de sortir de l’ombre de Jovanovic, Mbokani et de Camargo au Standard. Courtrai pratique un jeu positif. J’ai huilé les automatismes avec Leon Benko , Sawaneh Ibou , Mohamed Messoudi , Davy De Beule , Brecht Capon , Sven Kums , etc. Notre équipe joue bien au foot. Avec Ibou, qui plonge bien dans les espaces, je peux me réaliser dans le rôle du pivot offensif qui garde le ballon, attend la montée des milieux ou se présente dans le trafic aérien devant le gardien de but adverse.  »

Etonnant en championnat, Courtrai a surpris avant de passer à côté de la montre en or en Coupe de Belgique :  » Nous avons franchi deux obstacles difficiles, à Virton et au Standard, avant de chuter stupidement contre Roulers. Chez nous, à l’aller de ce quart de finale, nous avons mené 3-0 en vue de la fin du match. Nous nous sommes déconcentrés et Roulers est revenu à 3-2 avant de gagner 1-0 lors de la deuxième manche : le rêve était terminé. Ce ne fut pas facile à digérer et il faut aller le plus loin possible maintenant en championnat. « 

Mais la Coupe, ce fut aussi pour Benteke le but marqué au Standard :  » Je ne l’oublie pas. Il n’y a pas eu d’explosion de joie car je suis Liégeois ; j’appartiens à ce public et au club de ma jeunesse, de mon c£ur et, si possible, de mon avenir. Mon bonheur interne était cependant très fort. Et je prouvais ainsi que si je n’avais pas pu prendre part à Courtrai-Standard, en championnat, c’est parce que j’étais souffrant. Et pas en raison d’un accord entre les deux clubs avant mon passage à Courtrai. « 

Benteke a certainement pensé à tout cela dimanche passé lors de la visite des Flandriens à Sclessin. Son avenir sera-t-il rouche ou pas ? Son sort dépend-il du départ de Mbokani ? Des clubs étrangers ne s’intéressent-ils pas à lui ?

 » On fera le point à la fin de la saison « , conclut-il.  » J’ai été loué pour un an et il me restera encore trois ans de contrat au Standard. Je sais qu’il y a des pistes qui mènent à l’étranger. Il n’est pas exclu non plus que je reste plus longtemps à Courtrai. Je sais que c’est ici qu’Emile et Mbo Mpenza ont entamé leur carrière : c’est peut-être un signe. « 

par pierre bilic – photos : reporters/ vander eecken

Je savais que Leekens était le coach idéal à ce moment de ma carrière.

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