» J’ai changé quand mon fils et Vercauteren sont arrivés ! « 

L’attaquant a failli claquer la porte de Genk il y a un peu moins d’un an mais il a signé une superbe saison. Pourquoi ?

Marvin Ogunjimi (23 ans), sous contrat dans le Limbourg depuis 2004, est un des fers de lance d’une attaque dont on a beaucoup parlé… Depuis des années, on loue son talent mais son irrégularité et une succession de blessures ne lui ont jamais permis d’émarger réellement à l’élite de notre championnat. Ogunjimi a plutôt été l’homme de certains moments, comme il y a deux ans, en finale de la Coupe de Belgique contre Malines. Il avait sauvé la saison du Racing en inscrivant deux buts, mais n’a pas poursuivi sur sa lancée.

Selon Ronny Van Geneugden, qui l’a entraîné en Espoirs puis en équipe fanion, la lenteur de son éclosion est due à son manque de maturité :  » Marvin s’est trop longtemps comporté en adolescent pubertaire. Il lui a fallu du temps pour prendre son métier au sérieux. Je veux parler de la diététique et de tout ce qui va de pair avec le football. Il était également trop impatient. Cette saison, il a manifestement accompli de gros progrès. Il a été régulier durant l’entraînement mais aussi pendant les matches. Il semble avoir acquis de la maturité. « 

Merci, Hugo !

Ogunjimi ne peut qu’approuver l’opinion de son ancien entraîneur. Lorsqu’on lui demande s’il est satisfait de sa saison, il confie spontanément une anecdote qui remonte à quelques années : c’était en 2007 et Hugo Broos était alors l’entraîneur en chef du Racing.

Marvin Ogunjimi : J’avais l’impression d’être incompris car Hugo Broos m’offrait peu de chances. Je me savais doué et je voulais le montrer, d’où mon impatience. Maintenant, je reconnais que je n’étais pas prêt. Broos avait raison : j’étais irréfléchi, je manquais de maturité. Je lui suis reconnaissant de cette leçon. Il m’a appris comment travailler pour réussir. On ne peut pas se contenter de profiter de la vie. Je devais vivre une telle passe dans ma carrière. L’année suivante, Genk m’a loué au RKC Waalwijk et ce fut une saison très enrichissante. Je me suis libéré et j’ai joué chaque semaine.

Votre objectif personnel, cette saison, était d’insuffler plus de régularité à vos prestations. Estimez-vous avoir réussi ?

J’ai été trop souvent blessé la saison dernière et après la finale de Coupe. C’était partiellement mental : je pensais être devenu fragile ! Cela a changé cette saison. Je n’ai pratiquement raté aucun entraînement.

Pourquoi parvenez-vous à être régulier ?

Je vis plus calmement, je surveille mon alimentation, je me soigne. Savez-vous ce qui a été décisif, selon moi ? La naissance de mon fils Jayden, fin 2009 a coïncidé avec l’arrivée de Frankie Vercauteren. Depuis, je suis nettement plus régulier. Jayden a 16 mois, maintenant, et sa présence m’apaise. J’oublie tout quand, en revenant de l’entraînement, je le vois rire.

Au début de la saison, votre situation n’était pourtant pas rose : vous jouiez peu et aviez déclaré en public que vous souhaitiez partir.

J’étais suspendu la première journée de championnat puis j’ai livré un bon match contre Turku en Coupe d’Europe, ce qui ne m’a pas préservé du banc. On m’a préféré le duo Vossen-Barda, à juste titre puisque l’équipe tournait bien. J’ai quelque peu baissé les bras à ce moment.

A-t-on alors revu l’ancien Ogunjimi ?

Peut-être. J’étais surtout fâché contre moi-même. A la fin de la saison précédente, j’avais pu être important pour Genk et j’espérais l’être encore. Nous étions en août et j’hésitais entre resigner ou partir. J’ai vécu deux semaines pénibles sur le plan mental puis j’ai tourné la page. J’ai bien joué contre Porto. J’étais relancé !

C’est quand même étonnant : vous avez prolongé votre contrat quelques semaines après avoir exprimé votre mécontentement et expliqué qu’après sept ans à Genk, vous aviez envie de changer d’air.

J’ai paraphé un nouveau contrat, valable jusqu’en 2015, le 31 août, soit l’ultime jour des transferts. J’avais envisagé de ne pas signer car j’aurais été libre à la fin de cette saison. D’autre part, j’avais envie de rester à Genk… si le club consentait un effort pour me conserver.

Le problème était-il d’ordre financier ?

J’intéressais des clubs étrangers et je savais ce que je pouvais y gagner. Cela joue un rôle, évidemment, mais je devais aussi tenir compte de mon fils et j’ai préféré ne pas prendre de risque. Je n’avais pas non plus envie de passer six mois sur le banc avant de repartir.

Le club vous a-t-il placé sous pression pour que vous resigniez ?

Non. Il a simplement consenti un effort supplémentaire et je lui en suis reconnaissant.

Une question de travail

En novembre, Kevin De Bruyne a attrapé la mononucléose et le jeu de Genk s’est quelque peu enrayé. Est-ce le baromètre de la valeur de De Bruyne ?

Je pense que oui. Il lit le jeu plus vite que les autres. Pour un avant, jouer avec lui est un rêve : il suffit de se placer. Steven Defour possède cette qualité aussi. Ils ont le même potentiel mais à des positions différentes. A mes yeux, Defour est plutôt un contrôleur devant la défense, à côté d’un pare-chocs, à l’instar de Xavi à Barcelone.

Selon vous, De Bruyne est-il un flanc ou un numéro dix ?

Il préfère évoluer au numéro dix et il a été formé à ce poste mais je pense qu’il obtient un rendement au moins équivalent sur le flanc. Son jeu des deux pieds y constitue un gros avantage. De Bruyne regorge de classe. Je ne suis pas surpris que des clubs comme Chelsea le suivent. S’il reste les pieds sur terre, il peut réussir n’importe où.

Selon plusieurs observateurs, la force de frappe de Genk était essentiellement due au concept tactique de Vercauteren, qui poste des joueurs créatifs – De Bruyne et Buffel – sur les flancs. Etes-vous d’accord ?

Le mérite revient surtout au staff technique. Hans Visser, Vercauteren et Pierre Denier sont très complémentaires. Vercauteren a une vision, Visser entraîne spécifiquement les schémas offensifs et Denier est l’élément calme de l’ensemble.

Que fait concrètement Visser avec les attaquants ?

Nous nous entraînons souvent au terme de la séance collective. Par exemple, il effectue des tirs puissants, que j’apprends à convertir depuis le premier poteau. Par exemple, quand Elya Barda et moi avons été suspendus après le match contre le Club Bruges, nous avons mis ce temps à profit pour travailler nos trajectoires de course et plonger au premier poteau puis expédier le ballon dans le but, de l’intérieur du pied.

Ce plongeon au premier poteau n’est-il pas devenu votre marque de fabrique ?

C’est une question de travail. Nous avons répété cette phase à l’infini. Ce n’est pas un hasard si je marque la majorité de mes buts du premier poteau maintenant. Quand un avant court au second, il recule. S’il change brusquement de direction et court vers l’avant, le défenseur n’a pas le temps de s’interposer. Et a toujours une fraction de seconde de retard. Même si le défenseur sait ce que nous allons faire, il ne peut pas réagir… Voir tout ce labeur couronné de succès me procure une profonde satisfaction. Par exemple, nous travaillons aussi beaucoup les transversales. Cela concerne toute l’équipe. De Bruyne et Buffel doivent savoir quand et où délivrer le ballon. Ce qui est merveilleux cette saison, c’est que tout ce que nous exerçons revient en cours de match.

Quel but symbolise le mieux ce travail ?

Notre premier but à domicile contre le Standard, après vingt secondes. C’était le 17 octobre et nous avons gagné 4-2. Jelle s’empare du ballon, pivote et je cours dans le dos du défenseur. Nous exerçons ce mouvement : un avant se dirige vers le ballon, l’autre court vers l’avant.

La différence entre Barda et Vossen

Autre constat des observateurs de Genk : les avants se font moins souvent prendre au piège du hors-jeu. Est-ce aussi le fruit d’interminables séances d’entraînement ?

Oui. En début de saison, j’étais fréquemment hors-jeu parce que nos adversaires savaient comment nous jouions. Nous avons essayé de jouer très haut, ce qui était nouveau pour nous. Nous nous sommes longuement exercés. Il fallait apprendre à attendre avant de foncer et à multiplier les transversales. Un avant a tendance à trop chercher la profondeur car s’il se contient, il entame sa vitesse. En fait, il faut s’entendre avec l’entrejeu ou la défense et calquer son jeu sur celui des autres.

Cela se produit-il facilement ou le processus requiert-il du temps ?

Au début, on se cherche beaucoup, on essaie d’établir un contact visuel avec celui qui doit nous délivrer la passe puis cela se fait les yeux fermés ! Tözser maîtrise parfaitement cet aspect. Sa passe est fantastique et il sait toujours comment nous nous mouvons. De Bruyne aussi. Ils ont l’art de trouver une ouverture d’une seule passe.

La métamorphose de Tözser est frappante. Son premier but contre Gand l’illustre parfaitement : avant, jamais il ne se serait montré dans le rectangle adverse.

C’est encore une question de trajectoires. Vercauteren lui a appris à chercher la profondeur au bon moment. Fabien Camus en serait aussi capable s’il n’était blessé.

On n’aurait jamais cru que Tözser aurait un coffre suffisant pour jouer comme il le fait. Vercauteren vous a-t-il fait travailler intensément votre condition physique ?

Non. Avant, on nous envoyait dans les bois et nous courions. Maintenant, nous nous entraînons en fonction de notre compartiment de jeu et sans course dans les bois.

Le noyau a-t-il paniqué quand João Carlos a été vendu pendant la trêve hivernale ?

Carlos était un défenseur d’un autre calibre, sans doute le meilleur de Belgique mais pourtant, Genk n’a pas perdu en qualité suite à son départ. On ne parle pas beaucoup de Torben Joneleit mais il est excellent. On le sous-estime, certainement sur le plan strictement défensif. C’est aussi le cas d’Eric Matoukou, qui est un pion important de l’équipe et est fiable saison après saison. Il y a encore Anele. Nous n’avons donc pas paniqué : le club savait qu’il possédait suffisamment d’alternatives. Le duo Joneleit-Matoukou a de l’avenir. S’il le faut, Anele peut évoluer dans l’axe et Anthony Vanden Borre à l’arrière droit.

En pointe, Vercauteren peut fait tourner ses effectifs à souhait. Les statistiques révèlent que toutes les combinaisons sont efficaces. Quelles sont les différences entre les tandems offensifs ?

Quand je joue avec Barda, je dois rester davantage en avant. Il garde très bien le ballon et l’a souvent. Jelle et moi permutons davantage, l’un jouant en décrochage puis en pointe, l’un au premier poteau, l’autre au second. Barda préfère distiller une passe tandis que Vossen court beaucoup et change de côté.

Un brin de folie

Vous avez également effectué de bons débuts en équipe nationale belge. Comment y jouez-vous ?

Très différemment car je suis seul en pointe. Alors qu’avec Genk, nous sommes souvent homme contre homme, en équipe nationale, je suis constamment couvert par deux défenseurs.

Vous avez déjà dévoilé votre préférence pour le 4-4-2.

Oui, car j’aime bouger beaucoup dans les espaces. Or, dans un 4-3-3, je suis plutôt à l’avant-centre. Je peux évoluer dans les deux registres, ce qui constitue sans doute mon point fort. Je suis aussi capable de conserver un ballon et de centrer.

Etes-vous surpris d’avoir acquis aussi vite le niveau des Diables Rouges ?

Plutôt. A l’entraînement, le niveau est déjà plus élevé mais j’ai senti que l’entraîneur me faisait confiance et quand on entre comme je l’ai fait contre le Kazakhstan, on est lancé. Mes prestations m’ont valu le respect.

On a immédiatement remarqué vos liens avec Lukaku. Où avez-vous fait connaissance ?

Comme ça, en équipe nationale. Nous avons les mêmes centres d’intérêt, nous jouons ensemble à la Playstation, nous venons de la même région. Lukaku est un chouette gars. Quand il s’est blessé, contre le Kazakhstan, et que je l’ai remplacé, il m’a félicité pour ma prestation. Il a fait de même après l’Autriche. Il est capable de se réjouir pour les autres.

Avez-vous conseillé Lukaku quand il a traversé une période difficile, en fin d’année ?

Je ne comprends pas les gens. Il a à peine 18 ans. Il n’a pas trouvé le chemin des filets pendant quelques semaines, partiellement à cause d’une blessure et d’une préparation ratée. Les critiques qui l’ont accablé n’étaient pas justes. Je lui ai conseillé de ne pas écouter les gens. Certains savent de quoi ils parlent mais la majorité critique sans avoir jamais touché un ballon. Il est talentueux et va certainement être transféré dans un grand club. Je le dis toujours : laissez parler les journalistes. Ce ne sont pas eux qui font votre carrière.

Ils déterminent quand même votre image auprès du grand public…

C’est ce qui m’est arrivé : j’étais fainéant, je ne travaillais pas assez, je sortais trop. J’ai tout entendu. C’est pour cela que je ne parle plus à certaines personnes.

Vous êtes distant à l’égard de la presse mais vous êtes très présent et bavard dans le vestiaire. Vous méfiez-vous tellement des journalistes ?

De tous ceux que je ne connais pas bien, oui ! Certains en déduisent que je suis arrogant alors que je conserve simplement mes distances. Certaines questions m’irritent. Je préfère donc les éviter. Mais rassurez-vous : j’aime rire et je suis même un petit peu fou.

Votre réserve démontre que les critiques vous touchent.

Je ne le nie pas.

Un Mondial raté

Vous avez failli ne jamais être Diable Rouge, puisque vous auriez pu jouer pour le Nigeria.

Mon père en est originaire mais je n’ai jamais eu de contacts avec lui ou le pays. Puis, peu avant le Mondial sud-africain, il s’est avéré que la fédération nigériane me suivait. J’aurais peut-être pu participer au Mondial. C’était tentant car j’entamais ma dernière année de contrat à Genk et un Mondial réussi aurait constitué une belle vitrine.

Pourquoi n’avez-vous pas accepté ?

Genk disputait les play-offs et je ne voulais susciter de remous. En plus, je n’avais pas encore vraiment fait mes preuves alors que le Nigeria regorge d’excellents attaquants. Se produire pour une nation africaine entraîne aussi de nombreux problèmes extra sportifs. Dieu merci, je m’amuse bien avec les Diables Rouges.

PAR MATTHIAS STOCKMANS – PHOTOS: JELLE VERMEERSCH

 » Joao Carlos était un des meilleurs défenseurs de Belgique mais son départ n’a pas pesé lourd. « 

 » Pour un avant, jouer avec Kevin De Bruyne est un rêve. « 

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