« J’ai appris à réfléchir »

La flèche de Schalke retrouve-t-elle la forme au bon moment?

Le cadet des frangins a vu sa saison perturbée par deux blessures. La première fois déjà, il était réapparu très vite en forme, inscrivant un but et délivrant deux assists lors de la victoire 5-1 contre le Bayern Munich le 26 janvier. Il revient au bon moment pour les échéances de fin de saison: les dernières journées de Bundesliga et la finale de la Coupe d’Allemagne le 11 mai avec Schalke 04, et surtout la Coupe du Monde avec les Diables Rouges.

La crainte de louper la Coupe du Monde a-t-elle hanté votre esprit?

Emile Mpenza: Je n’y ai pas pensé. L’essentiel était de guérir et de retrouver toutes mes sensations. Si je loupe le rendez-vous japonais, ce n’est pas la fin du monde. Je n’ai que 23 ans et d’autres occasions se présenteront. Aujourd’hui, mon horizon s’est un peu éclairci, mais la santé demeure mon principal souci.

En raison de vos blessures, Robert Waseige n’a toujours pas pu juger de votre complémentarité avec Wesley Sonck.

C’est vrai, nous n’avons pas encore eu l’occasion d’évoluer ensemble, et après la rencontre de ce mercredi contre la Slovaquie, il ne restera plus beaucoup de matches de préparation pour pouvoir nous tester. Pourquoi donc ne serions-nous pas complémentaires? Wesley Sonck s’est très bien adapté au style de jeu de Moumouni Dagano. Et, pour le peu que j’ai vu des matches de Genk, j’ai l’impression que ce style se rapproche du mien. Précédemment, on avait aussi émis des doutes sur la complémentarité entre Luis Oliveira et moi. Or, cela avait très bien fonctionné. Je m’étais aussi très bien entendu avec Branko Strupar. En fait, je n’ai pas de préférence.

Et votre frère Mbo?

Là, c’est vrai que disputer la Coupe du Monde à ses côtés, ce serait le rêve. Si nous pouvions évoluer ne fût-ce que dix minutes ensemble au Japon, je ne l’oublierai jamais. Ce serait surtout une belle récompense pour lui. Il a beaucoup travaillé pour retrouver la forme. Et il a fait le bon choix en optant pour Mouscron. Je pense que, si je m’étais retrouvé dans la même situation que lui, j’aurais agi de façon identique.

Rien à côté du Standard et de Mouscron

Mouscron également?

Mouscron ou le Standard. Si, un jour, je revenais en Belgique, ce sera dans l’un de ces deux clubs. Ils m’ont marqué au fer rouge. Mbo, à son retour, a eu le choix. J’espère que, le jour venu, je n’aurai qu’une possibilité, car le choix serait cornélien en ce qui me concerne.

Quels seraient les arguments des uns et des autres?

De mon passage à Mouscron, j’ai surtout retenu l’ambiance familiale. Dans aucun autre club, à ce jour, je n’ai ressenti de tels liens entre les joueurs. Il n’y avait aucune jalousie, on prenait énormément de plaisir à se retrouver et je crois qu’il ne faut pas chercher ailleurs les raisons du succès de la première saison. Au Standard, j’ai fait l’apprentissage du professionnalisme. Lorsque j’étais Hurlu, j’allais encore à l’école et je m’entraînais le soir. Les blessures dont j’ai été victime à Sclessin découlaient peut-être de ce changement de régime trop brusque auquel j’ai été soumis. Du Standard, je garde aussi un souvenir ému des supporters. Malgré les difficultés rencontrées, et les résultats en dents de scie de l’équipe, ils nous ont toujours encouragé, mon frère et moi.

Lorsque vous avez quitté le Standard pour Schalke 04, on s’était posé des questions. On se demandait comment un jeune homme timide, qui ne parlait pas un mot d’allemand, allait s’imposer dans l’univers impitoyable de la Bundesliga. Ces doutes sont aujourd’hui balayés.

On prétendait que j’étais trop jeune lorsque je suis parti à Schalke 04. Cela aussi, c’est typiquement belge: on est toujours trop jeune pour tout. Pour ma part, je n’ai jamais douté. J’ai eu la chance, au début, que l’entraîneur m’ait fait crédit des quelques hésitations dont je me rendais coupable. Il m’a laissé le temps d’apprendre. J’ai beaucoup progressé en Allemagne et la présence de Marc Wilmots m’a aidé. Depuis, Nico Van Kerckhoven et Sven Vermant sont venus grossir la colonie belge. Un autre avantage. Je crois que notre entente se ressent sur le terrain. Les Diables Rouges pourraient également tirer profit de ces automatismes.

Plus grande sûreté

Vous voyez que vous y songez, à la Coupe du Monde!

Oui, je mentirais en prétendant que je n’y songe pas, mais je ne vis pas ces semaines-ci de la même façon qu’en 1998, avant le rendez-vous français. Je suis beaucoup plus serein. Depuis que je joue en Allemagne, j’ai gagné en assurance. Je suis respecté par des défenseurs de valeur internationale. Les blessures que j’ai encourues, et les efforts que j’ai à chaque fois dû consentir pour revenir dans le parcours, m’ont aussi endurci mentalement. Je n’ai plus peur de jouer devant 60.000 personnes, c’est le cas pratiquement chaque week-end. En Belgique, je n’avais joué qu’une fois devant 30.000 personnes, lors d’un Standard-Anderlecht. Je suis devenu plus sûr de moi.

Face au gardien?

Entre autres. Mais j’ai aussi appris à me déplacer sur le terrain, en fonction de mes partenaires. Je sais désormais qu’il y a des moments où je dois jouer en une touche de balle et d’autres où il convient de temporiser. J’ai appris à réfléchir sur le terrain.

Tout cela, vous n’auriez pas pu l’apprendre en Belgique?

Plus difficilement. Ici, j’ai affaire à des défenseurs à la fois costauds et rapides, forts de la tête également, et une simple accélération ne suffit pas à les surprendre. Il faut donc user d’autres subterfuges. Malgré la difficulté, j’ai d’emblée senti que je m’imposerais en Allemagne. Le style de jeu de la Bundesliga me convenait et j’ai rapidement trouvé une complicité avec Ebbe Sand en pointe.

Pareille à celle qui vous unissait à Mbo?

Non, c’est impossible. Nous ne sommes pas des frères. La complicité qui existe entre Mbo et moi ne disparaîtra jamais, même si nous n’avons plus évolué ensemble depuis deux ans. Le sang qui coule dans nos veines provient de la même famille et cela ne trompe pas. C’est difficile d’expliquer la différence, ce sont des sensations internes, mais Ebbe Sand et moi, nous nous comprenons également très bien, et je pense pouvoir affirmer que depuis deux ans, nous formons l’une des meilleures paires d’attaquants de la Bundesliga.

L’efficacité de votre duo avait failli offrir le titre à Schalke 04 l’an passé. Ces dernières secondes du championnat 2000-2001, qui ont basculé in extremis en faveur du Bayern Munich, demeurent-elles les plus douloureuses de votre carrière?

C’est dur d’être passé aussi près du titre mais c’est aussi une grande fierté d’avoir poussé le Bayern Munich dans ses derniers retranchements. Les Bavarois ne laissent souvent que des miettes aux autres, et lorsqu’ils connaissent une saison plus difficile, il faut pouvoir en profiter. Nous ne l’avons pas fait. Cette saison, le Bayern Munich connaît une autre saison profitable, mais selon toute probabilité, c’est Leverkusen qui en profitera.

Toujours la Ligue des Champions?

De votre côté, que pouvez-vous encore espérer de cette saison?

En championnat, malgré un départ très laborieux, nous pouvons toujours espérer décrocher l’une des places qualificatives pour la Ligue des Champions. Après y avoir goûté, j’ai fort envie d’en reprendre. Comme tout le monde, ici. Cette saison, nous manquions sans doute d’expérience dans cette compétition, et nous n’avons pu émerger dans un groupe qui comprenait Arsenal, Panathinaikos et Majorque. Nous aurons retenu la leçon pour la saison prochaine. Et puis, le 11 mai, il y a la finale de la Coupe d’Allemagne. C’est le grand objectif, un peu comme pour Mbo avec Mouscron, mais Leverkusen, notre adversaire, est en plein boom pour l’instant. Nous avons gagné là-bas en championnat et nous avons partagé 3-3 à domicile. Rien n’est impossible. Lorsque j’avais signé pour Schalke 04, on m’avait expliqué que le club souhaitait grandir progressivement pour devenir un grand d’Allemagne. C’est venu plus vite que prévu. Nous évoluons dans une toute nouvelle arène, nous avons terminé deuxièmes l’an passé, nous sommes finalistes de la coupe cette saison: il n’y a pas de quoi faire la fine bouche.

Etes-vous d’accord avec ceux qui affirment qu’il vous a manqué la formation de base en Belgique?

Je suis fier de l’enseignement qui m’a été prodigué en Belgique. Je ne le renie pas du tout. Mais c’est vrai que je n’ai pas eu la chance de suivre les cours d’un centre de formation à la française, par exemple.

Est-ce à ce niveau-là que se situe la différence entre Thierry Henry et vous, notamment?

Il était beaucoup plus avancé que moi dans les catégories d’âge, effectivement, et cela se voit encore aujourd’hui dans la manière dont il évolue, ballon au pied. Il était déjà formé au moment où il est parti à l’étranger. Ce n’était pas mon cas. J’apprends maintenant, à 22 ou 23 ans, des gestes que j’aurais dû maîtriser plus tôt. On connaît le peu de moyens accordés à la formation en Belgique et on ne peut pas m’en rendre responsable. Le Futurosport n’existait pas encore lorsque je suis parti de Mouscron. Puissent les générations futures en bénéficier.

Et la langue de Goethe?

J’accorde désormais des interviews en allemand! Je comprends tout et je me débrouille pour répondre. Au début, ce ne fut pas évident. J’ai pris des cours mais je ne progressais pas beaucoup. Puis, au contact de mes partenaires, j’ai appris quelques mots. Et ensuite davantage. Le plus dur fut de vaincre la timidité. J’avais peur d’être ridicule. Une fois franchi ce pas, je me suis senti plus à l’aise. Aujourd’hui, je suis heureux d’avoir appris l’allemand. Connaître une autre langue, c’est toujours utile.

Serez-vous toujours à Schalke 04 la saison prochaine?

Bien sûr. Je n’irai pas à la Coupe du Monde dans le but de me montrer afin d’obtenir un bon transfert. Il me reste encore un contrat de deux ans à Schalke 04 et je compte bien l’honorer.

Daniel Devos, envoyé spécial à Gelsenkirchen,

« Complémentaire avec Sonck? Je suis complémentaire avec tout le monde »

« Il me reste encore deux ans avec Schalke et je resterai »

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