» J’ai appris à gérer un groupe de D1 « 

L’entraîneur de Charleroi revient sur ses premières émotions et déceptions de sa carrière d’entraîneur de D1.

On avait beau penser qu’il collait bien avec le nouveau projet carolo, on ne le connaissait pas encore vraiment. Et puis, ne dit-on pas que la saison de la confirmation est souvent la plus compliquée chez un promu ? Pour toutes ces raisons, l’arrivée de Felice Mazzu à la tête du Sporting Charleroi avait été accueillie avec certaines réserves. Six mois plus tard, l’ancien entraîneur du White Star a réussi son examen d’entrée dans l’élite du football belge. Les Zèbres n’ont jamais été mêlés à la lutte pour le maintien et à quelques jours de la trêve, il ne leur manque plus que quelques points pour s’assurer définitivement une place en D1 la saison prochaine. Sport/Foot Magazine a dressé un bilan avec Felice Mazzu.

Est-ce que vos six premiers mois répondent à vos attentes ?

Felice Mazzu : J’ai affiché de grosses prétentions en arrivant. Puis, en avançant, je me suis dit que j’avais peut-être une ambition démesurée. J’ai mis des dispositifs trop hautains et offensifs en début de saison et je me suis rendu compte que je devais quelque peu changer mon fusil d’épaule. Si je fais le bilan, j’ai quand même un goût de trop peu au niveau des points car on en a gâché beaucoup trop par rapport au contenu proposé. Le tableau de marche est cohérent pour l’extérieur mais moi, en mon for intérieur, j’estime qu’on devrait avoir au moins cinq ou six points de plus. Je pense aux partages contre Malines, Waasland ou à Courtrai.

Pourtant, on sent que Charleroi évolue…

On a envie que Charleroi change, ne soit pas toujours dans le ventre mou. Et avec quelques points en plus, on aurait franchi un palier. Il y a une équipe qui avance mais qui aurait pu avancer plus vite. Après, quand on voit ce que mon groupe est capable de faire au Standard, à Courtrai, face à Anderlecht ou Bruges, cela demeure des grosses satisfactions. Certains nous donnaient descendants en début de saison et on est en train de répondre à tous ces gens.

Au niveau personnel, comment s’est passée cette découverte de la D1 ?

Je ne sais pas si la D1 est faite pour moi – c’est plutôt à vous d’y répondre – mais moi, je m’y sens bien. J’ai appris à gérer mes émotions, à rester plus serein à certaines occasions, notamment en début de saison lorsqu’on prenait peu de points. J’étais plus nerveux, je savais que tous les objectifs étaient braqués sur moi ; on avait déclaré que je serais le premier entraîneur viré. On a beau essayer de gérer tout cela, il n’y a rien à faire, certaines situations sont plus difficiles que d’autres. Au fur et à mesure, j’ai aussi appris à gérer un groupe de D1. J’ai vu, certaines semaines, que le groupe était plus nerveux, ce qui ne m’était jamais arrivé en divisions inférieures.

 » J’ai vu que ce que je tentais en D2 pouvait aussi réussir en D1  »

Un groupe nerveux ?

Il est arrivé qu’il y ait des accrocs entre deux joueurs lors des entraînements. Je n’avais jamais vécu des situations de conflit. Mais attention : des conflits qui se terminent très vite. Et le staff m’a expliqué que c’était normal dans un groupe de D1.

Quelle fut la situation la plus délicate à gérer ?

La mi-temps de Mons qui ne fut pas de tout repos. Là, j’ai dû prendre deux grosses décisions. Dans un contexte difficile : on n’avait pris qu’un point en deux rencontres et on était menés. Et je venais de débarquer dans cette division.

Et le moment le plus satisfaisant ?

La victoire contre Anderlecht.

Etait-ce le match le plus abouti du Sporting ?

Non. Pour moi, c’était celui à Courtrai (1-1). Je pense avoir trouvé là un dispositif de référence par rapport aux qualités des joueurs.

La 1re mi-temps du Standard a également marqué les esprits…

C’est sans doute la mi-temps la plus aboutie si on prend en compte le fait de contrarier l’adversaire. Ce jour-là, on a déjoué les plans d’un grand club.

Au-delà des résultats, vos trouvailles tactiques ont trouvé un large écho. Ça vous rend fier ?

Oui, ça me fait plaisir. Ce sont des choses que j’ai essayées parce que je pensais réellement que ça pouvait marcher. Je n’ai pas tenté des coups de poker pour que l’on parle de moi. Pour preuve, à chaque changement de dispositif, j’ai eu de longues discussions avec mes joueurs avant de prendre une décision. Il y avait toujours le bien du groupe derrière chaque choix. Mais comme ça a bien fonctionné, ça générait de la satisfaction, du plaisir et de la confiance en moi. Je me rendais compte que ce que je tentais en D2 ou D3 pouvait également fonctionner en D1.

Etes-vous un entraîneur qui aime tenter ou au contraire qui recherche un système stable ?

Je veux appliquer un système sans y toucher.

 » La seule fois où je me suis adapté, c’est au Standard  »

Ces changements incessants démontrent que vous n’avez donc pas encore trouvé votre formule idéale ?

Non, je ne suis pas à la recherche de quelque chose. Le dispositif que j’ai voulu mettre en place n’a pas fonctionné car je ne disposais pas des joueurs adéquats pour lui. A terme, c’est vers cela que je tends. En attendant, j’opte pour des dispositifs qui collent aux qualités de mes joueurs. Je me suis prononcé pour deux médians défensifs à un moment où on ne défendait pas assez bien, puis j’ai voulu qu’on joue mieux au foot et je suis revenu à un seul médian défensif. On a beaucoup dit que je m’adaptais à l’adversaire. Je ne suis pas d’accord. La seule fois où je me suis vraiment adapté, c’est au Standard. A Courtrai, j’aurais pu reconduire le système mis en place au Standard mais je ne l’ai pas fait.

On peut résumer votre saison en parlant dans un premier temps d’une vision ambitieuse, puis d’une peur de ne pas prendre de points aboutissant à une vision plus frileuse avant de petit à petit revenir à une vision plus ambitieuse ?

Plus frileuse, non. Mais quand tu viens de division inférieure, tu as moins de temps que Michel Preud’homme pour mettre en place ton équipe. Tu dois donc trouver des solutions tout de suite. Preud’homme a pu se permettre un 0 sur 9. Moi, je n’aurais pas eu ce crédit-là si j’avais continué avec mon 4-4-2. Ma place aurait pu être en danger mais je n’ai pas modifié mon système par peur de la perdre mais par obligation de prendre des points.

Charleroi repose sur son trident offensif (Pollet-Kaya-Milicevic). Est-ce sa force ou sa faiblesse ?

Les deux. Quand ils sont sur le terrain, c’est une force. Mais s’ils ne sont pas là, je dois changer malheureusement de dispositif.

Est-ce que ça signifie qu’une absence d’un des trois aboutit à moins d’ambitions offensives ?

Non, mais je pars du principe que je dois baser mon système sur mes meilleurs hommes. Et ils en font clairement partie !

Ce sont les moteurs de votre équipe ?

Oui, mais il y a aussi un gars comme Ederson qui a fait six premiers mois extraordinaires. Derrière, il y a aussi un noyau. Bison et Rossini qui ne jouent pas sont hyper respectueux envers le groupe depuis le début de la saison.

 » Pollet et Rossini ne se sentent pas sur un terrain. Ça ne marchera plus  »

Lors de votre arrivée, vous étiez persuadé de pouvoir bien faire jouer ensemble Pollet et Rossini. Est-ce un échec ?

Oui, c’est sûr mais si on regarde leurs qualités, je suis toujours convaincu qu’ils peuvent évoluer ensemble.

Mais allez-vous retenter l’expérience ?

Non. Ce n’est plus possible. Il ne se sentent pas sur le terrain. Ça ne marchera plus. La complémentarité ne passe pas.

Vous partiez avec peu de certitudes au niveau défensif. Pourtant vous avez trouvé votre ligne arrière…

On possède la sixième défense alors qu’on a pris cinq buts à Anderlecht et qu’on s’est beaucoup cherché. Je suis donc très content de l’ossature défensive même si la perte de Francis N’Ganga nous est préjudiciable.

Sébastien Dewaest s’est installé, ce que n’a pas réussi Jonathan Vervoort. Pourquoi ?

Vervoort m’a semblé plus affûté après un gros match contre Reims lors de la préparation. Il a donc débuté la saison. Mais après un bon match à Bruges, il était fautif sur quelques buts pris. Dewaest rongeait son frein et à un moment donné, j’ai trouvé qu’il nous fallait plus de robustesse, de présence physique dans les duels. Je l’ai donc lancé. Il s’est installé. Après, je préfère Satli sur le banc car il est polyvalent. Vervoort a également changé de comportement. A son arrivée, il était très fermé. Depuis six, sept semaines, on découvre un Vervoort épanoui, souriant, communicateur. Il est sur le bon chemin. Même si sa meilleure place est défenseur central et que pour le moment, il est hors de question de sortir Dewaest et Javi Martos.

Thiaré et Daf ont montré de bonnes choses avant de s’éteindre. Comment l’expliquez-vous ?

Ils sont jeunes. Pour le moment, ils sont plus dans l’aspect instinctif que dans la réflexion. Prenons le match de Mons : je m’énerve à la mi-temps et dans le feu de l’action, ils font une mi-temps explosive. Ils ont réagi à l’instinct. Par contre, sur le plan de l’organisation ou de l’aspect tactique, ils doivent encore grandir. Ils ont de l’avenir mais ils ne sont pas encore prêts à être des guerriers de D1.

 » Ma carrière est un éternel recommencement  »

Non. Ma carrière est un éternel recommencement. Si je dois reprendre à zéro en janvier, je le ferai. Maintenant, quand je vois les prestations de certains, c’est vrai que je peux m’inquiéter de voir l’un ou l’autre élément partir mais si le club doit vendre pour survivre, c’est la vie !

Que faudrait-il comme joueur pour vous renforcer ?

Un flanc polyvalent. Avec un autre style que Kaya et Milicevic. Quelqu’un capable d’apporter de la pénétration, des débordements et des centres.

Un peu un nouveau Guillaume François…

Exact !

Parlons de François : vous le sortez rarement de l’équipe…

Je l’apprécie au poste de back droit et, dans le dispositif actuel, c’est le seul, sur le flancs, capable de se replacer comme deuxième médian défensif lorsque nous avons perdu le ballon. Il commence à avoir des gestes défensifs et c’est un garçon intelligent, qui comprend très vite les consignes tactiques.

Comment prenez-vous la nouvelle comparaison entre votre équipe et le Sporting de la fin des années 80, capable du meilleur comme du pire ?

Ça m’énerve car je fais tout pour changer cela. Mais en même temps, les faits sont là. Je ne peux pas le nier. On gagne contre Anderlecht et on fait 0-0 à Waasland. Mais ce n’est pas un manque d’envie, j’en suis persuadé. Que doivent dire les grands qui viennent se casser les dents chez nous ? Eux aussi font des grands résultats et puis viennent se ramasser contre le petit Charleroi.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Je n’ai pas tenté des coups de poker pour que l’on parle de moi.  »

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