» J’adapte ma tactique aux réalités de Charleroi « 

Après 5 mois de présence à Charleroi, le plus jeune coach de l’élite semble enfin avoir trouvé un équilibre. Pourtant, il a longtemps tergiversé sur la manière de disposer ses joueurs.

Ce n’est jamais simple de travailler sous une pression constante. Douzième du championnat avec seulement 18 points, YannickFerrera, coach de Charleroi, n’a plus droit à l’erreur. Il doit engranger des unités s’il ne veut pas être poussé vers la sortie.

Si la belle victoire (2-0) face à Courtrai ce week-end lui donne un peu d’air, elle le conforte surtout dans ses principes et idéaux footballistiques. Après 18 journées de championnat, le cadet des Ferrera a enfin pu appliquer son football et sa tactique : un 4-4-2 léché.  » Ce coup-ci, ça a très bien fonctionné, nous verrons par la suite si nous pouvons continuer à jouer de la sorte « , confie le mentor carolo.

Cette victoire fait du bien car ça fait longtemps que Charleroi ne s’était plus imposé ?

Yannick Ferrera : Je ne m’emballe pas, nous avons encore un long chemin à parcourir pour nous sauver. Cette semaine, j’ai pu prouver qu’en appliquant ma tactique fétiche, Charleroi a fait le jeu et s’est imposé face à Courtrai. Nous avons allié solidité défensive et construction simple, propre et efficace devant. L’apport du second attaquant est crucial dans mon système. MynorEscoe a beaucoup travaillé face à Zulte-Waregem et la montée de MohammedAoulad a fait beaucoup de bien face au KaVé.

Tu alignes deux fois tes gars en 4-4-2 et ce sont les seuls matchs lors desquels Charleroi est vraiment dominant !

Je maintiens que c’est le système le plus simple et le plus efficace, celui avec lequel on peut être dangereux de plein de manières différentes tout en restant solide derrière. Je suis persuadé qu’une équipe est capable d’évoluer à 9 contre onze si les deux lignes de 4 sont solides, bien en place et qu’elles respectent certaines consignes que je garde pour mon groupe.

Pourquoi ne pas avoir directement mis en place cette tactique ?

Parce que je n’avais pas les joueurs pour ? ! Je me suis adapté pour utiliser au mieux mon groupe avec GiuseppeRossini en tant que target-man. J’ai longtemps stabilisé l’entrejeu en alignant 3 médians axiaux positionnés dans un 4-5-1. Mais selon moi, il n’y a pas photo, il faut évoluer avec 2 attaquants ayant chacun leurs spécificités. Avec une seule pointe, Rossini était trop esseulé. OnurKaya, qui évoluait derrière lui, était positionné trop loin et mes deux médians latéraux devaient trop travailler défensivement pour pouvoir profiter des déviations de Rossini en contre.

Il te manquait ce second avant…

Il fallait un relais à côté de Giuseppe. J’ai besoin de gars comme Escoe ou Aoulad, capables de partir de derrière, de se décaler sur les ailes et de jouer en profondeur. Ce sont deux bons joueurs mais il leur a fallu du temps pour prouver en match des qualités visibles à l’entraînement.

 » Nos faiblesses apparaissent quand on est menés au score  »

Quelle est ta philosophie de jeu ?

Avec moi, tout le monde bosse. Je veux de la discipline, de la solidité et beaucoup de mobilité. Avec beaucoup de mouvement, nous pouvons couper des lignes de passe et presser le porteur du ballon. Offensivement, le mouvement déstabilise l’adversaire. Je veux développer du jeu à chaque match. On ne gagne pas en jouant mal.

Pourtant, avant Courtrai, les victoires des Carolos se résumaient à une bataille défensive…

On ne gagnait qu’en étant solidaires derrière. Nos faiblesses apparaissent lorsqu’on encaisse en premier et qu’on court après le score. On se jette alors trop vers l’avant. Pourtant, les joueurs connaissent parfaitement l’organisation à appliquer. Ils s’emballent parfois trop vite et foncent à l’abordage du but adverse. Même si on est mené au score, il faut rester prudent, surtout en reconversion défensive. Nous sommes meilleurs en menant en score…

Il faut démarrer le match avec une optique plus positive ?

Je n’ai pas encore la solution. Foncer sans réfléchir vers le but adverse est trop risqué. Nous pressons déjà haut, si nous allons encore plus de l’avant et qu’un de nos opposants sort de son marquage, on est dans la merde.

À la base, ton jeu est basé sur des combinaisons courtes. Ta vision a évolué ?

Pas le moins du monde. Quand mes joueurs s’enorgueillissent et montrent leurs capacités techniques, on mérite notre place en D1. Le problème est que ce n’est pas simple à appliquer en permanence. On ne sait pas jouer avec de longs ballons, il faudrait que je sois aveugle pour évoluer de la sorte. Mais depuis l’arrivée de Rossini, je peux donner un peu d’air à ma défense. Nous tentons toujours de construire via un jeu court mais s’il n’y a pas de solution à la relance et qu’un défenseur balance devant, le ballon n’est pas perdu. C’est un jeu plus vertical et direct que je prône mais il faut savoir s’adapter aux réalités de Charleroi.

 » Avec une préparation complète, j’aurais moins tergiversé  »

C’est ça la recette miracle : faire avec ce qu’on met à ta disposition ?

Je ne m’éloigne pas trop de ma philosophie. Ça fait des années que je travaille sur certaines idées, je me vois mal les oublier. Par contre, il est vrai qu’il aura fallu près de 6 mois pour que j’applique finalement ma tactique. À mon arrivée, l’équipe était déjà là et les joueurs n’avaient pas tous le profil pour évoluer dans mon schéma de jeu. Peu importe, je ne m’en plains pas. Mon job est de réussir avec l’équipe mise à ma disposition. Je dois parvenir à m’intercaler entre mes idéaux et mon groupe. Je fais des erreurs mais tout n’a pas été simple : je n’ai pas eu beaucoup de temps pour préparer mon effectif et puis 32 joueurs, c’est énorme. Il faut donner sa chance tout le monde.

Le temps de préparation, c’est ce qui t’a le plus manqué pour mettre en place ton système ?

C’est clair, avec une préparation complète, je n’aurais pas dû faire mes tests durant les 7 premières journées. J’aurais pu appliquer mon 4-4-2 plus rapidement. Malheureusement, l’équipe n’était pas stable à l’époque, il fallait 3 médians axiaux pour garder le navire à flot.

On connaît les conditions de ton arrivée : l’équipe n’était pas prête et la direction était sur le point de revendre le club. Comment as-tu su gérer tout cela ?

Ça a été très complexe. Les gars revenaient d’une saison tranquille en D2. Ils n’avaient jamais dû pousser au-delà de leurs limites. Désormais, je vois le groupe évoluer chaque semaine. Nous n’avons pas toujours été au top et j’ai ma part de responsabilité dans le peu de points engrangés. Je l’assume, même si dans ma tête je sais que j’ai bien bossé. Que je sois viré ou qu’on me prolonge, j’aurai tout donné.

 » Trop de changements déstabilisent le groupe  »

Ton erreur demeure certainement le trop grand nombre de turnovers effectués dans ton effectif. Tu as déjà convoqué 25 titulaires différents et seulement 6 d’entre eux ont été alignés 12 fois sur 18 ou plus. Tu ne penses pas avoir déstabilisé ton groupe en faisant trop tourner ton noyau ?

Avec un noyau pareil, il faut essayer de contenter tout le monde mais ce n’est jamais simple. Nous avons également souvent du palier à des manquements de type blessures ou suspensions. J’ai un peu pataugé au début et j’ai testé mon effectif les premières semaines de compétition. Je n’avais pas le choix, avec un seul match amical je n’avais pas pu voir tout le monde à l’oeuvre. A posteriori, je me rends compte que ce turnover peut déstabiliser. J’aurais peut-être dû oser aligner deux fois la même équipe d’affilée. On cherche toujours la stabilité. Au risque de me répéter, arriver si tard dans la préparation ne fut pas facile.

Tu as également beaucoup varié tes schémas de jeu…

J’avais mes idées qui mûrissaient depuis un petit moment, pourtant je me suis cherché en début de saison. Je débutais dans le métier et on ne m’a pas ménagé en me lançant directement dans le vif du sujet. J’aurais voulu appliquer mon 4-4-2 mais si de facto j’avais pris 3 claques d’affilée, j’étais bon pour le chômage. J’ai longtemps tergiversé avant de trouver un onze de base plus ou moins stable. Je me suis adapté en fonction du groupe et de certains adversaires.

Comme au match aller face à Courtrai, par exemple !

Toutes les consignes défensives n’étaient pas encore totalement assimilées. Je n’avais pas le choix, j’ai aligné une défense à 5 car nous n’étions pas prêts. La preuve, la semaine suivante, on se prend une tatouille face au Standard.

C’est le 2-6 qui t’a poussé à te regrouper défensivement face au Beerschot ?

On a paniqué. Quand tu en prends 6 la semaine d’avant, tu ne veux qu’une seule chose : ne pas encaisser. Malheureusement, on a échoué alors que face à Courtrai c’était passé. C’était une erreur. Mettre Aoulad seul en pointe face à Zulte-Waregem en était une autre. Je voulais de la profondeur, ça n’a pas fonctionné. J’en prends la responsabilité. Si je fais des conneries, je prends sur moi même si, trop souvent, on oublie que Yannick Ferrera n’est pas sur le terrain.

 » Le changement gagnant ? C’est une vaste blague !  »

Tu tires des leçons de chaque match ?

Même de chaque entraînement. J’en suis à me première expérience et j’évolue chaque semaine. J’apprends de mes erreurs et je me remets en question en permanence.  » Pourquoi ceci n’a pas fonctionné ? Pourquoi ne pas avoir choisi tel exercice à l’entraînement ?  » Ce sont des questions que je me pose au quotidien.

Tu te demandes parfois comment utiliser Hervé Kagé pour qu’il soit plus efficace ?

Il sait ce qu’il doit faire pour franchir un palier. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un souci de positionnement ou de tactique, car Hervé est souvent aligné comme homme libre. Il est loin d’avoir exploité 100 % de ses capacités cette saison mais je ne perds pas espoir. S’il arrive à penser plus vite sur le terrain, il peut jouer dans un club du Top 6 sans problème.

L’entrée de Kagé face à Courtrai lors du premier tour est peut-être le seul changement gagnant que tu aies réalisé…

C’est de la vaste blague ce mythe du changement qui tue. Parfois on prévoit un changement 24 heures à l’avance et si le gars la pousse dedans tu as droit à des  » bravo coach « . Tous mes choix sont réfléchis bien à l’avance et je ne veux presque rien laisser au hasard. Tenter le coup de poker n’est pas souvent gage de réussite.

PAR ROMAIN VAN DER PLUYM – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Je dois parvenir à m’intercaler entre mes idéaux et mon groupe. « 

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