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IVAN LEKO

Saint-Trond

MES PARENTS

Lorsque je n’étais encore qu’un enfant, je pensais que nous avions tout ce que nous pouvions recevoir. Le communisme offrait à chaque citoyen un lieu où dormir et trois repas quotidiens. J’allais à l’école avec ma balle car nous avions un terrain où nous pouvions jouer. Les plus âgés, eux, se rendaient compte que ce système ne permettait pas de gravir les marches de l’échelle sociale. Ma mère et mon père ont tous deux suivi un cursus universitaire mais n’en tiraient aucun avantage par rapport à ceux qui n’avaient pas une telle formation.

Le fait de bien ou de mal travailler n’avait aucune incidence : tout le monde recevait le même salaire et le même appartement. Nous habitions donc dans 60 m2. Les Croates qui avaient l’envie et les capacités de faire quelque chose de leur vie étaient malades du communisme. Ils voulaient se débarrasser de ce système et retrouver leur indépendance. En Yougoslavie, à l’époque, il ne faisait pas bon clamer haut et fort que tu étais Croate. Notre peuple est fier et il souhaitait sa liberté pour pouvoir le manifester. Malheureusement, la transition ne pouvait pas se faire normalement.

MES ANNÉES DE GUERRE

La guerre a duré de mes 13 à mes 17 ans, soit de 1991 à 1995. J’ai eu la chance qu’elle n’a fait rage à Split que durant une dizaine de jours. Enfant, je ne me rendais pas compte que ce conflit était une question de vie ou de mort. Je restais là, dans notre abri sous-terrain à jouer aux cartes. Je voyais quand même la crainte dans le regard de mes parents. Les bombardements n’ont pas trop détruit Split.

Seules des cibles militaires ont été touchées. En dehors de ces dix jours, la vie battait son plein comme d’habitude alors que dans d’autres villes, comme Vulkovar, les bombardements ont duré durant des mois. Mes parents étaient scotchés à la radio pour suivre l’évolution de la guerre dans le reste du pays.

À la fin du conflit, on a découvert l’indépendance et l’arrivée du capitalisme. Les gens devaient d’un coup s’adapter à un système qui n’offrait pas de filet de sécurité. Ils ont d’abord gagné moins d’argent que sous le régime communiste mais ils croyaient vraiment en cette nouvelle manière de penser. Petit à petit, ils ont évolué. La crise financière de 2008 a cassé ce bel élan. Le revenu moyen en Croatie est resté bas : 750 euros de salaire net par mois.

Le capitalisme est arrivé trop tard pour mes parents. Ils n’ont pas réussi à se mettre dans une meilleure situation que par le passé. Le communisme a entravé la meilleure partie de leur vie. Ils n’en restent pas moins heureux et pensent avoir mené une belle existence.

Toute cette partie de notre histoire a forgé l’esprit des jeunes footballeurs en Croatie. Ils pensent que leur sport est leur unique porte de sortie. Ça se voit à la flamme qu’ils ont dans les yeux. Lors de mon arrivée en Belgique, j’ai directement réalisé la différence d’envie qu’il existait entre un jeune Croate et un jeune d’ici.

MON HÉROS FOOTBALLISTIQUE

Lorsque Luka Modric arrêtera, il deviendra le meilleur joueur croate de l’histoire. Plus que Zvonimir Boban. Modric est l’un des meilleurs joueurs du Real Madrid et il est apprécié de tous pour sa personnalité. Boban possédait également un caractère similaire. Ce genre de figure, ça me parle. Quand tu as ce statut, tu dois amener quelque chose de positif.

MON CONSEIL TOURISTIQUE

Pour moi, la Croatie ne se résume pas à un monument ou à une rue. Quand j’ai le mal du pays, c’est parce que les gens me manquent. Mon coeur s’emballe quand je suis avec d’autres Croates à Split. Bien sûr, la ville regorge de curiosités touristiques mais si j’ai un conseil à donner, c’est de simplement rouler à travers la campagne, de s’arrêter où le hasard vous mène et de se plonger dans l’ambiance locale. Les habitants ne vous décevront pas. Vous verrez à quel point les Croates sont accueillants, prêts à donner un coup de main ou à partager leurs expériences avec vous. Quand je mettrai un terme à ma carrière, je retournerai à Split me reposer au bord de la mer. Avec un café sur la table et mes amis autour de moi, j’attendrai mes petits-enfants.

KRISTOF DE RYCK

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