Iraniennes crucifiées par la FIFA…

Ça se passe en Iran. C’est une histoire de nuques. A ne pas confondre avec une histoire d’eunuques, même si l’Iran ancien en compta pas mal. Et c’est une histoire de femmes, même si je pressens que le foot féminin en Iran ne vous emballe pas des masses. Mais faites un effort, toutes les filles du monde ont le droit de taquiner le ballon et certaines le taquinent joliment. La preuve par ce Mondial féminin qui bat son plein en Allemagne et pour lequel les Iraniennes… n’étaient pas qualifiées : dommage ou heureusement, toujours est-il que la polémique que je vais vous narrer en aurait été plus vivace encore !

Alentour de 2008, les footballeuses iraniennes, qui ne sont pas légion, évoluent en pantalons de training bouffant, et portent le hijab musulman, cette sorte de fichu qui couvre chevelure et cou tout en laissant voir le visage. Dans les écoles et ailleurs, l’Occident est en pleine guerre du voile et ce n’est sans doute pas un hasard si l’ International Board – qui n’avait jusqu’alors jamais causé religion dans ses Lois du Jeu – s’offre une décision nouvelle via sa Loi 4 : dorénavant,  » l’équipement de base ne doit comporter aucune inscription politique, religieuse ou personnelle « . Oserais-je dire que les Iraniennes se font donc – rien qu’un peu – remonter les bretelles par la FIFA (qui n’est pas le Board) en mars 2010 : pas de hijab, mais okay pour un bonnet couvrant les tifs jusqu’à la racine ! Okay, même si la Loi 4 précise que tout équipement supplémentaire doit avoir  » pour objectif de protéger l’intégrité physique sans constituer un danger quelconque « . Toutefois, la FIFA ajoute un bémol : pas question que ce bonnet descende sous les oreilles au point de masquer la nuque !

Allez savoir sur quel fond fétichiste s’articule la concession de Sepp Blatter et des autres mâles fifesques, toujours est-il qu’en août 2010, les Iraniennes disputent sans problème les premiers J.O. de la Jeunesse, dans l’accoutrement de la photo ci-jointe : avec le petit bonnet recommandé, et un short si long qu’il masque les genoux. Rien de cela n’est interdit par la Loi 4 puisque rien n’est inscrit et que le port du bonnet a été concédé. D’accord, le short est plutôt un pantacourt ne laissant rien voir des gambettes, mais c’est quand même un short et ce sont des bas… Daniel Van Buyten ne nous donnait pas beaucoup plus à voir quand il se les remontait jusqu’à la base des cuisses !

Arrive le clash du début de ce mois, match face à la Jordanie, qualificatif pour les J.O. de 2012. Les Iraniennes arborent quasi le même accoutrement, sauf qu’elles posent sur la photo d’avant-match avec la partie inférieure du short rentrée dans les bas,… et sauf surtout que le bonnet s’est allongé à l’arrière pour masquer cette fois totalement la nuque ! L’arbitre refuse, les Jordaniennes l’emportent par forfait, les Iraniennes pleurent : le petit bout de tissu supplémentaire a amené la FIFA à y voir une allusion religieuse cette fois condamnable… alors qu’elle y consentait lorsque la nuque restait visible !

Micmac bien de chez Foot, et bêtise intolérante. Evidemment que ce bonnet résulte d’une obédience à l’Islam ! Mais d’abord, impossible de gommer toutes les allusions religieuses : la télé montre sans cesse des gars qui prient Allah en gros-plan avant leur match, et d’autres qui font le signe de croix dès qu’ils sortent du terrain,… on ne va quand même pas leur brandir pour cela du carton ! Ensuite, les Iraniennes ne trouvent pas toutes forcément marrant, ni seyant, de devoir jouer en pyjama… mais les brimer pour cela dans leur amour du foot, c’est faire le jeu des extrémismes ! Moi, quand je serai réincarné en femme et que j’habiterai Téhéran, si je dois porter un bonnet de schtroumpf pour pouvoir jouer au foot, je râlerai mais je porterai un bonnet de schtroumpf ! Enfin, imaginez une victoire iranienne un jour au Mondial féminin, le but victorieux juste avant le coup de sifflet final, la buteuse ivre de joie qui perd la tête, enlève son bonnet et laisse se dérouler sa chevelure ! Transgression somptueuse ! Mille fois mieux que Brandi Chastain en 1999 lors de la finale USA-Chine, quand l’Américaine nous releva son maillot pour montrer… deux bonnets ! A chacun ses croyances, ses contraintes, ses enthousiasmes. A chacune aussi.

PAR BERNARD JEUNEJEAN

A chacun ses croyances, ses contraintes, ses enthousiasmes. A chacune aussi.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire