iPhone man

Le RC Genk a une nouvelle vedette, caprices compris.  » Tout ira bien avec Okri « , affirme Mame Amirov, son agent, qui ne lâche pas son poulain d’une semelle.

Pas d’interview de Tornike Okriashvili. Genk protège son Géorgien, suite à son arrivée tumultueuse. Il n’est en Belgique que depuis deux mois mais il a déjà fait parler de lui. Il y a eu sa bagarre nocturne avec NgcongcaAnele, suivie de la panne de carburant de son auto et son arrestation en état d’ébriété. Ensuite, il a passé trois jours à Istanbul, de retour d’un match à Tbilissi avec la Géorgie : son permis de séjour n’était pas en ordre et la Turquie a refusé de le laisser passer. Entre-temps, son but contre l’Irlande a fait le tour du monde.

Deux jours après son retour tardif, Okriashvili était aligné face au Club Bruges. Alex McLeish répugne à l’admettre mais le joueur s’est vite rendu indispensable. Il est devenu un héros à Genk.  » On exagère tout « , estime son agent, Mame Amirov, qui a quand même rappelé son poulain à l’ordre.  » Il doit éviter les problèmes. En Ukraine, les footballeurs vivent comme des rois. On s’attend à ce qu’ils se comportent en stars et si la police l’avait trouvé ivre, elle l’aurait raccompagné. Okri a compris qu’il devait m’écouter. Il vit des années cruciales pour son développement.  »

Amirov (31 ans) possède sa licence FIFA depuis six ans.  » Je suis plutôt un grand frère pour mes joueurs. C’est pour ça que j’en ai peu. Je préfère un tout bon à dix moyens.  » Les parents d’Amirov, des jezidis kurdes, ont fui la Géorgie pour des raisons économiques et se sont installés à Termonde. L’agent a joué en catégories d’âge du club local mais sa seconde carrière lui réussit mieux. Son premier coup en Belgique fut le transfert de Jaja Coelho de Westerlo au Metalist Kharkiv en 2007. Il a placé Alex Da Silva (ex-Genk) au Metalurg Donetsk et, il y a deux ans, il avait en poche une offre de douze millions de Dniepropetrovsk pour Matias Suarez. Tornike Okriashvili est le premier qu’il attire en Belgique.

Tests au Zenit

 » Je rêvais d’amener un grand joueur en Belgique. J’y suis arrivé. Okri n’a encore montré que la moitié de ce dont il est capable. Si on l’avait visionné en Ukraine, il serait dans un club anglais. Abattage, résistance, vista, technique de frappe : peu de joueurs ont un tel bagage. Croyez-moi : ce que Ribéry fait au Bayern, Okri en est capable ! Essayez donc de lui chiper le ballon…  »

Okriashvili vient de Rustavi, une cité industrielle au sud de Tbilissi, la capitale de la Géorgie, non loin de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Après la chute de l’URSS, en 1991, la ville a sombré dans le chômage et la pauvreté. A seize ans, le joueur a rejoint le FC Gagra, du nom d’une ville d’Abkhazie, une république frontalière de la Géorgie, au bord de la mer Noire. Les gens l’ont fuie en 1992, après la guerre d’indépendance. Parmi eux, Besik Chikhradze, un entrepreneur abkhaze qui a fait fortune dans le commerce du vin. Il a fondé un club à Tbilissi et l’a baptisé du nom de sa ville natale.

C’est là qu’Amirov, détenteur de 20 % des parts du club, a découvert Okriashvili.  » Il jouait en équipe B et a été transféré au Shakhtar Donetsk après avoir passé des tests au Zenit. Il était le meilleur à l’entraînement. Le coach, Luciano Spaletti, le voulait mais le Zenit est aux mains de Gazprom et beaucoup de gens s’occupent des transferts. Au Shakhtar, c’est différent : seul Rinat Achmetov décide.  » Achmetov, un industriel, est l’Ukrainien le plus fortuné. Il a versé sans broncher 600.000 euros pour recruter Okriashvili.

On dit souvent qu’Amirov opère pour le compte de Dmitri Seljuk, un Russe qui a organisé en Belgique des stages pour des clubs d’Europe de l’Est puis est devenu vice-président du Metalurg Donetsk, le second club de la ville. Il a été impliqué dans le transfert en Belgique de dix joueurs du Metalurg en 2007 et en 2008 mais son plus beau coup reste le transfert de Yaya Touré (ex-Beveren) à Barcelone puis à Manchester City.

Pas de chance au Shakhtar

 » Je n’ai jamais vu Dmitri de visu « , précise Amirov.  » Je sais qu’il s’entend bien avec Herman Wijnants, le manager de Westerlo. Il a accéléré les démarches administratives lors du transfert de Jaja Coelho au Metalist. Coelho, qui n’était plus que l’ombre de lui-même, est devenu le meilleur footballeur du club ukrainien. Ensuite, il a gagné tellement d’argent au Moyen-Orient qu’il est retombé dans ses péchés mignons. Ça n’arrivera pas à Okri. Il a un autre caractère.  »

Amirov le reconnaît : le Shakhtar n’était pas le meilleur des choix.  » Nous savions que la concurrence serait rude mais nous pouvions le suivre plus facilement là qu’à Saint-Pétersbourg.  » Okri a été loué à Illitsjivets Marioupol. Il s’y est lié d’amitié avec un autre joueur loué par le Shakhtar, un autre Géorgien, Davit Targamadze. Au grand dam de l’entraîneur, Mykola Pavlov, ils se sont un peu trop amusés. L’année dernière, Pavlov a déclaré qu’Okriashvili gâchait son talent. L’hiver dernier, il a rejoint Tshernomorets Odessa, sur base d’une location car il n’avait aucune chance de jouer sous les ordres du nouvel entraîneur, Mircea Lucescu.  » Lucescu n’avait pas été mêlé à son transfert et ne voulait pas en entendre parler. Une chance pour Genk car s’il avait joué ne fût-ce qu’une minute en Ligue des Champions, il aurait été inaccessible.  »

Malgré ses frasques, Okriashvili est devenu très populaire. Ses fans le surnomment l’iPhone man, à cause de sa manie des selfies. Ses prestations en équipe nationale lui ont conféré un statut de héros. La Géorgie n’a marqué que trois buts durant sa décevante campagne de qualification pour le dernier Mondial. Okriaschivili en a marqué un, en septembre 2012, contre la Biélorussie, offrant à son pays sa dernière victoire (1-0). Depuis son but récent contre l’Irlande, sa popularité est au zénith.

Leader en équipe nationale

 » Il est devenu le leader de l’équipe nationale « , poursuit Amirov.  » Il ne pouvait plus progresser en Ukraine. Il jouait avec des mercenaires, dans une équipe dépourvue d’unité. Ça ne l’a pas empêché de s’améliorer. Il vivait seul mais il a appris à se tirer d’affaire.  »

Un jeune homme mûr, estime Amirov. Sa femme Lika et leur fils de deux ans Aleksandar sont restés en Géorgie.  » Rester aussi longtemps loin des siens n’est pas facile, surtout quand on est adulé. Il faut se brûler pour connaître la vie. Okri est un phénomène tant il est fort mentalement. Il peut jouer la finale de la Ligue des Champions demain : il l’aborderait comme n’importe quel match. Quoi que les journalistes écrivent sur lui, il ne craquera pas. Croyez-moi, tout ira bien pour Okri.  »

PAR JAN HAUSPIE

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