Intelligence émotionnelle

Le coach de Mons et son assistant se révèlent parfaitement complémentaires.

En assistant à un match de l’Union Mons-Hainaut, on remarque immédiatement, le long de la touche, deux hommes aux caractères apparemment très différents. L’un mesure 2m05 et s’agite malicieusement: il s’accroupit, se relève, fait les cent pas devant le banc des joueurs. C’est JurgenVanMeerbeeck. Un peu plus loin, un autre homme au teint bronzé demeure stoïque, les bras croisés, en suivant attentivement tous les événements du regard. Le calme qu’il dégage pourrait faire penser à une réincarnation du DalaïLama. C’est YvesDefraigne.

« Pour moi, le temps de crier pour le plaisir est révolu », affirme-t-il. Seul OmarSneed, l’ancien Américain de Wevelgem, avait réussi à lui faire perdre son sang-froid lors de la Coupe du Roi, disputée à Roulers voici un peu plus d’un an. Quelques échanges verbaux s’en étaient suivis. « Un joueur comme Sneed n’aurait aucune chance de jouer dans une équipe coachée par Yves », estime Van Meerbeeck.

Defraigne et Van Meerbeeck: en 1999, ces deux hommes avaient pris le relais de JulienMarnegrave à la tête de l’Union Mons-Hainaut. Le premier terminait sa carrière de joueur dans le club et s’est affirmé depuis lors comme l’un des meilleurs coaches du pays. Le second est devenu son parfait assistant.

Un introverti et un impulsif

Defraigne: « Jurgen est un garçon d’un naturel très chaleureux. Parfois trop bon, même, ce qui le rendait influençable. Dans le milieu, il était aussi considéré comme un bon vivant. Mais je ne tiens pas compte des réputations, seulement du travail. Lorsque je l’ai pris comme assistant, je savais qu’il pouvait m’être utile. J’avais joué avec lui autrefois à Quaregnon et nous nous entendions très bien. J’avais remarqué qu’il accordait beaucoup d’importance à tout ce qui touchait à la préparation physique. Entre-temps, il a aussi appris que son côté espiègle pouvait lui être néfaste dans sa carrière – NDLA: Jurgenacquiescedelatête-. Il réagit encore parfois de façon émotionnelle, mais cela compense ma froideur.

VanMeerbeeck: « Yves me connaît effectivement depuis de nombreuses années, mais ne pensez pas que mon engagement soit le fruit d’un cadeau d’ami. Si je n’accomplis pas mon boulot correctement, je vole dehors, comme tout un chacun. Notre amitié nous permet simplement de travailler de façon plus harmonieuse. Les joueurs savent qu’ils ne doivent pas venir se plaindre auprès de moi pour obtenir quelque chose d’Yves. Je partage complètement ses idées. Son calme et sa faculté à tout relativiser sont ses plus grands atouts. Il apporte de la clarté dans l’équipe et est ouvert au dialogue. Il reste lui-même, sur et en dehors du terrain, et demeure toujours conséquent. Cela se reflète sur le comportement des joueurs. Et aussi sur le mien. Depuis le début de notre collaboration, je ne suis encore jamais venu travailler à contrecoeur ».

Defraigne: « Jurgen et moi, nous nous complétons parfaitement. Après une défaite, il est parfois très marqué et réagit de manière négative. Il m’incombe alors de lui faire comprendre qu’il faut relativiser. En cas de victoire, par contre, il met énormément d’ambiance dans le groupe. Personnellement, j’en serais incapable. La lecture d’un livre sur l’intelligence émotionnelle m’a appris que les gens impulsifs ont souvent, aussi curieux que cela puisse paraître, un quotient intellectuel plus élevé que les gens plus distants. Donc, ne vous méprenez pas: Jurgen sait parfaitement ce qu’il fait. Il a aussi réussi à convaincre tous les sceptiques. D’anciens joueurs de Mons viennent encore régulièrement lui demander conseil pour des questions qui touchent à la préparation physique ».

Plus chaleureux en Wallonie

Yves Defraigne est un vrai Gantois et habite toujours la Cité d’Artevelde, mais exerce depuis neuf ans son métier (de joueur puis de coach) dans la région montoise. Jurgen Van Meerbeeck a grandi à Anvers, mais a joué à Monceau, Quaregnon et Bruxelles. Existe-t-il des différences dans la manière de concevoir le basket entre les deux régions du pays?

VanMeerbeeck: « A l’époque où je jouais encore, j’avais l’impression que l’on travaillait de façon plus professionnelle en Flandres. Je décelais même un sentiment de supériorité. C’était dû en grande partie à l’autorité qu’exerçait RudolfVanmoerkerke, l’ancien président d’Ostende, qui rejaillissait sur une grande partie des clubs flamands. Depuis qu’ EricSomme s’est affirmé en Wallonie, la tendance s’est quelque peu inversée. Actuellement, sur l’échelon européen, Charleroi est plus avancé qu’Ostende. JohanVandeLanotte tente de rivaliser à sa manière ».

Defraigne: « En matière de basket proprement dit, je ne vois pas de différence. On forme son équipe et son staff en fonction de ses conceptions, cela n’a rien à voir avec des différences de langue et de mentalité. Ici à Mons, nous disposons d’une grande liberté d’action de la part du manager ThierryWilquin. Cet homme est un cadeau des dieux pour Mons. Grâce à lui, le club s’est parfaitement structuré. Il y a simplement une différence dans la manière de vivre le basket. En Wallonie, le public est beaucoup plus chaleureux, plus enthousiaste ».

VanMeerbeeck: « Effectivement, en Flandres on se montre toujours très critique. En Wallonie, les supporters sont plus proches de leur club ».

Defraigne: « D’un côté, j’admets qu’il est plus agréable de travailler dans cette ambiance. D’un autre côté, j’en ressens aussi une certaine forme de frustration: tout le monde est trop vite content, que ce soit les joueurs, les supporters ou les dirigeants. Voilà cinq années d’affilée que Mons termine parmi les cinq premiers. Apparemment, cela suffit amplement au bonheur de tous. J’aimerais un peu plus de pression, qui nous pousserait à réaliser de véritables exploitset à viser encore plus haut ».

VanMeerbeeck: « Notre tâche consiste à maintenir tout le monde en alerte, du premier au dernier jour de compétition. Il est symptomatique de constater que, la saison dernière, tous les contrats se terminaient en mai et pas en juin. La direction n’avait tout simplement pas envisagé la possibilité d’être encore en lice pour la finale des playoffs, au début juin ».

Defraigne: « La saison dernière, Ostende nous a donné le leçon dans la troisième manche des demi-finales des playoffs. Je l’avais senti venir. Nous avions en effet remporté la deuxième manche et égalisé à 1-1. Chacun était satisfait: l’honneur était sauf, nous avions battu le grand Ostende à domicile et avions fait mieux que Bree qui, dans l’autre demi-finale, avait été battu 2-0 par Charleroi ».

Forcer le respect

Jurgen Van Meerbeeck a 39 ans, Yves Defraigne en a 37. Ils ont donc embrassé la carrière de coaches très jeunes. Le respect, on doit le forcer.

VanMeerbeeck: « Mon travail commence à peine à être reconnu depuis quelques saisons. Yves, de son côté, a directement forcé le respect, notamment parce qu’il n’a pas craint d’innover ».

Defraigne: « La première saison, j’étais subitement devenu le chef d’un groupe dont je faisais encore partie comme joueur quelques mois plus tôt. Mais je me suis efforcé de demeurer fidèle à une ligne de conduite. Je n’ai pas envie de me prostituer devant mes joueurs. Chacun est tenu de suivre mes directives. Si ce n’est pas le cas, je me fâche. Et si je me fâche, je deviens émotif et mon message ne passe plus. J’ai des principes et je recrute en fonction de ceux-ci. La grande faute que j’ai commise au début, c’était de recruter en pensant que les joueurs finiraient par s’adapter. Je m’étais trompé. Il faut recruter en fonction de son idéologie. Le respect vient alors de lui-même ».

Matthias Stockmans et Daniel Devos

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