INQUALIFIABLES !

Les joueurs, le coach fédéral et le top de la fédération : tous portent le poids des responsabilités de la très probable élimination.

V incent Kompany peut clamer sa confiance sur tous les toits et prétendre que  » ceux qui doutent de cet effectif ne l’intéressent guère « , cela ne va pas. Le nul de Bakou (1-1) range les deux prochains matches des Diables, contre le Kazakhstan et en Allemagne, parmi les rendez-vous douloureusement inutiles. En 2012, quand sera donné le coup d’envoi du premier match de l’Euro 2012, il y aura 10 ans que la Belgique ne glisse plus les pieds sous la table d’un grand tournoi. Les Jeux Olympiques de 2008 furent la seule exception mais on sait que la fédération n’a jamais véritablement reconnu les mérites de Jean-François de Sart sans quoi il serait aujourd’hui Directeur technique de l’Union belge… ou même T1 des Diables Rouges. Il n’y aurait pas fait moins bien que René Vandereycken ou Georges Leekens, fermons la parenthèse.

Seigneur de la Premier League, Kompany détient pour le moment un palmarès de Diable Rouge nettement inférieur à celui de Luc Millecamps, obscur stopper de Waregem mais qui fut finaliste de l’Euro 80 (Allemagne-Belgique 2-1) et acteur d’Argentine-Belgique (0-1), rencontre d’ouverture du Mondial 82. Même s’il ne possède pas le talent du capitaine des Citizens, Millecamps aurait veillé à verrouiller le centre de sa défense sur un maudit centre venu de la droite. Kompany était trop avancé et Toby Alderweireld n’était pas revenu à temps pour fermer la porte comme un arrière droit de formation l’aurait naturellement fait. Peut-on parler d’erreur de jeunesse et de manque de métier sur cette phase de jeu ? Il ne faut pas rigoler : Alderweireld, Jan Vertonghen, Kompany, et Nicolas Lombaerts évoluent à l’Ajax, Manchester City ou au Zenit de Saint-Pétersbourg !

Ces gaillards ont l’habitude de gérer des situations tendues dans la défense de leur club respectif. Ils étaient tous placés comme des Cadets sur ce coup-là et cela pose à nouveau le débat des arrières ailes, comme nous l’avons déjà fait la semaine passée. Guy Thys n’aurait jamais posté Walter Meeuws ou Stéphane Demol, des arrières centraux pur jus, au back droit. S’il n’avait pas disposé d’ Eric Gerets ou de Michel Renquin, Thys aurait trouvé des alternatives pour les défenseurs gauche et droit. Aligner quatre arrières centraux, c’est une hérésie, une erreur de coaching. Cela dit, comme le soulignait Timmy Simons, il est  » impossible que l’adversaire ne se forge pas une occasion de but en 90 minutes « . Le vieux briscard de Nuremberg évoquait  » un manque de concentration sur le but fatal alors que les Diables Rouges jouaient bien « . Bien jouer ? A voir…

On ne peut pas oublier ces incessantes erreurs défensives (11 buts en 8 matches) qui ont coûté un paquet de points. Il suffit de se rappeler les errements contre l’Allemagne, l’Autriche ou la Turquie. Le rendement de la défense est insuffisant. Si on tient compte des 51 équipes nationales qui se disputent les billets pour l’Euro 2012, la défense belge présente un bulletin inférieur non seulement à chaque team classé premier ou deuxième de son groupe mais également aux autres occupant la même position. On ne va évidemment pas pousser la comparaison avec des équipes style Liechtenstein, Saint-Marin ou Andorre. Par contre, l’attaque (+16) figure bien dans le top 5 de ces qualifications où toutes les formations n’ont pas disputé le même nombre de rencontres. Un des gros problèmes est donc cerné : les Diables Rouges sont inqualifiables avec une telle défense.

 » Il faut soutenir Lukaku  » (Paul Van Himst)

A Bakou, ce ne fut hélas pas le seul problème d’une Belgique qui, dans le jeu face à un adversaire d’une grande faiblesse, est passée à côté de son sujet. Oui, les Diables n’ont pas été réalistes et ont galvaudé des occasions de buts. Oui, ils ont parfois tenté une talonnade inutile. Mais le vrai débat se situe ailleurs et concerne là aussi les idées globales de Leekens. A quoi sert-il de disputer un match amical en Slovénie si un constat aussi brillant que le soleil de midi n’est pas retenu. Le grand Romelu Lukaku est inutile quand il navigue seul en pointe.

Il y a huit jours, nous avions déjà défendu ce point de vue. Robert Waseige partageait cet avis désormais repris par un autre ancien coach fédéral, Paul Van Himst :  » Pour mettre la pression dans le camp adverse, il faut soutenir Lukaku et aligner un deuxième attaquant de pointe.  »

L’attaquant de Chelsea n’a pas existé, en retard, absent dans le trafic aérien. Y aura-t-il bientôt un problème Lukaku s’il ne joue guère à Londres après avoir été écarté par son club de la liste des joueurs retenus pour la Ligue des Champions ? Eden Hazard et Dries Mertens ont répondu à l’attente même si l’ailier du PSV a raté un assist qui aurait pu permettre à Lukaku de marquer. Ces deux joueurs de poche sont indiscutables.

Si la Belgique aligne un jour un attaquant de plus (on peut rêver), il n’y aura plus que deux places pour trois joueurs au centre de la ligne médiane : Axel Witsel, Timmy Simons et Marouane Fellaini. Witsel est tout à fait indiscutable et le milieu de terrain de Benfica est le seul capable d’organiser le jeu et de percuter en arrivant de la deuxième ligne. Leekens devra donc choisir entre Simons, auquel il s’accroche, et Fellaini. Le pare-chocs de Nuremberg n’est plus de première jeunesse et on ne peut pas  » trafiquer sa carte d’identité  » pour lui permettre de rêver du Brésil. Simons a rendu de bons et loyaux services mais, en tant qu’essuie-glaces, il n’a finalement pas réussi à organiser la récupération. Ce poste revient naturellement à Fellaini. Même si de plus en plus de Diables ont désormais un employeur étranger, aucun n’est une véritable vedette internationale. Il ne faut pas se leurrer plus longtemps : nous n’avons pas de génies mais sans plus de bons joueurs…

La troublante prolongation de contrat de Leekens

La mentalité et la motivation joueront toujours un rôle décisif. Or, que ce soit dans son approche stratégique ou mentale, le coach a été aussi inqualifiable que ses joueurs à Bakou. Il a raté ce rendez-vous. Son job consistait à qualifier l’équipe nationale pour l’Euro. Or, il a échoué mais a été récompensé avant que la messe soit dite. C’est incompréhensible mais typique quant à la manière dont on conduit le bateau à l’Union belge (voir encadré). Le contrat de Leekens a été prolongé en avril dernier. En y regardant de plus près, il y a des circonstances troublantes.

Le T1 des Diables est alors en plein boom et l’équipe nationale connaît un regain populaire très net. Leekens y est pour beaucoup, personne ne le nie, et ce revival se précise alors qu’Anderlecht s’enfonce dans la crise. Mais pourquoi mêler Anderlecht et l’équipe nationale ? La presse pro-Leekens lance une rumeur qui se répand comme une traînée de poudre : le coach des Diables Rouges est cité à Anderlecht et d’autres clubs qui restent secrets.

Vraie ou fausse, cette éventualité a certainement dû arranger Leekens. Rusé, il est dans un fauteuil et a avancé brillamment ses pions face à François De Keersmaecker, président de l’Union belge, et Philippe Collin, président de la Commission technique, donc chef de l’équipe nationale. Même si Ariel Jacobs a alors des problèmes avec le jeu de son équipe, il n’a jamais été question de le défenestrer comme Roger Vanden Stock n’a d’ailleurs jamais cessé de le répéter. Collin doit donc savoir mieux que personne que la rumeur a été orchestrée au bon moment et convient à Leekens, passé maître dans l’art de comprendre le fonctionnement et l’importance des médias. Le moment lui est favorable. Collin n’est pas dupe et le ton des ambitions change, au point de parler plus du Mondial brésilien que de l’Euro 2012. C’est une partie de poker et Leekens a les bonnes cartes. De Keersmaecker a probablement eu peur de vivre une deuxième affaire Dick Advocaat alors que l’équipe nationale renaît de ses cendres.

La réaction de Collin est rapide comme l’éclair. Il prouve son indépendance aux yeux de tous, surtout ceux qui ont cru cette rumeur qui propulsait déjà LongCouteau à Anderlecht, et son image médiatique est renforcée par la prolongation de contrat de Leekens. S’il avait été désemparé par le départ d’Advocaat, il gérait cette fois le dossier à la plus grande satisfaction de De Keersmaecker. Mais une question s’impose quand même : même si on comprend le souci de stabilité, pourquoi était-il si urgent de discuter avec un coach en situation de force mais qui n’avait pas encore atteint son objectif ? On imagine que le top de l’Union belge y a pensé en assistant à la catastrophe de Bakou : à la fin du compte, joueurs, coach et dirigeants sont tous inqualifiables pour l’Euro 2012. Mais, soyons tranquilles, Leekens pense au Brésil…

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS: IMAGEGLOBE

Seigneur de la Premier League, Kompany détient un palmarès de Diable inférieur à celui de Millecamps, obscur stopper de Waregem.

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