Indicateurs à l’orange

Pleins feux sur le tant attendu nouveau sélectionneur,  » le plus Belge des entraîneurs néerlandais « . Est-il trop défensif avant de commencer ?

En principe, l’Union belge devrait recevoir cette semaine, par retour du courrier, le contrat dûment complété et signé de Dick Advocaat en tant que nouvel entraîneur fédéral et ce, pour une période s’étalant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011. Avec une option pour six mois supplémentaires au cas où les internationaux belges obtiendraient leur passe-droit pour la phase finale de l’EURO 2012. Ce que tout le monde souhaite ardemment, entendu que la dernière participation des Diables Rouges en apothéose d’un tournoi majeur remonte déjà à la Coupe du Monde de 2002 avec Robert Waseige

Contacté pour la toute première fois au début du mois de mai, le coach néerlandais s’est donc fait désirer, reportant sans cesse l’apposition de sa signature. D’aucuns y voyaient même une manière de faire pression sur les dirigeants de son club actuel, le Zenit Saint-Pétersbourg, afin d’y obtenir une prolongation de son engagement, avec des données chiffrées revues à la hausse. Mais l’homme a fait fi, entre-temps, de cette proposition, soutenant dans une interview parue dans le quotidien hollandais De Telegraaf que son choix pour la Belgique était définitif.

 » Il y avait des accents de sincérité dans ses propos « , confie Ronald Kres, journaliste dudit journal.  » Je pense que Dickie est arrivé au bout de son latin en Russie. Avec une victoire en Coupe de l’UEFA et un titre de champion avec cette équipe, il a obtenu le maximum. Il n’est pas de nature, non plus, à s’ancrer longuement dans un environnement. Son parcours l’atteste d’ailleurs à suffisance : jamais il n’a passé plus de trois ans quelque part. Il est arrivé à ce stade au Zenit, où il a débuté en 2006. C’est pourquoi on peut s’attendre à un changement de destination. Même si une certaine prudence reste de mise malgré tout car, dans le passé, il s’est quand même ravisé à deux reprises : la première fois, en 2005, lorsqu’il a quitté les Emirats Arabes Unis pour la Corée du Sud et la deuxième quand il a refusé de rallier les Socceroos australiens, avec qui il avait pourtant paraphé un bail en bonne et due forme en 2007, pour rester finalement au Zenit.  »

L’Union belge peut-elle avoir tous ses apaisements ?

Aux dires de son CEO, Jean-Marie Philips, la réponse est affirmative.  » Pendant tout un temps, l’indicateur était sans doute à… l’orange « , affirme-t-il.  » C’était la période où, de part et d’autre, on allait de proposition en contre-proposition, avec chaque fois des éléments neufs à prendre en considération. Depuis une semaine, toutefois, le signal est clairement passé au vert. Un accord dernière mouture, avec passage en revue des diverses possibilités en matière de modalités financières, a été envoyé à son conseiller, qui l’a estimé nickel à tous points de vue. Plus rien ne s’oppose, dès lors, à la finalisation du dossier. Bien sûr, je sais qu’il y a déjà eu volte-face avec lui ces dernières années. Et comme toutes les autres personnes concernées à l’URBSFA par la désignation du futur sélectionneur, je n’aurai mes apaisements que le jour où tous les papiers seront pourvus des signatures ad hoc. Mais mon petit doigt me dit que je peux avoir foi en un dénouement heureux. Via les contacts que nous avons eus, j’ai cru comprendre que le défi sportif avec les Diables Rouges l’intéressait plus que l’argent. Les développements récents, avec son refus de rempiler au Zenit, sont une indication en ce sens.

Homme de défi ou homme d’argent ?

Avec 600.000 euros annuels à la tête de notre équipe représentative, Advocaat ne risque évidemment pas de se retrouver sur la paille. Mais c’est vrai qu’on est loin des 3,5 millions qu’il gagnait sur la même base au Zenit. S’il fait des concessions sur le plan pécuniaire, sa future fonction présente des avantages aussi. A commencer par la proximité géographique. La famille Advocaat s’est effectivement installée en Belgique, autrefois. Et plus particulièrement au nord de la province d’Anvers. Rejoindre La Haye, ville où il a grandi et qui reste son port d’attache, est aussi plus facile de cet endroit que de Saint-Pétersbourg. D’autre part, il y a le challenge qui le motive aussi, le poussant à faire des sacrifices. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois de sa carrière, que Dickie fait passer le foot avant toute autre considération. A l’époque, pas bien lointaine, où il militait aux Emirats Arabes Unis, il percevait 190.000 dollars par mois. En quittant le golfe Persique pour le sud de la Corée, il passait à 115.000 euros par mois. Ce qui reste, à l’évidence une belle somme. N’empêche, le Petit Général voyait davantage de perspectives avec l’équipe coréenne qu’avec l’autre. Et remettre les Diables Rouges sur le bon chemin après 10 ans de disette est, pour lui, sûrement tout aussi excitant.

Le choix des hôtels sera de son ressort

 » Ce qui m’a sidéré lors de ma première entrevue avec lui, c’est sa connaissance du football belge « , observe Philippe Collin, le président ad intérim de la commission technique de l’Union belge.  » Dans ce genre de situation, tout coach bien préparé est, bien sûr, en mesure de décliner poste par poste les identités de tous ceux qui composent un onze-type des Diables Rouges. Avec lui, on pouvait franchement creuser beaucoup plus loin. Le seul dont le nom n’offrait pas de consonances très familières pour lui était Eden Hazard. Mais il a comblé cette lacune entre-temps car il a demandé des DVD du Lillois… ainsi que de tous les matches joués par les Diables sous la houlette de René Vandereycken. Il veut être fin prêt au moment où il reprendra la sélection en début d’année prochaine. Manifestement, le Néerlandais ne laisse rien au hasard, et veut avoir le dernier mot en tout domaine, même l’extra-sportif. Pour le choix des hôtels, par exemple. Ces dernières années, il était toujours du ressort de la commission technique. Lui, il ne l’entend pas de cette oreille. Il veut le meilleur pour ses joueurs afin qu’ils soient branchés sur le seul football et non sur d’autres considérations, comme des conditions de logement pas idéales « .

Quel est le style Advocaat ?

 » Au tout début de sa carrière de meneur d’hommes, il portait l’étiquette de coach défensif « , se souvient Jan-Hermen de Bruijn, rédacteur en chef du mensuel Elf de La Haye.  » Au FC Haarlem, son premier club en tant que mentor, il faisait jouer ses ouailles à l’italienne en positionnant un maximum de joueurs derrière le ballon et en spéculant sur les contres. C’est ainsi qu’il obtint son premier succès notoire : une victoire 1-0 face au Feyenoord coaché par Rinus Israël. Il se rendait parfaitement compte que s’il voulait s’inscrire dans la durée comme entraîneur, il devait à tout prix marquer des points et peu importe la manière. C’est la raison pour laquelle il a opté pour la prudence au départ. Il a cependant évolué, adaptant son jeu aux qualités, toujours meilleures de ses joueurs. Au PSV, notamment, il a été sacré champion en 1997 avec une équipe faisant flèche de tout bois. Mais il est vrai qu’elle disposait alors de joueurs de la trempe de Luc Nilis et Marc Degryse. Reste que, comparativement à d’autres grands de sa corporation, tels que Rinus Michels, Johan Cruijff, Aad de Mos ou encore Guus Hiddink, Dickie a toujours eu tendance à moins évoluer la fleur au fusil. Il préfère invariablement gagner en jouant mal plutôt que perdre en jouant bien. En matière de style, il n’est jamais parvenu au même résultat que les autres. C’est sans doute la raison pour laquelle on l’a taxé un jour, aux Pays-Bas, de plus belge des entraîneurs néerlandais.  »

À la Vandereycken

L’homme a indéniablement fait honneur à cet adage lors de l’EURO 2004, et plus particulièrement lors du match entre les Pays-Bas et la Tchéquie. Ses troupes menaient 2-1 et plus rien de très fâcheux ne semblait pouvoir leur arriver quand le Petit Général décida de remplacer son meilleur attaquant, Arjen Robben, par le défenseur Paul Bosvelt, histoire de préserver le résultat. Un choix que n’eût sûrement pas désavoué Vandereycken, coutumier de telles interventions lors de son mandat. Dickie fut mal inspiré sur ce coup-là car la formation tchèque renversa complètement la vapeur : 2-3. Le résultat ne se fit pas attendre, sous la forme d’un coach vilipendé par tous les médias. Changement, titra le lendemain l’ Algemeen Dagblad sur sa une. Double allusion au remplacement que le coach avait effectué ainsi qu’au souhait de sa propre substitution. Il fut menacé de mort et un site fut créé : De slechtste wissel ooit (le plus mauvais changement de tous les temps). Au bout de deux jours, on y recensait 200.000 visites. Les critiques étaient à ce point virulentes que le Premier ministre, Jan-Peter Balkenende, demanda aux quotidiens de faire preuve de plus de retenue dans leurs écrits. Au nom d’une place en demi-finale, perdue contre le Portugal, pays organisateur, Dickie fut bel et bien pardonné. Une bourde, aussi grande fût-elle, ne devait quand même pas tout à fait occulter ses autres options, autrement plus réussies. Comme quand les Pays-Bas privèrent l’Angleterre de participation à la Coupe du Monde 1994 grâce à un beau succès par 2-0 à Rotterdam.

Cette fois-là, pour contrer le rapide Ian Wright, le coach avait jeté son dévolu sur Ulrich van Gobbel, pas vraiment un incontournable, mais qui présentait l’énorme avantage de courir le 100 mètres en dix secondes et demie. Encore plus vite que l’attaquant d’Arsenal, qui ne toucha pas le moindre cuir à cette occasion…

La discipline avant tout

Comme on demandait un jour à Andreï Arshavin, star du Zenit Saint-Pétersbourg, quelle différence il y avait entre Advocaat et son prédécesseur au sein du club russe, Vlastimil Petrzela, sa réponse fusa tout de go : la discipline. L’actuel joueur d’Arsenal est bien placé pour le savoir car il se fit d’emblée remonter les bretelles par le coach batave. Avant son arrivée, le médian russe était tout sauf un modèle de professionnalisme. Il n’était vraiment pas rare qu’il fasse l’impasse sur une séance de préparation, par exemple. Et sa présence était signalée dans les casinos ou les night-clubs même les veilles de matches.

Aux prémices d’une première joute importante, face au Spartak Moscou, le Petit Général apprit ainsi que trois de ses pions les plus importants (Arshavine, Igor Denisov et Alexander Anuykov) avaient fait la belle. Toujours éméchés au petit matin, la décision du coach ne se fit pas attendre : tous trois furent suspendus jusqu’à nouvel ordre. De mémoire de supporter, on n’avait jamais vu ça là-bas. En la matière, Dickie n’en était pas à son coup d’essai. Avant la Coupe du Monde 94, il n’avait pas hésité à priver du brassard de capitaine ce monument qu’était Ruud Gullit, coupable d’avoir critiqué ses choix. Résultat des courses : la Tulipe Noire resta à la maison au lieu de partir pour les Etats-Unis. Et ce qui était d’application dans le domaine sportif l’était autant dans la vie de tous les jours. Durant ses années aux Rangers Glasgow, Lorenzo Amoruso se fit taper sur les doigts parce qu’il n’avait pas glissé son t-shirt dans son pantalon. Et oui, avec le Hollandais, les joueurs doivent se montrer des dignes ambassadeurs en toutes circonstances.

par bruno govers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire