Indestructible

L’attaquant en a vu de toutes les couleurs dans sa vie.

Bjorn De Wilde : « Ma vie reste influencée par un fait criminel qui s’est passé il y a 20 ans à la maison, en ma présence. Un conflit entre mes parents a dégénéré. Ma mère a passé sept semaines à l’hôpital. Je ne connais pas mon père. Pour moi, il n’existe pas. Je porte le nom de ma mère, qui ne l’avait pas épousé. Mon côté sportif vient toutefois de mon père, qui a été international en water-polo.

J’avais trois ans quand c’est arrivé. J’en ai conservé un traumatisme qui me rend parfois colérique, inconsciemment. Je pense avoir digéré ce drame mais il reste solidement ancré dans mon inconscient. Anxiété, méfiance, rancune… A la maternelle, je me fâchais vite, je jetais mes autos, je battais les autres enfants. J’ai été renvoyé de plusieurs écoles par la suite. J’étais hyperactif. Jusqu’à mes trois ans, il fallait m’attacher au lit et ma mère me tenait dans un harnais, comme un gros chien, quand nous nous promenions à la mer, pour ne pas me perdre. A un moment, elle a même demandé l’aide de professionnels. J’ai besoin de parler mais quand j’étais vraiment trop entêté, mieux valait me laisser mijoter dans ma chambre. Ma mère est tout pour moi. Après mon hat-trick à La Louvière, j’étais heureux de montrer à toute la Belgique: regardez, c’est grâce à elle. Je suis capable de tout pour ceux que j’aime. Ma mère, mon beau-père, mon amie Eveline et mon chien. J’éprouve beaucoup de respect pour les femmes, sachant ce que ma mère a enduré.

Gamin, j’ai encaissé d’autres coups. J’ai perdu mon grand-père juste avant ma première communion. Puis, avant la grande, c’est ma grand’mère, qui était tout pour moi, qui est décédée.

Beaucoup de gens me prennent pour un rustre mais j’ai un petit coeur. Sur le terrain, je suis une bête car le sport me permet de me défouler et que je veux gagner. Je suis un battant. Comme mon père. En plus, je suis du signe du Taureau. Mais quand j’allais dormir chez un copain, on disait à ma mère: Bjorn est vraiment doux. Je débarrassais la table, comme on me l’avait appris à la maison. Les commerçants du coin louaient mon éducation aussi.

J’ai commencé à jouer à Tenstar Melle. Après neuf ans, j’ai rejoint le RC Gand, où j’ai connu Dirk Geeraerd, l’actuel entraîneur de Deinze. Je ne supportais pas l’injustice. Je n’acceptais donc pas qu’un arbitre commette une erreur. S’il ne sifflait pas alors qu’on me tirait par le maillot, je devenais dingue. Je le prenais à partie, je faisais un doigt d’honneur, j’arrachais mon maillot… Dirk, qui était assistant social, est parvenu à me calmer. Il m’a fait comprendre que l’erreur est humaine et quand je ne l’écoutais pas, il me mettait sur le banc ou il me punissait par 100 ou 200 exercices du style assis debout assis. Avec lui, je suis devenu meilleur buteur et j’ai été repris dans la sélection provinciale de Flandre Orientale.

Lauwers devait jouer

Vers 15 ans, tout jeune traverse une période difficile. Il se prend pour un homme alors qu’il est un sot. Il sort, rencontre des filles. Certains copains étaient dans le milieu de la drogue, de la criminalité. Je ne veux pas en dire davantage: ce chapitre est clos. éa m’a permis de voir la différence entre ceux qui ont du caractère et ceux qui n’en ont pas. J’étais un sportif. Je pouvais m’amuser sans drogue, alcool ni cigarettes et ces gens m’ont respecté. Peut-être comprenais-je que mon père était le meilleur des hommes tant qu’il n’avait pas bu. En fait, le football est devenu le fil rouge de ma vie. A 16 ans, j’ai dit à ma mère que si je ne pouvais pas devenir professionnel, ma vie n’aurait plus de sens.

Au Cercle de Bruges, j’ai rencontré un autre homme, Marc Verhelst, qui a forcé mon respect et grâce auquel j’ai effectué de sérieux progrès. Sévère mais correct, il m’a tenu davantage que les autres, à la gorge s’il le fallait. C’est pour lui que j’ai coupé mes cheveux. Ceux qui me respectent obtiennent tout de moi. Marc me parlait beaucoup mais quand j’étais fâché, il me laissait le temps de me ressaisir. Evidemment, au plus haut niveau, on ne peut parler toutes les deux minutes. Le boulot, c’est le boulot. Un ouvrier qui travaille à la chaîne huit heures par jour chez Volvo n’a pas à expliquer ses états d’âme à son patron non plus.

A 17 ans, je m’entraînais avec l’équipe fanion. En fin de saison, j’ai signé à La Gantoise. J’ai débarqué dans un monde d’individualistes. Jusque-là, tout avait tourné autour de ma petite personne. Là, je n’étais plus rien. J’ai été remis à ma place. Boskamp a essayé de me casser mais d’une façon qui n’a pas soulevé mon respect. Je ne supporte pas qu’on crie sur moi. Or, c’est ce qu’il a fait dès le premier jour. Alors que j’avais marqué 25 buts en Réserves et que j’étais international en -18 ans, La Gantoise m’a rejeté.

Chris Van Puyvelde, qui me connaissait via l’école, m’a permis de rejoindre à Alost. J’ai marqué 11 buts en sept matches en Espoirs, avant d’être confronté à une autre réalité. Patrick Orlans m’a dit: Bjorn, si le foot n’était pas affaire d’argent, tu serais en équipe A mais je ne peux écarter Christophe Lauwers, car il me coûte cher.

J’ai été prêté six mois à St-Nicolas, en D2. Alors que j’avais un contrat de trois ans à Alost, j’ai dû jouer en D3. Je me revois pleurer quand on me l’a annoncé. Après tant de sacrifices, tant de louanges… Chris Van Puyvelde m’avait trouvé un boulot de magasinier mais j’ai dit au patron: Trouvez quelqu’un qui en est capable et en a besoin. Je ne sais rien faire de mes mains ».

Guéri par le shiatsu

« A Strombeek, Ludo Wouters était un dur aussi. Je suis devenu un homme, mentalement. Il m’en a fait voir. Strombeek était athlétique. On courait tout le temps. Une fois, le gardien m’a dépassé! Alors, j’ai pris une résolution: ça ne m’arriverait plus jamais! J’ai travaillé dur, tous les jours au fitness, pour gagner en volume et expulser mon agressivité. J’ai acheté un chien, je me suis obligé à me lever tous les jours à huit heures, à effectuer une promenade à huit heures et demie avant de partir au fitness. La D3 est la meilleure école pour un jeune. Si j’en suis sorti, c’est grâce à mes efforts, à 95%. Tous les coups encaissés m’ont rendu plus fort.

J’ai fait la connaissance de Dirk De Roeck, un ostéopathe bruxellois qui me suit depuis quatre ans. Il emploie des méthodes indiennes. Ses manipulations m’ont apaisé. Il a aussi changé mes habitudes alimentaires et ma façon de penser. En six mois, ma vie a changé. Je suis passé du noyau C d’Alost au statut d’international Espoir. Je me baladais dans le parc avec mon chien quand Wim De Coninck m’a téléphoné pour me dire que j’allais jouer avec l’équipe A à Charleroi, le soir. En pleurant, j’ai téléphoné à ma mère. J’ai eu la chair de poule en découvrant le nouveau stade de Charleroi. Quelle émotion! C’était l’aboutissement de mon travail.

Le soir même, j’ai appris que mon beau-père venait de se suicider. On me demande parfois d’où me vient mon réalisme. De ces moments: en l’espace de deux heures, je suis passé du paradis à l’enfer. Dirk m’a aussi envoyé chez Johny Butaye, un spécialiste du shiatsu. C’est une thérapie manuelle douce basée sur les principes orientaux. D’emblée, il m’a dit: Tu dégages quelque chose de négatif, de trop dur. En travaillant mes champs énergétiques, il m’a apaisé. Alors que je suis agressif au volant, j’ai laissé passer tout le monde. Ensuite, il m’a confronté à des choses passées dont je ne me souvenais plus. Il m’a libéré. Selon lui, le cancer de l’intestin dont ma mère a été victime l’année dernière était dû à ce qu’elle avait enduré.

Plus personne ne peut me briser, maintenant. Le cancer de ma mère a perturbé mon intégration au Lierse. Peu avant la Noël, elle a guéri. Mes performances sont éloquentes. J’ai appris qu’il faut forcer sa chance en travaillant et en se soignant ».

Christian Vandenabeele

« Un traumatisme subi dans mon enfance me rend inconsciemment colérique »

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