Indemnités de déformation

Ma mémoire aime jouer les gruyères quand je veux citer le ministre francophone des Sports : faut toujours que je repense à ce comique de Roland Magdane pour retomber sur le nom de Rachid Madrane ! Lequel n’est pas un comique puisqu’il fait en ce moment hurler nos petits clubs, en ayant décidé de supprimer les indemnités de formation.

Sorry, petits clubs, je n’ai rien pour les socialos pas plus que pour les libéros ou les écolos …mais Rachid a raison ! Ces indemnités ont d’ailleurs cessé d’exister en Flandre, une région très voisine qui ne semble pourtant pas, footeusement parlant, davantage dans la mouise que la Wallonie…

Le décret de 2006 voulait éviter le pillage des petits clubs par les plus huppés. Primo, hélas, ça a amené ces petits à rêver de jackpot, de gros lot : tous forment, ou croient former, en rêvant d’avoir affilié un surdoué qui deviendra un jour Thomas Meunier ou Eden Hazard, et qui fera sonner le tiroir-caisse parce qu’il est passé quelque temps par chez eux.

Ce n’est pas juste. On n’est pas propriétaire de celui qu’on a aidé, peu ou prou, à s’améliorer dans un domaine : si les écoles agissaient de même, si elles ramassaient du fric chaque fois qu’un ministre, un Prix Nobel ou un grand capitaine d’industrie les a fréquentées jadis en culottes courtes, il y aurait consensus pour hurler au scandale.

Secundo, encore hélas, le décret a amené les petits clubs à se jalouser les uns les autres. D’une part, au grand dam de parents ahuris, surtout ceux que le foot indiffère, refus du club d’accueillir un gamin venant d’ailleurs s’il doit lâcher du pognon : refus normal a priori …sauf que ledit club lâchera quand même du flouze si c’est lui qui veut transférer le gamin, si celui-ci renforce son équipe d’âge, voire fait rêver du jackpot supra…

D’autre part, pas question de laisser partir un gamin sans réclamer un coût de formation. Le principe peut se comprendre : encore que, moins un club réclame, plus il colle à sa fonction humaniste, je ne vois pas d’autre mot… Mais le gros hic, c’est qu’au moment où le gosse veut quitter, le club puisse exiger ces fameuses indemnités de formation, ce qui revient à lui dire : Holà, mon ami, tu nous as coûté bien davantage que la cotisation acquittée au départ de chaque saison !

Et ça, c’est anormal, les parents n’ont pas à banquer deux fois. Selon le dico, la cotisation est la somme à verser par les membres d’un groupe, en vue des dépenses communes : ce n’est rien d’autre que la définition d’indemnités pour la formation d’un gamin durant une saison, qu’il s’avère graine de star ou canule (*).

Les parents n’ont à faire que leur devoir de parents : la cotisation de leur gosse en vaudra-t-elle la chandelle ? Combien elle coûte, le gosse s’épanouit-il, combien d’entraînements de combien de temps lui dispense-t-on par semaine, joue-t-il le week-end ou fait-il tristement banquette ? … Les réponses seront à géométrie variable, faut faire gaffe au rapport qualité/prix.

Reste surtout aux clubs à examiner froidement leurs recettes et dépenses, déterminer le coût réel de leurs équipes d’âge, assumer prioritairement leur mission de formation. L’idéal ? Fixer le montant nécessaire aux jeunes …puis voir ce qu’il reste pour l’équipe première ! On peut rêver.

Mais que le club mette sur papier deux colonnes distinctes, l’une pour les adultes, l’autre pour les jeunes : taux respectif d’occupation des terrains, bénévoles, coût des entraîneurs, recettes/buvette, sponsoring, équipements, frais de déplacement, transferts, défraiements de joueurs, tickets d’entrée, subsides…

Et là, malgré Madrane, il faudra constater que l’équilibre budgétaire est dans la colonne/jeunes …et le déséquilibre au moins potentiel dans l’autre ! Les pleurnicheries des petits clubs face au ministre sont d’inutiles larmes de crocodile. Perso, je pense surtout qu’ils devraient assaillir plutôt notre ACFF : laquelle, quant à ses exigences en matière de formation de formateurs (d’où découlent ses subsides éventuels), devrait mettre de l’eau dans sa bière…

(*) Canule ! Belgicisme tombé en totale désuétude ! Que de fois pourtant l’employait-on jadis à la récré, pour désigner sans pitié les plus nuls balle au pied…

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