Inclassable

Le Brésilien des Zèbres est cité tant à Genk qu’au Standard: ses entraîneurs belges soulignent sa progression.

Il était arrivé sur la pointe des pieds en Belgique. La boule à zéro, Eduardo a très vite imposé son sourire et sa gentillesse, sa disponibilité et son énorme force de travail. Le Brésilien est l’ami de tous à Charleroi.

Quand l’heure du départ aura sonné, il laissera à tous un bon souvenir et une façon exemplaire de mener sa carrière, d’être totalement professionnel au quotidien et sérieux sur un terrain. Aujourd’hui, s’il y a un vedette à Charleroi, c’est Eduardo. Pourtant, quand il débarqua de Lecce, où il ne fut pas retenu car les joueurs extra communautaires étaient trop nombreux, les commentaires ne lui furent pas particulièrement favorables. Certains estimèrent ainsi qu’il était le seul Brésilien aux pieds carrés.

Même Raymond Goethals ne l’épargna pasdans un récent commentaire: « A mon avis, Charleroi a trouvé ce Brésilien-là Rue Haute, dans le quartier des Marolles à Bruxelles ». Il n’a pas précisé si c’était au Vieux Marché ou pas mais ajouta: « Il est trop lourd et trop lent au démarrage pour le top en Belgique ». Le vieux sorcier pourrait revoir ses impressions car Eduardo présentera à coup sûr un bon bulletin à la fin de la saison.

Jusqu’à présent, il a mis 11 des 37 buts de Charleroi à son compte. Cela représente 29,72 % des réalisations de son équipe. Après 30 matches, à titre de comparaison, Cédric Roussel avait signé 47,82 % des buts de Mons, Ole-Martin Aarst 41,17% de ceux du Standard, Wesley Sonck 30,43 % de ceux de Genk et Nenad Jestrovic 24, 63 % de ceux d’Anderlecht. Ces chiffres démontrent que le Brésilien doit être classé parmi les attaquants de D1 à suivre du regard. Par rapport aux fines gâchettes, il a été handicapé par les errements d’une équipe minée par le stress et n’ayant sorti la tête de l’eau qu’en vue de la ligne d’arrivée. Il est facile de prédire que le pourcentage d’Eduardo augmentera fortement quand les structures tactiques qui l’entourent, à Charleroi ou ailleurs, ne seront plus sujettes à de continuelles fluctuations. C’est déjà une récompense pour ce joueur loué par les différents entraîneurs qu’il a eus jusqu’à présent à l’ombre du Marsupilami.

Droit vers le but adverse

Manu Ferrera était aux commandes du navire zébré quand le Brésilien arriva en Belgique. « La saison 2000-2001 était déjà bien entamée quand il signa son contrat », rappelle Manu Ferrera. « Ses tests furent excellents et il dévoila un fameux potentiel physique. Côté puissance et vitesse, c’était tout bon. A mes yeux, Eduardo n’était pas utilisable directement. Il devait encore décortiquer le style de jeu à la belge. Mais cela n’a pas pris des mois. Quelques semaines plus tard, il montait en cours de jeu face au Standard, puis ce fut carrément un match complet contre le GBA. Je suis parti un peu plus tard mais je constate, avec le recul, que sa courbe de progrès ne cesse d’être ascendante. Pour moi, il est même la révélation de la saison. Cédric Roussel présente de meilleurs chiffres que lui mais il a l’avantage d’être à la pointe d’une équipe qui joue bien au football depuis le début de la saison. Tous les autres buteurs de D1 sont mieux servis que celui de Charleroi. Eduardo vit depuis le début du championnat dans le bas du tableau. Il n’y a rien de plus épuisant que cela.

En 2001-2202, Eduardo, toujours en phase d’apprentissage, pouvait se reposer sur Darko Pivaljevic et Sergio Rojas. Au début de la saison en cours, l’attaque de Charleroi, c’était lui, rien que lui, car Alexandre Kolotilko n’était pas dans le coup. C’est épouvantable mais il a tenu le coup. Il bénéficie désormais de l’aide de Lisasi Boeka et son rendement est forcément en hausse. Eduardo est un attaquant difficilement classable. Il adore la profondeur, est très vertical, fonce droit vers le but adverse. Il ne ménage pas ses efforts et c’est aussi épuisant pour lui que pour ses adversaires. Eduardo sait que les occasions sont rares à Charleroi et cela peut expliquer une certaine précipitation, ou un manque de sang-froid, à la finition. A la limite, je l’ai vu signer des trucs à la Maradona mais rater une balle à la façon d’un joueur de Provinciale. Il a un potentiel énorme et est toujours dangereux. C’est un gros travailleur qui peut déjà faire le grand bond vers le top belge. A l’heure actuelle, le Brésilien est même le seul Carolo qui puisse rapporter pas mal d’argent sur le marché des transferts ».

Look à la Ronaldo

Enzo Scifo fut à la base de son arrivée en Belgique. L’agent d’Eduardo eut le regard attiré vers Charleroi par la présence d’Enzo au pied des terrils de la Sambre. L’ancien manager du club, Lucien Gallinella, insista aussi pour que le club ne rate pas cette occasion.

« L’intérêt du Standard et de Genk pour ce joueur ne m’étonne pas du tout », affirme Enzo Scifo. »J’ai tout de suite été frappé par sa mentalité très positive. C’est une personnalité attachante. Ce joueur est dans cesse à l’écoute. Dès qu’un Brésilien débarque en Europe, on le compare aux plus grands de son équipe nationale. De plus, Eduardo a un look à la Ronaldo, qui aiguise le jeu des comparaisons. C’était évidemment un handicap. Eduardo a dû vaincre ces regards afin de faire son trou. Il y est parvenu en s’entraînant comme un malade. Il doit avoir des aïeux suédois ou allemands car sa générosité dans l’effort physique est sidérante. Eduardo s’est adapté et a déjà gommé ses lacunes techniques. Il est venu en Europe pour réussir. Et, à la fin du compte, il arrivera peut-être plus facilement que ceux qui ne comptent que sur leur talent. Eduardo est un battant qui monte en régime. Il sera de plus en plus constant. A Bruges, cette saison, il a réussi un exploit qui en dit long sur son potentiel. Eduardo a pris des défenseurs de vitesse avant de résister à des charges, de réussir un exploit technique et de servir Lisasi Boeka sur un plateau d’argent pour le deuxième but de son équipe.

A cette occasion, il a étalé toute la palette des atouts d’un attaquant moderne. C’est un joueur explosif dont on n’a pas encore cerné tout le potentiel. L’heure est venue pour lui de franchir une étape. Cela peut se faire à Charleroi, si ce club devait vivre dans des sphères plus élevées du championnat, mais l’idéal, pour lui, serait de se retrouver dans un des trois ou quatre clubs belges les plus en vue. A mon avis, Eduardo y jouerait sans trop de problèmes. Après, il sera prêt pour un grand pays. Le Brésilien de Charleroi n’a que 23 ans. Il garde la tête sur les épaules et avance pas à pas. On devine qu’il peut exploser à chaque instant et devenir pour de bon une des grandes attractions de la D1″.

Reconversion défensive immédiate

Eduardo a entamé cette saison sous la direction d’ Etienne Delangre. Il savait que cet exercice ne serait pas une sinécure. Abbas Bayat laissa filer des piliers, misa sur la jeunesse, laissa Eduardo seul à l’attaque, avant l’arrivée tardive d’ Alex Kolotilko puis, plus tard encore, de Lisasi Boeka. Tout cela sans transition.

« Malgré cette solitude, Eduardo a été admirable », affirme Etienne Delangre. « Je ne l’ai jamais entendu se plaindre malgré la difficulté de la situation. Or, il avait besoin de soutien comme un affamé de pain. Sans lui, je n’aurais pas récolté quatre points sur 33 mais zéro, c’est tout dire. Quand je suis parti, Charleroi a tout de suite recruté les joueurs nécessaires pour solidifier la structure de l’équipe. Eduardo a normalement tiré profit de cet enrichissement de l’effectif. Quand Raymond Goethals l’estime lent, je ne peux que sourire. Son physique ne doit rien à personne. C’est une fusée et je l’ai vu griller de nombreux défenseurs de D1 tout en ayant la balle au pied. Tous ses déboulés sont redoutables. Mais, et c’est tout aussi remarquable, malgré ses efforts offensifs, sa reconversion défensive est immédiate. Eduardo est à la fois le finisseur et le premier défenseur de Charleroi. C’est donc un attaquant de pointe très moderne qui doit encore mieux gérer ses occasions de but.

Quand il jouera dans une équipe plus sereine, son potentiel sera éclatant. Il a soif d’apprendre. Il est impossible de le comparer aux autres buteurs de D1. Eduardo n’est pas encore hyper médiatisé. C’est donc le moment de le prendre. Cédric Roussel est un pivot. Ole-Martin Aarst se distingue en tant que renard des rectangles. Wesley surgit bien de la deuxième ligne et a une excellente frappe sur phases arrêtées. Nenad Jestrovic adore surgir devant le gardien adverse. J’aimerais voir à l’oeuvre un duo Nenad Jestrovic-Eduardo. Le Brésilien peut mettre les meilleurs défenseurs sur les genoux. Quand il s’est évadé, on ne le reprend plus. Eduardo adore faire la différence avant de servir un équipier mieux placé que lui à la conclusion. Jestrogoal et Eduardo seraient formidablement complémentaires: le mariage de la vitesse et du réalisme. Eduardo s’adapterait à Anderlecht comme partout, je n’en doute pas ».

Pierre Bilic

« L’intérêt de grands clubs ne m’étonne pas » (Enzo Scifo)

« J’aimerais voir à l’oeuvre un duo Jestrovic-Eduardo » (Etienne Delangre)

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