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IMPUISSANCE SUR LES RIVES DE L’ELBE

Le Hambourg SV est le seul club à n’avoir jamais quitté la Bundesliga en 53 ans. Mais depuis plusieurs années, l’Elbe ne cesse de monter. Une vision à court terme est le fil rouge d’une gestion opportuniste.

Le Hambourg SV procède à un changement important de personnel tous les quatre mois, en moyenne. Le dernier s’est produit en fin d’année : le club a mis un terme au mandat du directeur sportif Dietmar Beiersdorfer, qu’il a remplacé par Heribert Bruchhagen, âgé de 68 ans. Les clubs disposant de structures saines peuvent digérer ça mais c’est précisément là que le bât blesse à Hambourg.

Dietmar Beiersdorfer, qui était également président du conseil de contrôle, n’est jamais parvenu à ramener sa sérénité au club : en deux ans et demi, l’ancien défenseur, qui en était à son deuxième mandat dans le nord, a usé trois entraîneurs et dépensé 52 millions en transferts. Sans succès sportif : en 2014 comme en 2015, Hambourg n’a assuré son maintien que via les barrages. En ce début de trêve hivernale, le club hanséatique est seizième. La seule voie qu’il ait vraiment suivie est celle qui mène au ravin.

Bruchhagen, qui a déjà travaillé au HSV, va-t-il infléchir la situation sportive et diminuer la dette de 90 millions ? Ça reste à voir. Heribert Bruchhagen respire le calme et l’intégrité mais ça ne suffit pas. Son arrivée symbolise la mauvaise gestion constante du club. Malgré son bulletin négatif, le club voulait initialement conserver Dietmar Beiersdorfer au poste de directeur sportif, sans autre responsabilité, mais celui-ci n’a pas accepté cette relégation. Bruchhagen va donc cumuler les deux postes, provisoirement.

Cela illustre l’impuissance d’Hambourg. Les changements incessants d’entraîneurs, les intrigues à tous les échelons, le manque de vision sportive, les sélections composées avec opportunisme, tout cela a entravé toute forme de continuité, de stabilité. En dix ans, Hambourg a usé 17 entraîneurs, aux conceptions sans cesse différentes, aux méthodes changeantes. Cette instabilité a fourni aux joueurs un alibi à leurs mauvaises prestations. A tous les étages du club, les changements sont légion. En novembre dernier, le directeur de la communication Jörn Wolf a démissionné, rapidement imité par le directeur du marketing, Joachim Hilke.

Pourtant, le HSV se considère toujours comme un grand club et verse des salaires conséquents. Le montant alloué au noyau s’élève à 54 millions cette saison. Il pèse très lourd sur le budget global. Hambourg s’est jeté dans les bras d’un milliardaire, Klaus-Michael Kühne. En 2013, cet homme d’affaires, qui a fait fortune dans le transport et la logistique, est venu une première fois en aide au club quand celui-ci a failli perdre sa licence. Ensuite, il a acheté 11 % des parts et le nom du stade. Kühne aurait déjà investi cent millions dans le HSV.

DES REMOUS CONSTANTS

Ça n’a pas apporté la moindre stabilité sur les rives de l’Elbe. La structure directrice du club est complexe. Pour obtenir une meilleure prise sur elle, Kühne (79 ans) a nommé un directeur de ses entreprises, Karl Gernandt, à la présidence du conseil des commissaires. Beaucoup de personnes ont leur mot à dire et ne s’en privent pas, y compris en public. Les médias constituent un podium idéal. Autre scène typique à Hambourg : des dirigeants se sont déjà battus en rue, fâchés des décisions prises. Tous étaient liés à des journaux, d’où des remous constants. La situation n’a toujours pas changé. Une direction où règne la méfiance peut difficilement poser de nouvelles bases.

Malgré tout, Hambourg reste une puissance du football allemand. Au premier tour de cette saison, il a joué devant une assistance moyenne de 52.523 spectateurs. Le public est critique mais fidèle, même s’il se souvient surtout de l’époque où son club donnait le ton dans le football allemand. En 1978, Hambourg a été le premier à introduire un management moderne. L’ancien grand footballeur Günter Netzer, devenu manager, a déterminé la politique du club pendant huit saisons, durant lesquelles le club a gagné trois titres ainsi que la Coupe d’Europe des Clubs Champions 1983. C’est aussi Netzer qui a attiré Ernst Happel à Hambourg en 1981. L’Autrichien allait y rester huit ans et devenir un des meilleurs entraîneurs de l’histoire. Ensuite, le royaume s’est effondré. La Coupe d’Allemagne 1987 est le dernier trophée du club, même s’il s’est encore qualifié à huit reprises pour l’Europe de 2000 à 2009.

UN DINOSAURE

Chaque saison, tel Sisyphe, Hambourg reprend à zéro. Chaque fois, ses illusions se muent en désillusions. En début de saison, la raison semblait dominer au HSV, ce dinosaure aux sept vies comme sa mascotte Hermann, qui se promène dans le stade avant chaque match à domicile.

Ce n’était qu’une vaine résolution. Seizième après cinq journées, Hambourg a licencié son entraîneur, Bruno Labbadia, qui avait pourtant réalisé un miracle : à son arrivée en 2015, l’équipe était dernière. Le jeu était de si piètre qualité que nul ne croyait plus au maintien. Labbadia, réputé pour avoir un concept de jeu, a non seulement assuré le maintien du HSV mais l’a parqué en dixième place. Entre-temps, son message ne passait plus. Il a été remplacé par Markus Gisdol. Celui-ci avait été renvoyé un an plus tôt par Hoffenheim. Comme le veut la tradition hambourgeoise, la transition n’a pas été facile. Le capitaine Johan Djourou s’est plaint d’emblée du 3-5-2 du nouvel entraîneur, après une défaite 5-2 au Borussia Dortmund. On lui a promptement retiré son brassard.

On s’attend pourtant à ce que Markus Gisdol, qui a tenu à ne signer que jusqu’en fin de saison, conduise l’équipe dans des eaux tranquilles. Même si le HSV occupe une place qui le conduit à nouveau aux barrages pour le maintien avec le troisième de la deuxième Bundesliga, on s’attend à ce que l’entraîneur, avec Herbert Bruchhagen, lui apporte une certaine stabilité. Hambourg a pris onze points en six matches, avant la trêve hivernale. C’est considéré comme un signe positif, dans ce club en piètre état. Gisdol veut gommer les hiatus de la défense. Le HSV a déjà acheté pour deux millions Mërgim Mavraj (30 ans) au FC Cologne et d’autres doivent suivre. Il s’agit de développer une vision et une identité claire. Pendant ce temps, Herbert Bruchhagen doit chercher un nouveau directeur sportif. Quatre hommes se sont relayés à ce poste lors des cinq dernières saisons. Comme le Danois Frank Arnesen, ancien joueur d’Anderlecht, notamment, qui a même amené des scouts de Chelsea avec lui, en 2011, et a mis en place un directeur technique. Deux ans plus tard, il a été remercié. C’est toujours le directeur sportif qui choisit un entraîneur mais Hambourg procède différemment. On ne sait pas comment il est possible, dans des conditions pareilles, de développer une philosophie de jeu solide et valable pour plusieurs années.

GASPILLAGE

Il se passe donc toujours quelque chose en football, dans cette ville animée. En 1963, le Hambourg SV faisait partie des seize clubs fondateurs de la Bundesliga. Depuis, tous ont été rétrogradés. Même le Bayern ne peut briguer le statut du HSV car il n’a rejoint la nouvelle élite qu’en 1965.

Uli Hoeness, le président du Bayern, maintenant lavé de tous ses péchés, a un jour dit que le HSV était le seul concurrent sérieux de son club. Grâce aux possibilités financières de la ville portuaire, à son économie florissante et à son enthousiasme. La chute libre du club est en porte-à-faux avec l’image d’un ville qui comptait 42.000 millionnaires il y a deux ans. Et onze milliardaires. Hambourg voit grand et ses rêves n’ont pas de limites.

Le problème, c’est que la ville a perdu le sens des réalités et a désappris à calculer. On construit actuellement une grande salle de concert dont le coût initial était estimé à 77 millions d’euros. Finalement, le projet s’élèvera à 789 millions, soit dix fois plus que prévu.

Jeter l’argent par les fenêtres, c’est aussi la caractéristique du Hamburger Sport Verein. Et ses estimations sont de plus en plus erronées. Le club se noie ainsi dans ses larmes. Hambourg, la plus grande ville d’Allemagne après Berlin, avec 1,7 millions d’habitants, se mue progressivement en désert footballistique. Outre le HSV, il lui reste encore le FC Sankt-Pauli, en deuxième Bundesliga. Ce club s’est produit en Bundesliga pendant huit ans mais s’y est davantage distingué par sa solidarité que par le succès sportif. Il est maintenant dernier de D2. Il joue pourtant devant 29.546 supporters. Cela pourrait encore être plus mais le stade est limité. St-Pauli est un club spécial, pour lequel onze millions d’Allemands avouent un faible.

Il n’empêche : si le HSV devait quitter la Bundesliga après plus d’un demi-siècle et que Sankt-Pauli culbutait en troisième division, il ne resterait rien du football. Hambourg deviendrait la ville des lanternes rouges.

PAR JACQUES SYS ET PETER WEKKING – PHOTOS BELGAIMAGE

La seule voie empruntée par le Hamburger SV mène au ravin.

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