« Impossible de rester au Standard »

Pour la première fois, il revient dans le détail sur son départ de Sclessin. Et il commente ses premières impressions gantoises.

Mercredi dernier au complexe d’entraînement de La Gantoise. La grille d’entrée est fermée, un garde filtre les arrivants. Le mot de passe est le bon :  » J’ai rendez-vous avec Michel Preud’homme « . La grosse barrière s’ouvre comme par enchantement. Quelques minutes plus tard, Preud’homme (50 ans en janvier 2009) déboule dans la cafétéria.  » Kom naar mijn kantoor. Oh, désolé, je parle maintenant en flamand avec des francophones… Je suis vraiment crevé « . Il nous emmène dans son vaste bureau pour un long entretien à bâtons rompus. Tout a bien changé, ici. La saison dernière encore, on entrait à La Gantoise comme dans un moulin. Et le local du coach était grand comme une boîte à sardines. Premiers effets MPH ?

Michel Preud’homme : J’ai directement demandé qu’on aménage cette pièce en grand bureau pour que le staff puisse travailler ensemble dans de bonnes conditions. J’ai tout le monde sous la main : mes trois adjoints, mon entraîneur des gardiens et mon préparateur physique. Avant, chacun terminait son travail seul à la maison et l’échange d’idées ne pouvait donc pas être idéal.

Un préparateur physique à La Gantoise ? C’est nouveau…

Certains entraîneurs estiment que ce n’est pas indispensable. Moi bien. Le nôtre vient de l’Université de Gand mais il a aussi joué, jusqu’en D3. Ce n’est pas un universitaire tombé soudainement dans la soupe du foot. J’ai appris les bases de la préparation physique à l’école des entraîneurs et Manu Ferrera a aussi de bonnes notions. Mais tout est tellement pointu aujourd’hui que c’est mieux de s’entourer de spécialistes. La façon de positionner ses bras pendant la course, par exemple, cela ne s’apprend pas aux cours pour entraîneurs. Faut-il les utiliser comme les sprinters ou comme les coureurs de fond ? Ou la meilleure inclinaison du tronc : plus vers l’avant ou plus vers l’arrière ? Et comment placer les pieds au moment d’un démarrage ? Certains joueurs commencent par reculer de quelques centimètres, mais ils perdent de précieuses fractions de seconde. C’est difficile de changer les habitudes d’un footballeur de 27 ou 28 ans, mais chez les plus jeunes, tout est encore malléable. Le foot reste un sport de course et le travail physique est donc plus qu’essentiel. Aussi important que la technique ou la tactique. J’étais déjà bien servi au Standard avec Guy Namurois, qui venait de l’athlétisme.

La grille d’entrée était fermée et gardée ici : vous n’avez pas traîné pour instaurer les huis clos dans ce club !

Non, ça n’a rien à voir. Je voulais seulement te recevoir dans l’intimité. (Il éclate de rire). L’explication, c’est que nous jouons ici, ce soir, contre le Brussels. Le match devait se dérouler à Wetteren mais il a été interdit par le bourgmestre. Donc, nous nous sommes rabattus sur notre complexe d’entraînement, mais il a fallu fermer l’entrée parce qu’on ne peut pas recevoir 2.000 supporters.

Il n’y aura pas de huis clos à La Gantoise ?

Il n’y en a pas encore eu. Mais il y en aura.

Au Standard, c’était devenu systématique.

C’était un souhait général dans le club. Il y avait un tel engouement, surtout vers la fin de saison, que même les joueurs souhaitaient travailler dans le calme. Je ne demandais pas mieux : ça me permettait de les protéger de l’euphorie. Mais au départ, le but était ailleurs : le huis clos servait à conserver des secrets tactiques et de préparation. Des adversaires envoyaient des espions à nos entraînements et la presse ne se privait pas non plus. Je retrouvais certains de nos schémas de jeu dans les journaux : ça allait trop loin. Et il y avait tous les jours un journaliste de chaque quotidien francophone à nos entraînements. Ici, c’est différent : les journaux flamands ne passent que deux ou trois fois par semaine. J’imagine que l’intérêt médiatique ne sera pas comparable à ce qu’il était au Standard.

 » Je ne suis pas strict, je suis organisé « 

La médiatisation du club est quand même déjà beaucoup plus forte depuis votre arrivée ?

Oui, mais ce n’est pas dû uniquement à ma présence. En fin de saison, La Gantoise avait vendu en quelques heures ses 20.000 tickets pour la finale de la Coupe. Cela voulait déjà dire quelque chose sur l’attrait du club. Il y a eu un monde fou à la journée portes ouvertes, et près de 9.000 personnes aux Fêtes de Gand quand le noyau est descendu dans la ville. Des gens m’ont dit qu’ils n’avaient jamais vu ça : tant mieux.

Vous êtes conscient que, rien que par votre présence, on attend beaucoup plus de Gand ?

Ce club avait déjà un entraîneur réputé avant mon arrivée, non ? Trond Sollied, c’est quelqu’un ! Mais c’est clair que les gens attendent beaucoup. Le président a eu les mots justes, il a dit qu’il fallait rester calme. J’ai signé pour trois ans et nous avons un projet sur trois ans. Entre-temps, le but est d’amener ce club le plus haut possible. Mais bon, je ne peux pas empêcher les supporters d’avoir directement des rêves extrêmes. Moi, je ferai le point exact sur nos ambitions dès que l’équipe aura commencé à tourner, dès que la mayonnaise aura pris. A ce moment-là, j’y verrai plus clair.

Quand le président lance qu’il  » ne veut pas brûler Preud’homme « , que veut-il dire ?

Il paraît que dans le passé, il a déclaré plus d’une fois qu’il visait le titre. Avec Georges Leekens et Sollied notamment. Il a sans doute retenu les leçons. Aujourd’hui, il dit que Gand a trois ans pour construire sans se casser la figure.

Vous avez déclaré que le noyau de Gand était le plus sous-estimé de Belgique : expliquez-vous.

C’est ce qu’on a écrit mais ce n’est pas exactement ce que j’ai dit. J’ai affirmé que ce groupe avait un beau potentiel, notamment parce que j’ai beaucoup de possibilités de changement. Par exemple, j’ai cinq défenseurs centraux pour deux places. S’il y a un ou deux absents, il me reste des gars de bon niveau. Idem dans l’axe de l’entrejeu. Avec Bernd Thijs, Randall Azofeifa, Christophe Grondin et Milos Maric, ça me fait quatre joueurs très intéressants alors que je ne dois en mettre que deux sur le terrain.

Depuis des années, Gand cale en retrait des grands du championnat. Que manque-t-il pour passer dans le peloton de tête ?

Je connais bien l’histoire de ce club parce que j’ai souvent discuté avec ses dirigeants quand j’étais à la Fédération. Gand a dû résorber un passif énorme tout en essayant de rester plus ou moins compétitif. Aujourd’hui, les dettes sont effacées et on peut recommencer à construire. Ivan De Witte a fait remarquer récemment que Gand avait plus d’habitants que Liège. C’est la deuxième ville flamande derrière Anvers : ça veut dire que le potentiel est là. Le Standard a connu le même problème que La Gantoise : il fallait reboucher un gros trou. Cela s’est simplement fait plus vite à Sclessin parce que des investisseurs privés ont aidé.

Gand sera le premier club belge à avoir son tout nouveau stade !

Tout à fait. Genk a déjà l’outil dont il a besoin. Le Standard et Bruges y travaillent, Anderlecht cherche. Chez nous, tout sera terminé dans deux ans.

Quand vous êtes arrivé, vous avez ressenti le contrecoup de la défaite en finale de la Coupe ?

Absolument pas. Le public n’en garde pas le souvenir d’une défaite mais d’une superbe prestation. Les Gantois ont fait la fête comme nous avions festoyé avec Malines, à la fin de ma première saison là-bas, après avoir raté le titre d’un cheveu.

La préparation vous a satisfait ?

Vraiment, oui. Nous avons fait notre 50e entraînement aujourd’hui. Depuis le 26 juin, ça fait un bon rythme. Mes joueurs n’ont eu que deux jours de congé. Je suis très content de leur répondant. Je n’avais pas choisi la facilité au niveau des adversaires. Nous avons gagné 4-2 contre une D1 israélienne (Ramat Gan). Nous avons fait 0-0 contre Galatasaray en méritant de gagner. Et le Paris Saint-Germain nous a battus 2-1 dans le match où sa meilleure équipe était présentée au public. Le PSG ne nous a jamais mis en difficulté, nous aurions pu ouvrir la marque et nous avons été punis pour 20 minutes de flottement. Indépendamment de ces résultats, il y a d’autres satisfactions. Toutes les règles que j’ai établies sont respectées à la lettre, je n’ai pas encore dû donner une seule amende. Aucun joueur ne s’est pointé à un rendez-vous avec une seule seconde de retard.

Sollied était beaucoup moins strict que vous, il misait sur l’autodiscipline.

Je ne suis pas strict, je suis organisé. Mais je ne dis pas que Sollied ne l’était pas. L’organisation, c’est par exemple exiger que tous les joueurs arrivent à l’heure. Ce ne serait pas normal que certains viennent au centre d’entraînement 10 minutes avant le début de la séance alors que d’autres y sont déjà depuis une heure. Mais je sais aussi rigoler avec eux. Aux Fêtes de Gand, ils m’ont demandé s’ils pouvaient boire une bière, en fin de journée, à l’abri des regards. J’ai répondu : -Bien sûr, et c’est bien de l’avoir demandé. Ils sortaient d’une journée infernale avec entraînement, séance de dédicaces et d’autres choses encore : ils avaient bien mérité leur bière !

 » Pas de solution pour moi au Standard. Tout était bloqué « 

Une clause du contrat de Sollied lui permettait de partir après une seule saison, moyennant un dédit limité. Il l’a exploitée. Vous avez aussi une clause comme ça ?

Tout le monde connaît les règles du football professionnel : les clubs, les joueurs, les entraîneurs. On peut toujours partir avant le terme de son contrat si on verse un dédommagement. Mais je n’ai pas voulu d’une clause pareille. Je n’avais pas envie d’utiliser un jour cette liberté-là. Quand je signe quelque part, c’est avec l’intention d’aller au bout. Et je suis un homme fidèle : 9 ans au Standard, 8 à Malines, 7 à Benfica, à nouveau 7 au Standard comme entraîneur et directeur technique.

Vous vous imaginez pour 8 ou 10 ans à Gand ?

Impossible à dire. Si je suis resté aussi longtemps dans mes clubs précédents, c’est parce que ça fonctionnait toujours bien. La preuve, c’est que le Standard et Benfica m’ont repris dans un autre rôle, après ma carrière de joueur. Je suis incapable de dire comment ça va se passer à Gand. Mais quand je suis bien quelque part, je ne cherche vraiment pas à aller voir ailleurs.

Cela veut dire que vous n’étiez plus bien au Standard…

Il y a eu des raisons qui m’ont poussé à partir. Mais certainement pas des raisons financières. C’était surtout lié à la durée du contrat et au projet.

Le Standard a un grand projet, quand même ?

Peut-être, mais pas avec moi. J’ai estimé qu’après avoir passé 7 ans là-bas, ce n’était pas un projet pour moi de ne pouvoir prolonger que pour une seule saison. Et j’ai compris que c’était mieux d’aller voir ailleurs.

Vous auriez pu patienter, tout se serait peut-être arrangé ?

Je ne pouvais pas laisser traîner la situation. Il fallait que tout le monde sache à quoi s’en tenir : aussi bien le Standard que La Gantoise. Reporter plus longtemps ma réponse n’aurait pas été correct. Je marche souvent au feeling, à l’intuition, et à Gand, le feeling était très bon. Evidemment, ce ne fut pas une décision facile de quitter le Standard, ses joueurs, son public. Les supporters m’ont porté aux nues, tu imagines comme ce fut compliqué de décider de ne pas rester avec eux. Mais mon feeling m’a dit que c’était le meilleur moment pour quitter le Standard.

Vous ne vous êtes jamais dit, avec le recul, qu’une solution aurait pu être trouvée ?

Non, parce que je n’en ai jamais été convaincu. J’étais au contraire sûr qu’il n’y avait pas de solution. Tout était bloqué. Et pas pour une question de gros sous, je le répète.

Quand vous avez signé ici, on a cité des montants impressionnants dans la presse.

Le Standard et Gand me proposaient exactement le même salaire.

D’accord, mais à Gand, c’était multiplié par trois puisque vous discutiez d’un contrat de trois ans !

Ce n’est pas parce que je pouvais signer pour trois saisons que ma sécurité financière était multipliée par trois. En cas de licenciement prématuré, que ce soit au Standard ou à La Gantoise, le dédit sera identique, vu l’ancienneté que j’avais à Sclessin.

 » Mon départ a aussi des explications dont je ne parlerai jamais « 

Vous connaissez Jacques Villeneuve ? Vous savez comment il a géré sa carrière en F1 ?

(Il rigole). Oui, je vois où tu veux en venir. Il était dans une écurie du top puis il a choisi de se lancer dans un projet à long terme avec une petite équipe et on l’a presque oublié. C’est ça ?

Tout à fait. Vous ne craignez pas le même phénomène ? Quelle sera encore votre cote si ça ne marche pas à Gand ?

Je n’ai jamais calculé à très long terme. Mais je sais que si je continue à travailler beaucoup, des portes s’ouvriront encore devant moi. Si je travaille très bien, ces portes seront encore plus nombreuses et plus ouvertes. Et même, dans le pire des cas, je peux aussi faire d’autres choses ! Il y a toujours du boulot pour les gens qui s’investissent. Quand je suis arrivé à la Fédération, je n’avais jamais lu de dossiers juridiques. Mais j’ai appris, j’ai parfois passé cinq heures d’affilée dans ces trucs-là et je me suis bien débrouillé.

Vous avez quand même décidé de rester définitivement entraîneur ?

Je ne pense à rien d’autre dans le futur immédiat. Pour le moment, c’est vraiment mon truc. Mais ça peut toujours changer. A 40 ans, il me restait un an de contrat à Benfica mais j’en ai soudainement eu marre, je ne me sentais plus capable de faire les efforts nécessaires pour rester au top. Et nous avons trouvé une solution pour que je me recase dans une autre fonction là-bas. Le jour où je n’aurai plus envie d’être coach, j’arrêterai.

Vous avez envie de redevenir un jour dirigeant ?

C’était un job qui me convenait. Si j’avais été élu président de l’Union Belge ou de la Ligue Pro, je ne serais pas entraîneur aujourd’hui. Je serais peut-être le numéro 1 de la Ligue Pro à la place de mon président de club actuel ! Mais la situation de l’époque a provoqué un gros ras-le-bol chez moi et j’ai alors accepté de redevenir entraîneur du Standard. Tout peut tenir à peu de choses : si je suis élu à la Fédération et si Johan Boskamp n’est pas licencié, je ne suis pas l’entraîneur champion en titre à l’heure où je parle.

Si je vous dis que vous avez préféré partir la tête haute, juste après un sacre, pour éviter le risque de vous planter avec le Standard la saison prochaine.

Rien à voir. Dans le foot, tu es au sommet un jour et on te considère comme un moins que rien le lendemain : je le sais, c’est un métier fait de hauts et de bas. Je sais aussi que j’aurais pu me permettre une moins bonne saison 2008-2009 avec le Standard sans devoir payer la note. Je ne dis pas que mon crédit était illimité après le titre, mais il était quand même énorme.

Mais c’était quand même mieux de partir sur une bonne note ?

Mais non. Je ne pense pas du tout à ça.

Une autre explication, qui me semble plus plausible. Vos relations avec Luciano D’Onofrio n’étaient plus ce qu’elles avaient été, ça ne se passait pas bien du tout avec Pierre François et encore moins bien avec Dominique D’Onofrio !

C’est l’analyse que Sport/Foot Magazine a faite il y a quelques semaines. Je ne suis pas obligé de la commenter. J’ai décidé de ne pas réagir à toutes les explications parues dans la presse. Je prends tout sur moi. Par respect et correction vis-à-vis du Standard.

Ce n’est pas votre analyse ?

Si je réponds, je déclenche une polémique. Donc, je ne dis rien. Mais j’aurais pu continuer à fonctionner avec les mêmes personnes pendant trois ans de plus. Mon départ a plusieurs explications. Il y a celle qu’on connaît : le contrat d’un an seulement. Et celles dont je ne parlerai jamais.

Mais c’était très tendu avec Dominique, non ?

On se faisait la bise chaque fois qu’on se croisait. Maintenant, ce qu’il faisait ou disait quand je n’étais pas là…

 » J’assumerai mon retour à Sclessin, quelles que soient les réactions « 

Vous avez reçu des messages de supporters ?

(Il hésite). Non… Je suppose que les gens sont partagés, comme toujours dans des situations pareilles.

Craignez-vous votre retour à Sclessin ?

J’assumerai ma décision, quelles que soient les réactions.

Au niveau émotionnel, ça pourrait être compliqué ?

Je suis déjà retourné au Standard avec Malines et à Malines avec le Standard : ça s’est toujours bien passé. Même s’il y a évidemment des émotions particulières dans des moments pareils. Quand on a passé autant de bons moments dans un club, il en reste toujours quelque chose. On a beau être des pros, on reste des êtres humains avant tout.

On vous a fait des offres de l’étranger ?

Il y a eu des contacts, pas de propositions formelles. Et ça ne venait pas du Portugal.

De Belgique ?

Non.

Vous rêvez de l’étranger ?

Pas spécialement. Quand vous rêvez de quelque chose, vous faites tout pour l’atteindre. Je n’aurais pas signé aussi vite à Gand si une expérience à l’étranger avait été une obsession.

Vous savez depuis combien d’années ce club n’a plus rien gagné ?

(Il rigole). Euh… Il y aura bientôt 25 ans, je suppose ?

Exact. Gand a gagné deux Coupes de Belgique, la dernière en 1984.

Ben oui, je sais, c’était contre le Standard. Mais je n’ai pas joué la finale. Nous avions dû nous retirer… un beau mot, non ? Avec le reste de l’équipe titulaire, j’avais encore participé à la qualification pour les demi-finales, puis le couperet est tombé dans l’affaire Waterschei et le Standard a dû aligner plein de jeunes en fin de saison. Et Gilbert Bodart m’a remplacé.

On peut s’éclater autant en entraînant le noyau de Gand après avoir dirigé celui du Standard ? Ils ne sont pas comparables !

Il y en a un qui a joué la finale de la Coupe de Belgique, l’autre qui a été champion… (Il rigole).

Allez, maintenant, on va vraiment parler du Standard…

Je n’aime pas tellement…

Les Rouches préparent la Supercoupe, puis ils enchaîneront avec le tour préliminaire de la Ligue des Champions. Si je vous dis que vous avez mangé un bon gâteau à Liège mais que la cerise ne sera pas pour vous ?

Ne te tracasse pas pour moi. La cerise, je l’ai eue, c’était le titre, elle était très bonne. Bien sûr, le gâteau peut toujours être plus beau, mais bon… Pendant près de deux saisons, j’ai été l’entraîneur dont l’équipe a pris le plus de points en championnat de Belgique. L’objectif suprême de la saison passée a été atteint. Nous avons aussi joué une finale de Coupe de Belgique. Puis une demi-finale que nous avons perdue parce qu’il me manquait plein de joueurs.

Cette demi-finale perdue contre Gand a permis à votre club actuel d’être européen : ce n’était donc pas une catastrophe.

C’est une autre histoire. A l’époque, La Gantoise, je m’en foutais.

Après le titre, votre objectif suivant, c’était quand même la Ligue des Champions ?

On vise toujours plus haut. Et c’est vrai, la Ligue des Champions était naturellement l’étape suivante dans ma progression comme entraîneur. Mais ce sera sans moi parce que la vie en a décidé ainsi.

Vous avez des objectifs précis en Coupe de l’UEFA avec Gand ?

Le président aimerait passer un tour. Ce serait bien d’aller jusqu’aux poules parce que j’ai un noyau étoffé et il n’y aurait donc pas de gros risques de surmenage pour mes joueurs. Je m’imagine déjà devant ma télé, en mise au vert, la veille de nos matches de poule, occupé à regarder le Standard qui joue la sienne en Ligue des Champions…

 » Ce qui me dérange, c’est de ne pas avoir pu dire au revoir à mes joueurs « 

C’est facile de travailler du jour au lendemain dans un noyau où il n’y a plus des cracks comme Axel Witsel, Marouane Fellaini ou Milan Jovanovic ?

Perdre des gars pareils, ça fait partie du boulot. L’osmose était parfaite avec la totalité de mon groupe, mais même si j’étais resté au Standard, nos chemins se seraient séparés un jour ou l’autre. Je ne me focalise pas sur un quelconque déchirement, je vois les choses autrement : ce que nous avons fait ensemble, personne ne pourra jamais nous le reprendre. Et j’espère que nous aurons encore des contacts dans très longtemps, comme je suis resté lié à mes anciens coéquipiers du Malines de la grande époque.

Vous êtes encore en contact avec certains de vos joueurs de la saison dernière ?

Pas tellement mais il y a quand même eu quelques coups de fil. C’est Steven Defour que j’avais appelé en premier, après ma décision de ne pas prolonger. Mon capitaine. Et quand j’ai un autre joueur au téléphone, je lui fais généralement un message à passer aux autres. Finalement, la seule chose qui me dérange vraiment, c’est de ne pas avoir pu leur dire au revoir.

Jovanovic sera toujours au Standard en septembre ?

(Il lève les bras au ciel). Ah ça, je n’en sais rien du tout. Je ne suis plus directeur technique du Standard. (Il rigole).

Par rapport aux joueurs du Standard, ceux de Gand sont sans doute moins capables de faire ce que vous leur demanderez. Cela ne risque pas de vous frustrer ?

Je ne les crois pas moins capables que ceux du Standard.

Il n’y a pas un risque que vous vous énerviez plus devant votre banc ? Encore plus…

Je ne m’énerve jamais sur mes joueurs.

Mais tous ces grands gestes…

Ils connaissent mes attitudes. En fonction de ce que je fais sur la touche, ils savent si je veux qu’ils soient plus calmes, plus agressifs, etc.

 » J’étais grillé en fin de saison, mais pas plus que les autres années « 

Vous avez terminé la saison dernière complètement grillé mentalement. Vous avez entièrement récupéré entre-temps ?

Oui, aucun problème. Mais je n’étais pas plus grillé que les autres années. Déjà quand je jouais, je terminais systématiquement le championnat sur les genoux. Parce que j’ai toujours essayé d’exploiter tout mon potentiel énergétique. Mais j’ai toujours su, aussi, me reposer en cours de saison, en sachant que je devais aller jusqu’au bout et que je devais donc en garder sous la pédale par moments.

Vous n’avez pas l’impression de consommer moins d’énergie comme entraîneur de Gand ?

Non, parce que j’essaye toujours de faire de mon mieux. Partout où je travaille. Depuis que je suis ici, je suis souvent crevé en fin de journée. Si je suis au centre d’entraînement à 8 heures du matin et que je ne rentre à mon hôtel qu’à 11 heures du soir, après une dernière réunion avec les dirigeants, je ne peux plus être totalement frais. Mais le lendemain matin, je suis là.

Vous vivez à l’hôtel ?

C’est inévitable. Je ne peux pas me permettre de stresser dans les files, de vivre avec la hantise de l’accident, de craindre pour mon heure d’arrivée. J’ai établi des règles pour mes joueurs : ils doivent arriver bien à temps. J’ai le devoir de montrer l’exemple. Je rentre de temps en temps à la maison en fin de journée, puis je reviens dès le soir à Gand. Cela me permet aussi d’être tout à fait frais quand je commence ma journée de boulot.

La vie d’entraîneur est plus usante au Standard qu’ailleurs, non ? La pression du titre était terrible !

Je pense que ce n’est pas pire là-bas qu’ailleurs. Et la vraie pression n’est apparue qu’en avril, quand nous nous sommes retrouvés avec 9 points d’avance sur Anderlecht. Avant cela, nous voulions nous mêler le plus longtemps possible à la lutte pour les premières places. Mais à ce moment-là, il est vraiment devenu question de titre. Nous savions que nous en étions proches. Il y a eu une grosse balle de match à négocier : chez nous contre Anderlecht. Mais le bras du Standard n’a pas tremblé. Ce soir-là, le groupe a prouvé qu’il était prêt pour franchir un nouveau palier.

par pierre danvoye

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