« Impensable d’échouer en 2001. »

Le triathlète a aplani ses différends avec ses sponsors mais n’a pas conclu de contrats de longue durée.

Luc Van Lierde préfère ne pas être confronté à l’année 2000, la première saison où il a tout raté. Il a échoué en quarts de triathlon, il a préféré l’Ironman aux Jeux Olympiques mais il s’est planté. « Vous vous intéressez à 2000 ou à 2001? Car parler du passé ne m’intéresse pas ».

Le Brugeois de 32 ans était-il trop accaparé par ses problèmes de sponsoring ou par lui-même? Mark Allen, lui-même vainqueur de l’Ironman à six reprises, a déclaré: « Le plus dur pour Van Lierde n’est pas d’atteindre la ligne d’arrivée mais de prendre le départ ». Avec raison, puisque le favori, double vainqueur d’Hawaaï, est resté en Belgique.

Vous ne voulez pas revenir sur cet épisode.

Luc Van Lierde : Je me sens bien et je ne veux pas être sans cesse confronté à cet échec. Je m’exprimerai plus tard à ce sujet. Il le faudra. Mais pas dans les deux ou trois prochaines années. A la fin de ma carrière.

Après Hawaaï, vous avez refusé toute interview. N’est-il pas normal qu’on vous en reparle maintenant?

Si mais j’ai peu de choses à dire à ce sujet. Je me concentre sur la saison à venir. L’essentiel est que les problèmes soient résolus et que je sois à nouveau ultramotivé.

Comme vous avez évité la presse, on a raconté que vos problèmes de sponsoring n’étaient pas seuls en cause, à Hawaaï. On parlait de problèmes familiaux. Pourquoi n’avoir pas réagi?

Certains croyaient même que j’allais arrêter. J’ai rencontré quelqu’un à Lanzarote, où j’effectuais un stage, qui était abasourdi de me voir m’entraîner. Je ne sais pas d’où on tire toutes ces histoires. C’est sans doute le lot de tous les sportifs. Dès qu’on disparaît de la scène, les ragots commencent. Ce que les gens pensent m’indiffère. On raconte toujours des mensonges. Quel sportif n’y a jamais été confronté? Il ne tient qu’à nous de ne pas y prêter attention. Il le faut, sous peine de se détruire. Permettez-moi de répondre par des résultats. D’ailleurs, si les athlètes me croient fini, tant mieux : ça jouera à mon avantage.

Avez-vous déjà pensé arrêter?

Jamais. Une carrière, c’est comme un mariage, avec des hauts et des bas. J’ai connu les deux et je suppose que je vais remonter la pente. J’ai digéré mon échec, à supposer que c’eût été nécessaire. Demandez à ma femme à quelle vitesse j’ai refait des projets pour la saison suivante. J’étais très motivé à l’idée de prendre un nouveau départ. Dix jours après Hawaaï, j’ai conclu un accord avec SEM (Sport & Entertainment Management). Je ne l’aurais pas fait si je n’avais pas eu des projets.

Vous aviez toujours tout géré vous-même. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour engager un manager?

Je le regrette. J’aurais dû sauter le pas beaucoup plus tôt mais certaines expériences m’avaient effrayé. A partir d’un certain niveau, il faut travailler de manière professionnelle en laissant l’aspect financier à un spécialiste. Mes yeux se sont ouverts depuis que je travaille avec SEM. Je ne savais pas que ça pouvait être aussi facile. Je peux me concentrer sur mon sport. Je peux m’entraîner 25% de plus qu’il y a deux ou trois ans. Avant, quand j’avais un problème, je passais la journée à le régler. Maintenant, un coup de fil suffit. C’est un monde de différence qui peut se refléter dans mes résultats. Il le faut.

Vous avez tenu des propos très négatifs à l’égard de certains sponsors à Hawaaï.

Nous avons tout aplani et j’ai davantage de contrats que l’an dernier. Mon image n’est donc pas trop abîmée. Certains contrats prenaient fin, quelques-uns ont été reconduits, d’autres pas mais ils ont été remplacés. Tout est en ordre. Je m’en tire bien financièrement.

Ça a duré plus longtemps que prévu?

Peut-être mais c’est parce que nous avions décidé de ne pas conclure de contrats de longue durée. La plupart courent jusqu’à la fin de l’année. Je veux être libre en matière de publicités sur mon équipement à partir de la saison prochaine. Je dois disputer une bonne saison avant de négocier des contrats de longue durée. Jusqu’en 2004, 2005.

Et si vous échouez?

Je n’échouerai pas (il rit). Je ne peux pas me le permettre!

En 1999, quand vous avez remporté l’Ironman malgré de mauvais résultats auparavant, vous avez déclaré que c’était une obligation. Ça l’est à nouveau en 2001?

En 1999, les compétitions de Coupe du Monde ne m’avaient pas réussi. Je devais gagner à Hawaaï pour sauver ma saison. J’avais obtenu un prix chaque année jusque-là, que ce soit le championnat d’Europe, du monde, l’Ironman ou un record du monde. Je ne voulais pas rester les mains vides. Je n’ai rien obtenu en 2000, pour la première fois de ma carrière, je dois donc obtenir des résultats maintenant. J’en suis bien conscient. Mais nous avons parié sur douze chevaux.

Votre programme comporte douze épreuves. Il n’a été établi que début avril. Pourquoi?

Tout le monde sait que j’ai un plan A, un B et un C et que je n’hésite pas à tout chambouler. Jan Olbrecht, mon préparateur physique, m’a expliqué que je commettais une erreur en modifiant sans cesse mes plans. Ça ne m’a jamais causé de problème mais Jan a du mal à m’établir un schéma d’entraînement dans ces conditions. Nous avons donc dressé un programme auquel je dois me tenir toute la saison. Nous pouvons remplacer deux ou trois épreuves, pas plus. Encore fallait-il que ce programme me convienne, pour que je ne le bouleverse pas en cours de saison. J’y ai passé l’hiver. Un moment donné, je n’avais inscrit que deux compétitions à mon agenda: le 17 juin à Kapelle op den Bos et le 6 octobre à Hawaaï. Nous avons alors repris toutes les grandes courses et étudié la manière de les combiner.

Depuis lors, vous n’avez pas changé d’avis?

Pas encore, non (il éclate de rire). Tout est parfaitement combiné. Nous avons le Championnat d’Europe et le Championnat du Monde de quart de triathlon en début de saison et je peux me préparer pour Hawaaï. Tout le monde est content: Jan, les sponsors, mais surtout moi. Il y a longtemps que je ne m’étais pas senti aussi bien.

Pourquoi avez-vous à nouveau choisi des distances courtes?

Faute de compétitions l’an dernier, je ne savais pas ce que je devais faire cette année. Devais-je me focaliser sur l’Ironman dès le début de la saison ou à partir de l’été? Fallait-il participer à de grandes compétitions ou tenter le coup en Coupe du Monde, en pensant aux Jeux Olympiques? J’ai finalement préféré les quarts de triathlon en début de saison, en fonction de Hawaaï. Car si l’Ironman restera mon objectif majeur durant les deux ou trois prochaines années, j’ai quand même besoin de travailler sur des distances plus courtes. Lors de ma seconde victoire à Hawaaï, en 1999, j’avais moins de vitesse qu’en 1996, quand j’avais aussi gagné l’or au Championnat d’Europe et l’argent au Mondial, en quart de triathlon. Je m’étais entraîné davantage en 99, j’avais pris part à beaucoup de courses et je n’avais pas été blessé. Trois ans plus tard, je n’étais pas en grande forme, bien que j’aie gagné avec sept minutes d’avance. Je dois travailler ma vitesse de base.

Vous avez donc adapté votre préparation hivernale?

En 1999, je l’avais effectuée en fonction du triathlon complet. Nous n’avons travaillé le quart que très tard. Cette fois, comme en 1995-1996, j’ai parcouru beaucoup de kilomètres, mais j’ai aussi travaillé l’intensité. Nous nous sommes concentrés sur la course davantage que sur le vélo, sans toutefois l’abandonner. Les tests de vitesse et de lactate ont montré que j’ai déjà la vitesse que j’atteins normalement en juin, voire en juillet.

Vous auriez pu jeter votre dévolu sur des épreuves internationales d’envergure en quart de triathlon. Pourquoi vous être rabattu sur le circuit de la Coupe du Monde?

Jan m’a convaincu de retenter ma chance. Il m’a rappelé que j’ai toujours couru deux ou trois épreuves courtes et que quand je sentais que ça allait moins bien, je m’en détournais au profit des compétitions alternatives. Il trouvait que je devais me consacrer toute une saison à ces courtes distances. Je veux retrouver mon niveau de 1999. Je dois être en forme pour le quart d’Edmonton, le 21 juillet, en championnat du monde. Pour y participer, je dois m’acquitter des épreuves de Coupe. Pour y obtenir les points ITU nécessaires mais aussi pour me replonger dans le milieu et faire connaissance avec les autres athlètes.

Vous avez quand même assez de points?

C’est une autre histoire, qui démontre à quel point il est difficile d’établir un programme. N’ayant rien couru l’an dernier, je n’ai pas de points et je devais compter sur une invitation. Au cas où je n’en aurais pas reçu, je devais prendre mes précautions. Tout est rentré dans l’ordre, heureusement, et j’ai pu prendre le départ de St Anthony, aux USA, le 28 avril. Ensuite, je serai à Rennes, le 13 mai, à Séville le 3 juin. Le top 3 de cette course est qualifié pour le Mondial. Si je ne prends pas assez de points dans les autres épreuves, Séville m’offre une alternative. Viennent ensuite Kapelle, le 17 juin et, une semaine plus tard, l’EURO de Carslbad. Je m’envole pour le Canada début juillet, pour une épreuve de Coupe du Monde qui a lieu le 7 juillet. Deux semaines plus tard, je dois atteindre mon deuxième pic, pour le Championnat du Monde. Je prendrai un peu de repos avant d’entamer mes douze semaines de préparation à Hawaaï, avec deux courses, le 5 septembre à Sluis et le 9 à Los Angeles. Après l’Ironman, je devrais encore participer aux épreuves de Coupe du Monde de Rio et de Cancun mais on verra comment mon corps récupérera, trois semaines après Hawaaï.

Vous avez raté les deux premières courses au Japon.

A cause d’une légère blessure, due au grand nombre de kilomètres avalés en hiver. Une pause de dix jours a suffi pour la guérir. Quand on s’entraîne 25% de plus qu’avant, on s’expose à des blessures, du moins à court terme, car je suis sûr que mes efforts vont porter leurs fruits.

Le quart et le triathlon sont devenus des disciplines complètement différentes. Vous l’aviez avancé comme excuse pour vos contre-performances en quart en 1999.

Je reste un des rares à combiner les deux. Les meilleurs du quart olympique n’ont jamais brillé sur la distance complète. Le changement de règlement en vélo a transformé le quart en loterie. Je dois faire avec. Je vais connaître la malchance, me faire enfermer en natation ou me retrouver dans le mauvais peloton en cyclisme. Mes résultats vont être moins réguliers. Je dois m’y habituer.

Vous ne serez pas tenté de modifier votre programme?

Non car nous voyons plus loin que cette Coupe du Monde. Hawaaï reste l’objectif suprême.

Etre en forme pour le Championnat du Monde ne compromet pas vos chances à Hawaaï?

Ils sont compatibles, cette saison. Je n’ai pas besoin de courir de longue épreuve pour gagner Hawaaï. Après tout, j’ai remporté le premier Ironman auquel je participais. Pourquoi ne pas travailler en prévision d’Athènes? Les Jeux 2004 ont lieu plus tôt que ceux de Sydney et n’entreront pas en concurrence avec l’Ironman.

Inge Van Meensel

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