Imbroglio autour du casier de vestiaire

Dans nos divisions provinciales (en tout cas luxembourgeoises…), le casier jaune est une institution. Rares sont les fois où il n’atterrit pas au milieu du vestiaire, avec ce doux bruit de verre et plastic mêlés, moins de dix minutes après le coup de sifflet final ! Bouteilles décapsulées sans décapsuleur, le décapsuleur est pour les Nuls, le vrai jupilérien t’ouvre ça en série via le rebord du casier : voire avec ses dents si Robinson Crusoé – lequel se démerdait sans outil ad hoc – l’a beaucoup impressionné quand l’ouvreur de bières était gamin. Casier donc, que le match soit gagné ou perdu : bouteilles afonnées en beuglant gaîment, ou sirotées dans un silence lourd…

J’en viens au problème. Un vestiaire d’immédiat après-match, ce sont 15 à 20 personnes ; un casier, ce ne sont jamais que 24 malheureux flacons de 25cl. Conséquence : les gosiers les plus verticaux s’en enfilent deux dare-dare, les autres gosiers restent sur leur soif. Corollaire : il faut davantage qu’un casier pour étancher toutes les soifs, surtout quand il y a eu victoire. Plébiscités, les casiers supplémentaires pénètrent ainsi les vestiaires… et foutent en rogne les comitards qui ont bien raison ! Motif : si les joueurs préfèrent traîner entre eux que rejoindre une buvette où les supporters espèrent logiquement leur venue pour papoter/féliciter/critiquer, faut pas s’étonner que les recettes/buvette piquent du nez ! D’autant qu’il n’est pas rare que les trois-quarts de l’équipe soient encore en studs, cloîtrés et crottés, après une troisième mi-temps de 45′,… même que le noyau dur (à ce moment plus plein que vide) fait parfois son entrée en buvette (à ce moment plus vide que pleine), à l’issue de la QUATRIÈME mi-temps ! La solution tentée par les comités est dès lors la suivante : le premier casier tourne aux alentours de 15 euros, voire est offert ; mais les suivants sont facturés plus haut, frôlant même 40 euros dans certains clubs… c’est-à-dire le prix du verre en buvette ! Ça peut se comprendre, ça peut aussi amener un effet pervers et infâme : celui des gars qui s’amènent au match avec, dans leur coffre/bagnole, des casiers achetés en grande surface…

Les plus rigoristes d’entre vous décréteront qu’on ne fait pas du sport pour écluser, et que cela est bien triste : je ne m’immiscerai pas aujourd’hui dans le débat, il y a dans cet avis… à boire et à manger ! Les plus pragmatiques estimeront que le coach doit enjoindre à ses joueurs d’aller sans traîner sous la douche, puis de rejoindre leurs supporters. C’est vrai mais difficile à obtenir, je vous parle d’expérience, me rappelant un club par où je suis passé… et où j’ai eu beaucoup de plaisir via ce confinement, rien qu’entre nous, du vestiaire d’après-match ! L’équipe était jeune : condition physique d’enfer pendant la rencontre (pas tous, mais beaucoup), condition d’enfer ensuite pour lever le coude (pas tous, mais beaucoup) ! Plus les gars sont jeunes, moins ils sont déjà en couple (avec mômes éventuels), plus ils restent ensemble, plus ils forment un vrai groupe soudé qui traversera les tempêtes (c’est utile pour le coach)… mais plus ils guindaillent ! On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.

Souvent rite au foot, le casier était là-bas religion : les gars avaient même punaisé dans le vestiaire une Charte du casier, détaillant fautes commises ou événements heureux imposant d’offrir le sien. Anniversaire, carton pour rouspétance (rouge : 2 casiers), retard au rendez-vous (absence sans déconvocation : 2 casiers), photo dans L’AvenirLa Meuse-footlux.be, paternité nouvelle, diplôme obtenu, péno loupé, première sélection ou premier but en équipe-fanion, sonnerie/GSM dans le vestiaire d’avant-match, hat-trick, nouveau boulot, figurer dans le top 5 de la division qu’établit L’Avenir chaque week-end (si 1er de ce top 5 : casier de bières SPECIALES),… j’en oublie peut-être et tiens à rester clair : je ne cautionnais pas cette frénésie jupilérienne, je suggérais même régulièrement de réfréner,… mais je confesse avoir échoué à leur transmettre mon amour parallèle pour l’eau simplement plate. Et je précise aux méchantes langues que, du point de vue des résultats, nous avons fait une belle saison ! l

par bernard jeunejean

« Plus les gars sont jeunes, plus ils forment un vrai groupe soudé et… plus ils guindaillent. »

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