» Imaginez qu’on puisse garder cette équipe… « 

L’Hercule du flanc gauche a apporté bien plus que sa puissance aux Rouches.

« Qui était le meilleur joueur d’Anderlecht durant les play-offs de la saison passée ? Van Damme. Il avait marqué 7 buts. Et où retrouve-t-on actuellement ce joueur ? Au Standard… Si le grand Jelle était revenu au stade Constant Vanden Stock après avoir tenté sa chance en Angleterre, le Sporting serait peut-être déjà champion « .

Voilà ce que Benoît Thans a affirmé la semaine passée dans les colonnes du Laatste Nieuws. Ancien joueur technique, amoureux du beau geste, à qui Robert Waseige reprochait de mettre trop souvent  » son smoking sur le terrain « , il sait mieux que personne qu’une bonne équipe a aussi besoin de forces spéciales pour sauter derrière les lignes ennemies.

Ces paras-là ne craignent rien, regardent les adversaires sans broncher, atteignent leur véritable niveau face au danger, motivent ceux qui les accompagnent au feu. Van Damme fait partie de cette race qui ne fait pas dans la dentelle. Il ne gagnera jamais le titre de Joueur Pro de l’Année ou le Soulier d’Or comme l’inoubliable Milan Jovanovic, tellement plus fin que lui, mais, à sa façon, Jelle l’a parfaitement remplacé sur le flanc gauche. Et son rôle ne s’est pas limité à cela, loin de là. Tout le monde le sait : le top du Standard en rêvait depuis deux ans pour compenser le manque de body depuis les départs de Marouane Fellaini et Oguchi Onyewu.

Les Rouches ont flirté avec lui quand il évoluait encore à Anderlecht. Même s’il a été caché ou démenti, le coup de foudre était réciproque mais Van Damme et les Rouches n’ont pas pu convoler tout de suite en justes noces. L’échec de Jelle à Wolverhampton l’a rapproché de Sclessin l’hiver passé ; il avait besoin d’un nouveau défi.

Jelle et le mental

Acquis pour trois millions d’euros (le plus gros transfert rentrant de Lucien D’Onofrio au Standard), Van Damme n’a jamais porté ce prix comme un poids. Pour lui, c’était une forme de reconnaissance. Il a évoqué son bref passage en Angleterre et s’est tout de suite braqué sur son nouvel univers lors de ses premiers contacts avec la presse fin novembre 2010 :  » Je suis heureux d’avoir saisi cette opportunité de signer au Standard. Chaque fois que je jouais à Sclessin, j’appréciais l’ambiance. J’ai toujours voulu jouer dans cet enfer. C’est un grand club et c’est le moment le plus indiqué pour faire quelque chose ensemble. C’est pour cela que je suis venu. Wolverhampton ? Je me suis vite dit que je ne serais pas super là-bas à cause de paramètres que je n’avais pas pris en compte. J’ai vite compris que je ne serais pas heureux là-bas. J’en ai parlé à mon coach qui a compris qu’il ne devrait pas compter sur moi. Et comme tous les entraîneurs auraient fait à sa place, il ne m’a plus utilisé. C’est le passé.  »

Avec Van Damme, le ton a tout de suite changé dans le vestiaire. Il y avait des chefs discrets mais pas de vrai leader capable de mettre de l’ambiance et de serrer la vis. Le grand Jelle a comblé un déficit de personnalités. Axel Witsel et Steven Defour n’étaient plus seuls aux commandes. Heureux de retrouver une famille plus équilibrée et épanouie en Belgique qu’en Angleterre, il a bossé dur au quotidien pour être à la hauteur de son défi dès janvier. Il était déjà la locomotive à laquelle sont venus s’accrocher les wagons :  » Je suis un polyvalent. J’ai évolué dans la ligne médiane à Anderlecht ou à Wolverhampton mais je peux aussi jouer à gauche ou en défense centrale.  »

Plus tard, durant les play-offs, il fut le premier à déclarer :  » Evidemment que nous sommes candidats au titre.  » Les autres ont préféré la prudence : Van Damme ne craint pas ses ambitions. Il vit pour gagner…

Jelle et la technique

A ses débuts à Anderlecht, Van Damme a été critiqué pour sa mauvaise relance, sa technique jugée rudimentaire, les déchets dans son jeu. Jelle n’avait pas le style mauve aux yeux de la presse. Pourtant, petit à petit, son abattage, sa rage, sa frappe et surtout son jeu de tête ont solidifié le flanc gauche d’Anderlecht. Mbark Boussoufa a souvent souligné son importance, Olivier Deschacht aussi.

 » A force de travail, nous avons formé le flanc gauche le plus performant de Belgique « , a-t-il déclaré.  » Au Standard, la donne est différente. Mais je retrouve les mêmes tendances sur le flanc droit avec Mehdi Carcela. Avec Axel Witsel dans ses parages, Mehdi est fantastique, du talent à l’état pur. Balle au pied, il est capable de tout. Mais, je lui ai dit, il va parfois trop loin. Il perd souvent trop d’énergie en tentant de dribbler trois ou quatre adversaires au lieu de combiner avec un équipier. Or, dans notre façon de jouer, il y a toujours au minimum un ou deux équipiers disponibles, démarqués. Tout le monde veut le ballon et il suffit parfois d’un simple une-deux pour faire la différence. Le groupe a assez de qualités tactiques et techniques pour construire au départ de la défense, jouer groupé et court.  »

La verticalité chère à Dominique D’Onofrio convient pourtant à ses atouts athlétiques :  » Oui et chaque club a son identité ; il ne faut pas y renoncer « , répond-il toujours.

Jelle et le physique

A gauche, l’entente de Van Damme et Sébastien Pocognoli n’a cessé de s’améliorer. Poco a retrouvé son football, ses tackles, ses déboulés, ses centres. Jelle et Sébastien se couvrent bien et cherchent plus vite la profondeur et la rupture qu’à droite. Jelle évolue davantage sur l’aile qu’à Anderlecht, passe en force et règne dans le trafic aérien. Il est désormais plus calme, moins impulsif que lors de son époque mauve. Cela se reflète dans son jeu ; il sent mieux les coups. Mais Van Damme reste Van Damme avec ce gros engagement qui fait peur à l’adversaire. Quand il fonce, on se barre. Il fait le ménage à côté de joueurs plus techniques. Le Standard a toujours eu besoin de ce type de joueur dans sa ligne médiane. Bien avant que Fellaini soit au service de Defour et Witsel, Louis Pilot faisait le ménage pour Wilfried Van Moer dans les sixties. Van Damme est plus offensif mais il y a du Pilot dans sa rage de gagner.

De son côté, il insiste :  » Cette équipe est puissante et quand c’est nécessaire, notre power football peut faire la différence. Nous n’avons pas qu’une arme, c’est ce qui est intéressant, le Standard peut alterner la finesse et l’engagement. « 

Van Damme se connaît mieux et le temps des blessures graves (aine, cheville) semble révolu : est-ce dû en partie à la qualité du staff médical et des installations de l’Académie Robert Louis-Dreyfus ?

Jelle et le vestiaire

Les Mauves se souviennent du Van Damme boute-en-train qui faisait tant rire le vestiaire bruxellois. A Sclessin, c’est la même chose. Il sème la joie de vivre autour de lui, vanne l’assemblée, a des dons d’imitateur. Les jeunes adorent mais derrière cela, il y a du travail du vécu. Il n’a pas tremblé lors de son retour à Anderlecht. Mentalement, c’était important : le vestiaire a été impressionné par son détachement, son professionnalisme, son indifférence face aux huées.

Van Damme est important mais fait passer le  » nous  » avant le  » je  » quand il parle du vestiaire :  » Notre aventure est incroyable. On ne la doit qu’à nous, et à notre travail. Mon premier retour à Anderlecht s’est terminé par un mauvais résultat. Nous n’étions pas aussi forts mentalement que maintenant. Désormais nous sommes au top tant physiquement que mentalement. J’ai toujours affirmé qu’il y avait beaucoup de qualité et de jeunesse au Standard. J’étais certain qu’on ferait de bonnes choses en cas de qualification pour les play-offs 1. Nous y sommes arrivés grâce à nous et notre entraîneur. Ai-je eu peur ? Pas du tout même quand cela a semblé difficile. Si on avait raté le top 6, cela aurait été de notre faute. Pour nos débuts en PO1, on a dit que le Standard avait aligné une équipe B à Anderlecht ; c’était un manque de respect. Le coach a aligné ceux qui jouent moins, mais n’importe quelle autre équipe du championnat belge voudrait ces joueurs. Le Standard dispose de 25 footballeurs qui peuvent répondre présent à tout moment, quand on a besoin d’eux.  » Quand une grosse personnalité s’exprime de la sorte, le respect est vite acquis dans le secret d’un vestiaire.

Jelle et Anderlecht

Le numéro 37 du Standard (le 3 et le 7 sont ses chiffres porte-bonheur) a signé au Standard jusqu’en 2014.  » J’ai été terriblement déçu par Roger Vanden Stock après mon retour à Anderlecht ; je ne veux plus en parler car la page est tournée « , a-t-il déclaré un jour.

Mais il y a quand même de comparaison à faire entre les deux clubs :  » Anderlecht vise le titre chaque saison. C’est un must dès le premier coup de sifflet d’une saison. Au Standard, c’est un peu différent. On entend d’abord décrocher une qualification européenne tout en luttant le plus longtemps possible pour le titre. Moi, cela ne me dérangerait pas du tout que le Standard vise tout de suite le titre. Le Standard peut avoir les mêmes ambitions qu’Anderlecht. C’est un grand club et quand on fait partie du top, on doit regarder haut. Le Standard est évidemment ambitieux mais préfère rester prudent en évoquant ses objectifs. « 

Jelle et la Coupe

Entre le match à Genk et la finale de la Coupe de Belgique contre Westerlo, il n’y a que quatre jours. C’est peu mais cela n’effraye pas Van Damme qui a toujours dit :  » Moi, je n’ai jamais choisi entre les deux. Quand on peut réaliser un doublé, on vise les deux, quoi qu’il puisse se produire. Cette saison est exceptionnelle et trois clubs se sont livrés à une bataille acharnée jusqu’au bout pour le titre. Un de ces trois clubs tentera sa chance en finale de la Coupe : le Standard, le seul club à être présent sur tous les tableaux. « 

Jelle et Axel Witsel

Van Damme est épaté par Witsel. Le brio du meilleur joueur belge n’a échappé à personne. L’AC Milan est désormais sur les rangs. S’il s’en va, ce sera un départ important, probablement plus difficile à combler que ceux de Fellaini, Onyewu ou Jovanovic. Defour a prolongé son contrat mais a lui aussi fait le tour du propriétaire et a besoin de changer d’air.

S’il reste au Standard, Lucien D’Onofrio ne pourra plus se permettre de jouer au poker comme cette saison. Le Standard aura des obligations européennes (ce qui n’était pas le cas cette année) et ne pourra pas attendre les marchés de Noël pour acheter ses cadeaux. Son club ne revivra pas chaque année les mêmes miracles.  » Si on me demande ce que j’en pense, c’est évident, que je préfère qu’Axel et Steven restent « , a précisé Van Damme.  » Si ce n’est pas le cas, le Standard devra trouver deux joueurs importants à qui il faudra du temps pour s’adapter. Imaginez que l’on puisse garder cette équipe… Cela nous mènerait très loin.  » Jelle est ambitieux mais il sait que c’est impossible.

PAR PIERRE BILIC

 » Si on me demande ce que j’en pense, c’est évident que je préfère qu’Axel et Steven restent. « 

Il ne gagnera jamais le titre de Joueur Pro ou le Soulier d’Or comme Jova, mais Jelle l’a parfaitement remplacé…

Van Damme est important mais fait passer le  » nous  » avant le  » je  » quand il parle du vestiaire.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire