» Ils peuvent devenir des héros « 

Les Zèbres vont aborder un marathon contre Eupen avec l’espoir de se sauver. Des anciens expliquent comment ils vont devoir mener le combat.

Charleroi disputera bien les PO3, après une semaine agitée durant laquelle il a d’abord vu une nouvelle chance lui tomber du ciel (la commission arbitrale belge du sport avait décidé que le match face au Cercle devait être rejoué) avant que le président ne décide de se séparer de son entraîneur. Le Hongrois Czaba Laszlö ne restera pas dans les annales zébrées. Pourtant, à Westerlo, dans un match abouti et volontaire, Charleroi se faisait rejoindre sur le fil (2-2). On y a vu le président Abbas Bayat se lever et discuter avec le délégué. Celui-ci allait trouver le T2 qui, à son tour, appelait Tibor Balog qui s’empressait dans la minute d’effectuer les changements sans doute exigés par Abbas…

Clap de fin de la phase classique. Charleroi devra donc passer par un marathon pour encore pouvoir vivre une 27e saison d’affilée en D1. Etats d’âmes d’un trio d’anciens : Daniel Mathy, élu Gardien du Siècle, Dante Brogno et Didier Beugnies.

Que pensez-vous du limogeage de Laszlö ?

Dante Brogno : Il a eu beaucoup de crédit. Donc, je ne suis pas totalement surpris. Cependant, il aurait fallu le virer en décembre. Je trouve que ce n’est pas le bon moment, même s’il n’y avait plus mille solutions pour obtenir un électrochoc. A un moment donné, on est bien obligé…

Didier Beugnies : Je ne sais pas pourquoi on l’a fait maintenant. Peut-être pour préparer le tour final avec un homme neuf. Mais d’autres questions me viennent à l’esprit. Pourquoi l’avoir fait venir ? Etait-il la personne adéquate ? Si on ne l’a pas viré plus tôt, c’est qu’on a jugé qu’il convenait. Pourquoi le virer maintenant alors que son bilan s’est amélioré ?

Daniel Mathy : Que ce soit l’un ou l’autre entraîneur, peu importe. Moi, je suis comme les supporters, je veux qu’ils se sauvent. Que ce soit Balog ou Mourinho, le sauvetage passera par les gamins !

Quel aurait été le meilleur scénario ?

Brogno : L’idéal aurait été de prendre un entraîneur en décembre, de le laisser évaluer son noyau et de lui permettre de transférer les joueurs qu’il trouvait adéquats.

Beugnies : Je ne sais pas. Il fallait un électrochoc mais le nouvel entraîneur aura-t-il suffisamment de temps pour obtenir une réaction de ses joueurs ?

Mathy : Pour Charleroi, c’est un championnat qui recommence. Un deuxième championnat et ils doivent l’aborder comme tel.

Est-ce que le Hongrois a fait du bon boulot ?

Brogno : Difficile de le juger. Je sais juste qu’il y avait un gros problème de dialogue.

Beugnies : Il ne parlait pas français, ne connaissait pas le championnat belge, ni les joueurs transférés. Son travail est donc difficile à juger dans ces conditions.

Sa tactique n’était-elle pas trop attentiste ?

Brogno : Je ne ferai pas de commentaires.

Beugnies : Ce n’est pas une question de tactique mais d’animation de jeu. Si l’animation avait été suffisante, le 4-5-1 n’aurait posé aucun problème. Mais apparemment, l’animation ne l’était pas puisque Charleroi n’arrivait pas à marquer. Il y avait donc un manque quelque part.

Est-ce que cette équipe a les ressources mentales pour se sauver ?

Brogno : Tout est possible mais cela dépend de l’entraîneur qu’on va choisir. Ce choix sera capital pour l’avenir du Sporting.

Mathy : Moi, j’y crois. Les joueurs doivent maintenant se rendre compte que sur cinq matches, ils peuvent devenir des dieux, des héros. Ils peuvent sauver et faire plaisir à toute une région. Comme j’aurais voulu jouer ces matches !

Beugnies : Oui et non. Oui quand je vois le parcours depuis le mois de janvier. Et non, parce que ce groupe ne connaît rien à la D2. ( Il réfléchit) En fait, il ne connaissait rien à la D1 belge, non plus ! Or, le tour final, si tour final il y a, c’est la guerre ! Est-ce qu’ils sont prêts à aller au charbon ? Regardez Roulers l’année passée. Il avait eu deux mois pour le préparer et il n’a pas existé !

Est-ce que Charleroi devait continuer avec les intérimaires ?

Brogno : Non. Il fallait un nouvel entraîneur même s’il ne restait plus beaucoup de temps. Prendre quelqu’un qui ne connaît pas Charleroi pouvait s’avérer positif. Il fallait un rassembleur et un entraîneur qui aime la discipline. Celui qui acceptait ce poste allait au-devant d’un grand défi. Quand De Boeck disait qu’il ne voulait pas salir sa carrière, ça me fait bondir car dans la vie, il faut savoir prendre des risques.

Beugnies : Si on s’en sort avec eux, on dira que le président a bien fait de leur donner une chance. Si pas, on se demandera pourquoi il n’a pas nommé un nouvel entraîneur. Je me demande quand même s’il ne vaudrait pas mieux quelqu’un de l’extérieur. En tout cas, cela me paraît obligatoire d’avoir un entraîneur qui connaît le championnat belge ET la D2.

Mathy : J’ai beaucoup de respect pour Balog. Mais je le répète, ce sont les joueurs qui vont faire la différence.

Fallait-il garder Mathijssen ?

Brogno : C’est une question délicate. S’est-on montré assez patient à son égard ? Le noyau était-il assez étoffé ? N’a-t-on pas commencé avec trop de jeunes ? Moi, je pense que l’équipe du début de saison manquait de joueurs expérimentés.

Beugnies : Et lui a-t-on donné les mêmes moyens qu’à Laszlö ? On ne l’a pas mis dans les mêmes conditions. On a fait venir 12 joueurs au mercato : ce n’est pas moi qui l’ai inventé. Avec les mêmes joueurs, il aurait fait d’autres résultats.

 » Moi, je parle avec mon c£ur, mon c£ur c’est ma ville. De jour comme de nuit… surtout de nuit  » (Mathy)

Est-ce que cette équipe vous a déçu ?

Mathy : Pas du tout puisque depuis quatre ou cinq mois, ils n’ont jamais été balayés par l’adversaire.

Brogno : Oui. Je n’ai pas vu de collectif. Je n’ai pas ressenti que c’était un groupe. J’ai juste noté des joueurs isolés sur leur île. Même si, depuis janvier, j’ai senti davantage de combativité.

Beugnies : Dès le début de saison, je me suis demandé qui allait mettre les buts. Biton a résolu quelque peu le problème mais il aurait fallu se pencher sur ce dossier avant le début de championnat. Surtout si on laissait partir Théréau !

Les transferts du mercato sont-ils réussis ?

Brogno : Certains, comme Riou, Biton ou Dzinic. D’autres ont bien commencé avant de suivre le mouvement et de se laisser entraîner dans la spirale négative. Et quand on est dedans, ce n’est jamais facile de la casser. Certains se demandent si le Sporting a bien fait d’aller chercher des joueurs étrangers, vierges de tout préjugé. Moi, je trouve que le raisonnement tient la route. Cela ne me dérange pas d’avoir des joueurs étrangers. C’est le foot actuel qui veut cela.

Beugnies : Il y a à boire et à manger. Les 12 ne sont pas des réussites puisque certains ne jouent même pas. Cela signifie donc qu’ils ne sont pas plus forts que ceux déjà présents. Néanmoins, certains font vraiment du bien : Biton a marqué trois buts en six matches. Signorino apporte de la vivacité sur le flanc. Dzinic est un bon transfert également.

Est-ce que le Sporting mérite la D2 ?

Brogno : Non. Cette équipe mérite davantage. Si on avait fait les choses à temps… Cette équipe a de la qualité. Tu ne gagnes pas trois fois d’affilée par hasard. Ce n’est ni de la chance, ni un accident.

Beugnies : Je suis obligé de dire oui quand je regarde le classement. Ils sont derniers ! Dans l’ancienne formule, les Zèbres seraient déjà en D2. Là, ils ont encore une chance de se sauver. Mais au fond de moi, j’espère qu’ils vont se sauver. Cela me ferait mal de voir cette équipe chuter en D2 après avoir £uvré à son retour en D1, il y a 26 ans.

Mathy : Pas du tout. Tu rigoles ou quoi ? Il y a un noyau, une histoire et une direction très forte, un président qui a des c…. Quand tu vois notre entrejeu, tu te dis que si tu descends, tout le monde va se l’arracher. Moi, je suis Carolo. Je parle avec mon c£ur et mon c£ur, c’est ma ville. De jour comme de nuit. Parfois même plus de nuit que de jour ( Il rit).

Comment expliquez-vous la friabilité à l’extérieur ?

Brogno : Par un manque de maturité. Les nouveaux ont davantage d’expérience mais ils sont arrivés dans une spirale négative. De plus, je pense que le noyau est désormais trop fourni. Il vaut mieux travailler avec 18 bons joueurs que 25 moyens.

Beugnies : Je parlerais aussi de mentalité et d’engouement. C’est uniquement dans la tête car les équipes sont les mêmes à domicile et à l’extérieur. De plus, qu’on ne vienne pas me parler de 12e homme à Courtrai ou à Lokeren ! Charleroi doit monter sur le terrain avec une mentalité de vainqueur. Il suffit d’une victoire et cette donnée serait effacée. Le problème, c’est que celle-ci n’est jamais venue.

Faut-il tout jeter de l’équipe du premier tour ?

Brogno : Non. Losada sort du lot mais il risque de s’user mentalement.

Beugnies : Non. Absolument pas. La preuve ? Certains sont encore dans le onze de base. Cordaro, Losada et Ederson n’ont jamais démérité. Les jeunes comme Fabris et Serwy se sont révélés. Ils méritent de continuer en D1.

Cela vous a-t-il surpris de voir Abbas Bayat mettre la main au portefeuille ?

Brogno : Non, car il a démontré qu’il avait envie que Charleroi se sauve et qu’il cherche toutes les solutions pour y arriver. Un président résigné aurait laissé filer l’affaire du forfait face au Cercle. Lui pas.

Beugnies : Il n’avait pas le choix. S’il ne se renforçait pas, il filait en D2.

Mathy : Je ne parle pas pognon mais je sais qu’Abbas Bayat a toujours été ambitieux. Il a fait l’effort qu’il fallait.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

 » Bayat a envie que Charleroi se sauve. Un président résigné aurait laissé filer l’affaire du forfait. Lui pas.  » Dante Brogno

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