« Ils doivent changer de mentalité »

Il a hissé le FC Séville vers les sommets européens. Aujourd’hui, il est à la tête des Spurs qui défient Anderlecht demain.

Il a connu les mauvais côtés du métier d’entraîneur : limogeages, pertes de confiance, bouteilles envoyées à la tête… Il est déjà passé par 11 équipes. Oui : 11. Jusqu’à ce qu’il obtienne enfin la reconnaissance de son talent au FC Séville, un club avec lequel il a remporté cinq trophées en deux ans. A 53 ans, Juande Ramos a réalisé le rêve de sa vie : entraîner en Premier League, avec un contrat de quatre ans qui fait de lui l’un des coaches les mieux payés de la planète. Jusqu’ici, il a réussi tous les défis qu’il s’était lancés. Il ne serait donc pas étonnant de le voir, à terme, idolâtré par les fans de White Heart Lane.

Aujourd’hui, vous vous êtes un peu habitué à la vie londonienne ?

Juande Ramos : Un peu, oui. Mais ne croyez pas que ce changement de vie m’ait perturbé. A aucun moment, je n’ai ressenti le stress. J’ai toujours été très calme au moment de relever ce nouveau défi. Je me sens bien et très heureux.

Mais votre fuite du FC Séville ne vous a pas amené que des amis ?

N’exagérons rien. En ce qui me concerne, j’ai pris une décision, point à la ligne. Aujourd’hui, je suis à Londres et je ne me tracasse guère de ce que l’on peut raconter à mon sujet.

Beaucoup de gens n’ont pas compris votre décision ?

Ceux qui ne l’ont pas comprise sont ceux à qui l’on n’a pas offert ce que l’on m’a offert à moi. Ils n’ont pas eu à choisir. C’est très facile de parler lorsqu’on n’est pas soi-même confronté au premier chef par la situation. J’aurais aimé voir la réaction de mes détracteurs s’ils s’étaient trouvés à ma place.

Vous avez sans doute raison. Par ailleurs, on peut supposer qu’à Séville, on gardera un bon souvenir de votre passage ?

Je l’espère, en tout cas. Et je pense que c’est effectivement le cas d’une majorité de supporters sévillans.

 » J’ai senti l’équipe abattue à mon arrivée « 

Dans quel état avez-vous trouvé Tottenham lorsque vous avez repris l’équipe en mains ?

J’ai senti l’équipe un peu abattue, mais c’est logique car elle occupait alors une position de reléguable. Mais l’envie de s’extraire de cette situation était présente également. J’ai trouvé des joueurs pleins de bonne volonté, avides de se mettre au travail pour inverser la tendance. J’espère que, bientôt, on ne parlera plus de cette spirale négative dans laquelle le club s’était enfoncé.

A votre arrivée à Londres, la tendance était-elle plutôt au respect ou à la méfiance à votre égard ?

Au respect, clairement. C’était même l’aspect le plus positif lors de mon arrivée. J’ai reçu un accueil très chaleureux. Tout le monde, du staff technique aux joueurs, s’est rapidement mis à ma disposition pour tenter de s’extraire de l’ornière le plus rapidement. Une telle disponibilité m’a surpris, je l’avoue.

Vous êtes aujourd’hui l’un des entraîneurs les mieux payés au monde. Cela vous procure-t-il une pression supplémentaire ?

Non, pas du tout. La seule différence avec Séville, c’est que j’ai changé de pays. Mais, pour le reste, ma manière de travailler n’a pas changé. Les rapports que j’entretiens avec les membres du club, non plus.

Les différences culturelles sont-elles importantes avec l’Espagne ?

C’est évident. Il y a beaucoup de choses nouvelles pour moi : la langue, les coutumes, la culture, la nourriture… S’adapter, cela fait aussi partie du métier d’entraîneur. Je dois surtout me concentrer sur mon équipe.

Tottenham possède une belle équipe. Certains joueurs sont considérés comme de véritables stars. Pourquoi s’est-elle retrouvée en fond de classement ?

Je ne veux pas critiquer mon prédécesseur, le Néerlandais Martin Jol. Il ne m’appartient pas de juger s’il utilisait les bonnes méthodes pour conduire l’équipe au succès. Mais il est clair que, si l’on m’a engagé, c’est parce que l’on estimait que quelque chose ne fonctionnait pas précédemment. Mon rôle est de garder ce qui fonctionnait et de modifier ce qui ne fonctionnait pas. Je crois qu’il faut surtout changer la mentalité, afin de gravir progressivement les marches qui nous séparent du sommet de la hiérarchie.

Vous restez volontairement discret à ce sujet, mais êtes-vous déjà parvenu à découvrir les causes du mal ?

Petit à petit, je me forge mon idée, effectivement. Mais je ne suis à Londres que depuis peu de temps et je ne suis pas un magicien, capable de tout transformer d’un coup de baguette magique. Je vais prendre mon temps pour imposer ma griffe, tout en sachant que je ne peux pas musarder en chemin. Je recherche la meilleure manière d’améliorer le rendement de l’équipe, mais je crois que le plus urgent, c’est que les joueurs reprennent confiance en leurs moyens. Car il est clair qu’ils ont les qualités pour figurer bien plus haut au classement.

Gustavo Poyet vous sera sans doute d’un précieux secours ?

Assurément. Il est l’un de mes plus proches collaborateurs. C’est un homme qui connaît parfaitement le football anglais et qui m’aidera à résoudre toutes les situations compliquées qui se présenteront.

 » Ce qui est valable pour le club, l’est aussi pour l’entraîneur « 

Certains affirment que vous avez abandonné le FC Séville à son sort. Qu’avez-vous à répondre à cela ?

Lorsque l’entraîneur s’en va alors qu’il est encore sous contrat, on le considère comme un traître. Mais, si c’est le club qui chasse son entraîneur et l’humilie, on trouve cela logique. Je trouve que, ce qui est valable pour une partie, doit l’être pour l’autre également. Si quelqu’un avait proposé au FC Séville un entraîneur meilleur et moins cher que Juande Ramos, croyez-vous que le club aurait hésité à changer ?

Les limogeages, vous pouvez en parler en connaissance de cause ?

J’ai effectivement connu les affres d’un limogeage, comme quasiment tous les entraîneurs. Je les ai même subies à plusieurs reprises. Mais j’estime que l’entraîneur a les mêmes droits que le club.

L’été dernier, vous aviez déjà reçu quelques propositions intéressantes, n’est-ce pas ?

Oui, effectivement.

Et que s’est-il passé ?

Rien de spécial. J’étais toujours sous contrat, et le club et moi avons convenu de poursuivre un bout de chemin ensemble. C’est tout.

Aujourd’hui, une réconciliation est-elle possible entre le FC Séville et vous ?

Il n’est pas nécessaire de se réconcilier, puisqu’il n’y a jamais eu de différend. J’ai simplement pris la décision de changer d’air, mais je vous assure qu’il n’y a jamais eu le moindre problème entre mon ancien employeur et moi. Au contraire, je garde d’excellents souvenirs des deux années que j’ai passées en Andalousie. Et j’espère que la réciproque est vraie également.

Entraîner en Premier League, c’était donc un rêve pour vous ?

Tout à fait. Depuis mon plus jeune âge, j’avais cette idée en tête. J’ai toujours apprécié les Iles Britanniques et le football anglais. Lorsque je suis devenu entraîneur, je m’étais fixé comme objectif d’entraîner, un jour, un club d’outre-Manche. Aujourd’hui, le rêve est devenu réalité.

Vous avez toujours été passionné ?

Toujours. En Espagne, je ne perdais pas une miette des images de football anglais qui étaient diffusées à la télévision. Ce championnat me fascinait.

Les Iles Britanniques devaient pourtant vous paraître bien lointaines, lorsque vous entraîniez l’équipe B du FC Barcelone, le Rayo Vallecano ou Malaga ?

Il est clair qu’à cette époque-là, la perspective d’entraîner un jour en Premier League relevait plutôt de l’utopie. Mais, grâce à Dieu, ma carrière a pris une tournure plus faste. J’ai réalisé des objectifs importants, j’ai remporté des trophées, et tous ces succès m’ont permis d’arriver là où je suis actuellement.

 » En Angleterre, on est tranquille : pas de journalistes ! « 

Vous n’êtes donc plus le même entraîneur qu’avant. Et comme être humain, avez-vous changé ?

Pas du tout. Je suis toujours la même personne qu’autrefois. J’évolue simplement dans un autre monde, mais au fond de moi-même, rien n’a changé.

A propos : avez-vous discuté avec Rafael Benitez ?

Pas encore, non.

Quel est l’objectif de Tottenham, cette saison ? Remporter la Coupe de l’UEFA ?

Le premier objectif est de remonter au classement. Il y a du travail, car le club était tombé bien bas. La Coupe de l’UEFA ? Il est encore trop tôt pour fixer un objectif final dans cette compétition. On verra, au fur et à mesure de l’épreuve, jusqu’où on peut arriver. Mais actuellement, je travaille surtout à court terme. Il y a beaucoup de bonnes équipes en Coupe de l’UEFA. Certaines semblent mieux armées que nous. Mais, si la chance de remporter le trophée se présente, on essaiera évidemment de la saisir.

Allez-vous vous renforcer durant le mercato ?

C’est possible. Mais je dois d’abord bien analyser les forces et les faiblesses de mon équipe, pour voir ce dont nous avons exactement besoin. Ensuite, on décidera.

Allez-vous puiser dans l’effectif du FC Séville ?

Jamais ! Je respecte trop les supporters, le club et les joueurs du FC Séville pour aller débaucher des éléments au stade Sanchez Pizjuan. Je n’attirerais éventuellement l’un de mes anciens joueurs que s’il se retrouvait libre sur le marché. Aucun joueur sous contrat au FC Séville ne sera contacté.

C’est une attitude qui vous honore…

Je ne veux pas m’entendre reprocher de démanteler mon ancienne équipe. Il y a suffisamment de bons joueurs dans le monde, ailleurs qu’au FC Séville.

On prétend que Dimitar Berbatov souhaite quitter le club ?

Si c’est le cas, il ne m’en a pas encore parlé. C’est un grand joueur et j’espère de tout c£ur qu’il restera, mais je ne peux obliger personne à rester contre son gré. Je veux des joueurs qui se sentent concernés à 100 % par le club.

Travailler en Angleterre procure-t-il plus de tranquillité à un entraîneur ? Ressentez-vous plus de confiance de la part des dirigeants ?

Je ne dirais pas que travailler en Angleterre procure plus de tranquillité, je dirais plutôt que je suis plus tranquille. Il n’y a pas de journalistes à l’entraînement, les médias sont tenus à l’écart et l’équipe doit uniquement se concentrer sur son travail. En ce qui concerne les dirigeants, je ressens effectivement une grande confiance de leur part à mon égard. Mais quoi de plus logique ? S’ils n’avaient pas confiance en moi, ils ne m’auraient pas fait signer un contrat de quatre ans.

Tottenham a débuté sa campagne en Coupe de l’UEFA par une défaite à domicile contre Getafe. Saviez-vous déjà, à ce moment, que vous seriez le prochain entraîneur du club ?

Non, pas du tout. C’est à ce moment que le processus de recherche d’un nouvel entraîneur s’est déclenché. Auparavant, je n’étais au courant de rien.

 » Je ne pouvais pas laisser passer l’occasion « 

Qu’est-ce qui vous manque le plus, lorsque vous avez quitté le FC Séville ?

Cela m’a fait mal de quitter un club avec lequel j’ai connu tant de succès. Mais le métier d’entraîneur est ainsi fait. Il me restait une demi-année de contrat, et rien ne dit que l’été prochain, j’aurais été autant courtisé sur le marché. Rien ne permet d’affirmer, non plus, que les propositions auraient été aussi intéressantes. La possibilité de signer un beau contrat, dans un club évoluant dans un championnat qui m’a toujours attiré, s’est présentée. Je ne pouvais pas la laisser passer.

Votre famille vous accompagnera-t-elle à Londres ?

Oui, bien sûr. Je ne l’ai pas encore fait venir parce que je suis toujours à la recherche d’une maison. Lorsque je l’aurai trouvée, ma famille me rejoindra. Mais je dois reconnaître que j’ai très peu de temps pour feuilleter les petites annonces immobilières. J’ai été très occupé, mes premières semaines en Angleterre m’ont parues très courtes.

Et la barrière de la langue ?

Je la surmonte sans problèmes. Je m’entends parfaitement avec les footballeurs. Je devrais me perfectionner en anglais avec le temps, mais ce n’est pas le sujet qui me préoccupe le plus.

Good luck, Mister Ramos !

Thank you ! (il rit) Mais ici, on ne m’appelle pas Mister. On m’appelle The Boss !

par pablo lopez (esm) – photos: reporters

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire