« Il y a trop de lèche-culs »

Le Limbourgeois joue franc jeu : ses différends avec Waseige et Wilmots, son opposition au Vlaams Blok, son « blème » avec Joly.

Fin janvier, à Gand, il était impossible d’ignorer les affiches d’un Gunther Schepens posant nu pour promouvoir le concours du footballeur le plus sexy de l’année. Un symbole dont on parla plus encore que de sa campagne contre le Vlaams Blok, avant les élections.

Gunther Schepens : Beaucoup de gens ont réagi, des hommes comme des femmes. J’avais posé sans savoir que je me retrouverais sur des affiches ni en première page du magazine flamand Humo. Quand je me suis vu dans les kiosques, j’ai été choqué, je trouvais cela un peu léger. Philippe Vande Walle, à qui j’avais demandé un avis, m’avait dit d’y aller mais j’aurais dû prendre conseil auprès de quelqu’un d’autre (il rit). En tout cas, je ne recommencerai pas, même s’il faut essayer d’être original. Par contre, j’aimerais encore être consultant en télévision, comme à l’EURO.

Heureusement que vous n’étiez pas sélectionné, alors.

Je n’avais aucune chance: je n’avais pas joué pendant cinq mois.

Que vous inspire encore l’équipe nationale?

C’est toujours le sommet mais quand on est en méforme pendant tout un temps, mieux vaut ne pas y penser. Il y a quatre ans que je n’ai plus été repris et trois ans que je n’y pense plus… Sauf en octobre 99, lorsque j’ai été surpris de faire partie des 40 présélectionnés pour les tests médicaux. C’est vrai que j’étais bien mais quand même pas à ce point. Et puis, Waseige, que j’ai fréquenté pendant deux ans au Standard, n’est pas un de mes fans. Et Wilmots a beaucoup à dire : cela m’étonnerait qu’il intercède en ma faveur car nous ne nous entendons pas. Mais ce n’est pas un problème: je ne lui dois rien.

Pourquoi ne vous entendez-vous pas avec Waseige?

Nous avons eu un différend. Certains peuvent passer l’éponge, d’autres pas. Je ne suis pas quelqu’un de facile mais j’ai l’habitude de dire ce que je pense, même à Waseige.

Et accepte-t-il?

Non, manifestement. Je lui ai dit un jour que, si nous avions perdu le titre à Anderlecht, c’était sa faute parce que nous avions accepté le combat alors que nous étions en supériorité numérique. J’en reste convaincu. Je n’étais peut-être pas le seul à le penser mais il n’y a que moi qui l’ai dit alors que le groupe recelait tout de même de fortes personnalités et que je n’en étais pas une. Le pire, c’est lorsque nous avons été éliminés en coupe à Mouscron. Au debriefing, il a dit qu’on ne pouvait pas voler qu’avec une seule aile. Il aime se moquer des autres mais n’aime pas qu’on le charrie. A l’entraînement aussi, il rigole mais quand on répond, même pour rigoler, il se sent directement attaqué. Un jour qu’il était assis sur le ballon, j’ai dit : -Levez-vous, sinon le ballon va exploser. Tout le monde a ri, évidemment. Aux tests médicaux, fin 99, il n’avait pas changé. Je portais une marque de chaussures inconnue. Il m’a demandé si elles venaient de l’ex-Allemagne de l’Est. J’en suis tombé à la renverse mais je n’ai rien dit. J’ai eu des différends avec tous mes entraîneurs mais je préfère rester six semaines dans la tribune comme ce fut le cas en Allemagne que de ramper. Seulement, en football, il y a de plus en plus de lèche-culs. Trop peu de joueurs ont assez de c… pour dire ce qu’ils pensent et ça m’énerve. Peut-être est-ce dû à l’augmentation du nombre d’étrangers qui ne sont que de passage et se foutent du club.

Espérez-vous encore être sélectionné en équipe nationale?

Si je suis en forme et qu’un type comme Boffin est encore sur le banc à 37 ans, ça m’énervera mais l’équipe nationale n’est plus un but. Je ne manque pas d’ambition car j’ai été 30 fois international mais, à ma place, hormis Goor, il n’y a personne. Si on m’appelle, j’irai car cela reste un honneur mais, pour cela, il faudrait que je retrouve la forme qui était la mienne au Standard.

C’était votre espoir en rentrant en Belgique.

J’ai été opéré deux fois. L’an dernier, j’ai livré un bon premier tour alors que je n’étais qu’à 75% de mes possibilités. J’ai commis une erreur en repoussant deux fois l’opération pour faire plaisir au club alors que je n’avançais plus. Cela s’est retourné contre moi, même si on ne pourra jamais me reprocher un manque d’engagement. Aujourd’hui, j’ai un nouveau dos et deux nouveaux genoux. Le sport de haut niveau, c’est malsain.

Vous vous êtes même demandé si vous pourriez encore jouer longtemps.

Si je ne reviens pas au sommet, j’arrêterai. J’y verrai plus clair après cette saison. Les dernières semaines ont été meilleures et cela me rend espoir.

Lorsque vous êtes revenu à Gand, vous disiez que l’intention n’était pas d’aller au bout de votre contrat de quatre ans.

C’est vrai mais je ne pense plus à l’étranger. J’ai raté mon premier tour à cause d’une mauvaise préparation. On m’a dit qu’on attendait davantage de moi et je le sais. Trop de footballeurs sont sensibles à la critique parce qu’ils attachent trop d’importance au football. C’est le plus beau métier du monde mais cela doit rester un jeu.

Un jeu bien payé.

Ce n’est pas moi qui ai établi les règles mais si je n’avais songé qu’à l’argent, je serais resté en Allemagne.

En D3?

Oui mais en tête. Cependant, il faut être fou pour jouer à 600 km de chez soi pour le double de son salaire. Je préfère rester chez moi.

Chez vous, c’est à Gand?

Oui. Je sais qu’on y attend beaucoup de moi, qu’on veut que je sois le lien entre les joueurs et la direction et je n’ai jamais fui mes responsabilités.

Vous avez été testé à Nottingham.

Oui mais là aussi, je serais descendu, comme à Karlsruhe.

Aviez-vous votre mot à dire en Allemagne?

C’était difficile, je n’étais qu’un petit Belge. C’était plutôt le rôle de Hässler, 101 fois international et un type formidable. L’ambiance était bonne, trop bonne même. A la longue, nous n’osions plus nous corriger. Mais quand j’avais quelque chose à dire, je ne me réfugiais pas derrière Hässler.

Ce football ne vous convenait pas?

L’entraîneur m’avait certifié qu’il allait jouer en 4-4-2 mais il a opté pour un 3-5-2. Et puis, lutter pour le maintien, c’est stressant, d’autant qu’on en parle aussi en Belgique et qu’il faut tout expliquer deux fois.

Gand, l’an dernier, c’était la tour de Babel.

Si les résultats suivent, ce n’est rien. Presque tout le monde parlait anglais, même les Français. Cette fois, il est plus difficile de tout traduire en français. Notre problème, c’est le manque de communication. Même Houwaart en a souffert alors que c’est son point fort.

Les résultats de l’an dernier vous ont-ils surpris?

Sollied avait choisi les joueurs en fonction de son système. D’autres clubs avaient de meilleurs éléments que nous mais n’avaient pas bâti une équipe. Je n’aurais jamais cru que tout irait aussi vite mais j’ai appris que les petits clubs étaient capables de grandes choses s’ils jouaient en fonction de leurs qualités. Les Belges sont trop modestes et Sollied fut le premier à ne jamais modifier son système. Vandereycken s’y prenait différemment mais il reste le meilleur entraîneur que j’aie connu.

Avez-vous rapidement compris ce qu’on attendait de vous?

Chacun connaissait son rôle. Je pouvais centrer aveuglément car j’étais certain que trois ou quatre joueurs attendaient le ballon. Nous avons prouvé qu’il ne fallait pas longtemps pour créer des automatismes, même avec des nouveaux joueurs.

Vous entraîniez-vous plus qu’en Allemagne?

On s’entraînait plus dur en Allemagne. Tactiquement, c’était nul mais on compensait par l’engagement et la mentalité. Les clubs allemands sont dirigés par des gens qui ont joué à un haut niveau, ce qui n’est pas le cas en Belgique. Avec la condition qui était la mienne en Allemagne, je serais très fort en Belgique mais je ne suis pas du genre à m’imposer un entraînement supplémentaire.

Sollied était contre les joggings.

Remy aussi. Pourtant, notre condition est bonne car les entraînements sont longs et intensifs. Mieux vaut répéter des phases avec des duels que courir trois-quarts d’heure sans s’arrêter.

Les joueurs ont-ils intercédé en faveur de Sollied lorsqu’il est parti à Bruges?

Fred Herpoel et moi avons quitté l’entraînement parce que nous pensions que Sollied allait être limogé sur le champ alors que nous étions convaincus qu’il était suffisamment professionnel pour aller jusqu’au bout. Nous sommes allés trouver le président pour lui demander des explications. Heureusement, tout s’est bien passé car nous avons pris un fameux risque au nom du groupe. Tout cela parce que nous pensions que, pour la première fois depuis neuf ou dix ans, il était possible d’être européen. Je savais également que le président était ouvert à la discussion. Avant, il faisait office de tampon entre la direction et les joueurs. Nous étions content que Sollied aille à Bruges et c’était à nous qu’il le devait car l’entraîneur a beau avoir les meilleures idées, si les joueurs ne les exécutent pas…

Pourquoi n’en avez-vous pas fait autant pour Houwaart?

Nous avons pris un mauvais départ. En période de préparation, ça bougonnait déjà. Nous jouions mal mais nous gagnions. Après les matches, Houwaart ne disait pas – Félicitations mais – Merci. Les étrangers ne se sentaient pas tous sur un pied d’égalité. Le président m’a demandé mon avis et j’ai dit honnêtement que nous n’avions pas les mêmes sensations qu’avec Sollied. Je n’ai pas demandé qu’on renvoie Houwaart. Le président l’a proposé mais nous avons demandé à le conserver. Seulement, tout le groupe n’était pas derrière lui et, en tant que capitaine, je ne pouvais pas l’imposer.

Peut-on comparer Remy à Sollied?

Oui. Nous retrouvons certains exercices identiques. Le système est différent, plus flexible mais nous ne jouons pas encore très bien.

Que vous manque-t-il?

Le plaisir, ça se voit. C’est comme ça depuis le début de la saison. Ce n’est pas Remy qui a composé ce noyau et il n’est pas vraiment homogène.

Le président veut construire une grande équipe qui pratique un jeu attractif…

Il y a encore du travail. Pour le moment, seuls les résultats sont là. Le président doit encore s’occuper de trop de choses. S’il y a un problème avec les ballons ou les boissons, c’est à lui que nous devons nous adresser. La preuve que nous ne sommes pas un grand club.

L’incident avec Joly dénote-t-il de cet état d’esprit?

Je l’ai dit : tout le monde n’accepte pas la critique. Nous nous parlons à peine. L’entraîneur nous demande parfois notre avis et il écoute. A propos de Joly, j’ai dit ce que j’avais sur le coeur parce que cela faisait un certain temps qu’il indisposait le groupe. Je n’aurais peut-être pas dû étaler cela sur la place publique et je me suis fait taper sur les doigts mais, la semaine suivante, j’ai lu que Remy était content que j’en aie parlé à la presse. J’aurais préféré qu’il fasse lui-même le message à Joly.

Y a-t-il un clan français?

Non.

Avez-vous encore reçu des menaces de la part de l’extrême droite?

Non, heureusement. A l’époque, j’ai sérieusement envisagé d’arrêter le professionnalisme et d’aller jouer plus bas et, tout compte fait, c’est en Juniors que je m’amusais le mieux. Ce sont les réactions du public qui m’ont incité à continuer. Si on m’avait sifflé, j’aurais plié bagage. Mais si je n’ai pas joué contre GBA, c’est à cause de mon genou, pas parce que j’avais peur.

Lutterez-vous encore contre le Vlaams Blok?

J’assume ce que je fais mais je ne recommencerai pas. Les résultats ont démontré que ma présence sur les affiches n’a pas fait vaciller le Vlaams Blok. Deux points de son programme me dérangeaient: ils sont contre les étrangers alors que j’ai moi-même été étranger en Allemagne et que notre club est composé de 75% d’étrangers; ils sont aussi contre les francophones alors que j’ai été pour ainsi dire Wallon pendant quatre ans au Standard. De plus, pour eux, un étranger, c’est un black ou un jaune, pas un Français, par exemple. C’est contre cette étroitesse d’esprit que j’ai manifesté. Un vrai partisan ne se laissera pas impressionner par ma présence sur une affiche mais un indécis réfléchira peut-être.

Philippe Vande Walle fait partie du CVP mais je parie qu’il ne connaît pas la moitié du programme. Alors, mieux vaut s’abstenir. Je ne veux pas être une figure de proue qui ramasse des voix. On m’a approché mais, si je m’engage, c’est parce que j’y connais quelque chose. Or, ce n’est pas mon domaine.

Geert Foutré

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